Un sein rose suspendu au plafond regarde vers le sol. Il semble tomber comme une grosse goutte de lait maternel… Autour de lui, des dizaines de petits poissons flottent, et évoquent un mobile au-dessus d’un lit d’enfant. Invité à tourner puis à s’asseoir autour de l’installation, le visiteur se laisse bercer par une bande-son composée de chants et de voix, souvenirs d’habitants de la Vieille Charité, un ancien hospice dédié à l’accueil et l’enfermement des pauvres et des indigents à Marseille. Le moment est étrange, hors du temps…

Mère We Sea est signée de Laure Prouvost (née en 1978) ; invitée par l’institution du Panier à produire une œuvre inédite en parallèle de ses deux autres expositions au [mac] musée d’Art contemporain et au Mucem, l’artiste qui a représenté la France à la Biennale de Venise en 2019 donne ici à voir une puissante communion entre la maternité et la Méditerranée ; « une œuvre subjective, sensuelle, immersive et ambiguë, comme un organe où flottent des voix, des chants, des poissons et des fragments de corps, tous en interconnexion les uns avec les autres, et avec les visiteurs et visiteuses », s’enthousiasme la co-commissaire Stéphanie Airaud.

Une installation onirique

Laure Prouvost, Sifflet en céramique et sa réplique en verre

Laure Prouvost, Sifflet en céramique et sa réplique en verre, 2024

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© Atelier Berengo Studio / © Edwige Lamy

Car elle aime à travailler de façon collaborative, Laure Prouvost a sollicité pour l’occasion des souffleurs de verre de Murano (pour les sculptures), des chercheuses en sciences sociales de l’EHESS de Marseille – installé dans les murs de la Vieille Charité – (pour les témoignages enregistrés), et la chorale du conservatoire (pour les chants), emmenant dans son aventure toute une foule de sensibilités et d’histoires.

Le résultat active un jeu de mot sur la mer et la mère, et donne à imaginer la Méditerranée comme une entité nourricière, dont les enfants sont les poissons et les algues de ses profondeurs. Onirique, l’œuvre est aussi très lisible, évidente, et surgit avec une force toute féminine dans l’architecture en courbes de la chapelle de la Vieille Charité, marquée par la rondeur de ses arcades et par son ample rotonde.

Exposition « Laure Prouvost. Mère We Sea » au Centre de la Vieille Charité à Marseille

Exposition « Laure Prouvost. Mère We Sea » au Centre de la Vieille Charité à Marseille

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© Julie Cohen / © Mucem

Nicolas Misery, co-commissaire, explique d’ailleurs : « Les premiers échanges autour de ce projet remontent à la fin de l’été 2021. Leur souvenir convoque à plusieurs égards l’idée d’une naissance : enceinte alors qu’elle esquissait ses premières inspirations, Laure Prouvost s’amusait des étonnants échos entre les formes de son corps et les volumes de la chapelle de la Charité. »

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De la fluidité entre les êtres et les éléments

Sur le sol, une flaque translucide et sculpturale renforce la sensualité de l’installation, et fait entrer dans l’éternité de l’œuvre un élément éphémère, l’eau, qui ici ne s’évaporera pas. Celle-ci renforce l’idée de fluidité chère à l’artiste, laquelle ne cesse de tisser dans son travail des liens entre les hommes, les animaux, les végétaux et les paysages à travers ses installations multisupports. Une vraie réussite, quelque peu surréaliste dans sa forme et animée d’une tendresse sensible pour l’expérience de la maternité.

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Laure Prouvost. Mère We Sea

Du 2 avril 2025 au 11 janvier 2026