Par
Antoine Blanchet
Publié le
13 août 2025 à 18h04
Petite voix qu’on entend à peine. Silhouette frêle. Visage juvénile. Ce mardi 12 août 2025, Leïla*, 19 ans, apparaît dans le box des comparutions immédiates comme un poisson rouge dans un aquarium à requins. Entre un extorqueur violent et des voleurs de montres de luxe armés de revolvers, la presque adolescente détonne. Elle est jugée au tribunal de Paris pour transport non autorisé de stupéfiants.
Du crack transporté en voiture
Si la teneur de certaines audiences tient en une phrase, celle de Leïla se marie parfaitement à la célèbre tirade de Molière : « Que diable allait-elle faire dans cette galère ? ». Le 9 août, un véhicule de police patrouille sur le boulevard Bourdon, dans le 4e arrondissement. Une voiture interpelle les agents, car sa plaque d’immatriculation est illisible. Ce détail est suspect. L’attitude de la conductrice encore plus. « Elle est stressée et a le regard fuyant », remarquent les policiers lors du contrôle.
L’angoisse qui se dépeint sur le visage de la jeune femme a une raison bien précise. Sous les pieds de la conductrice, un sac. Dans le sac, une matière blanchâtre. La matière blanchâtre est du crack. Coopérative, Leïla remet un second sac contenant lui aussi la même drogue. Elle est très vite placée en garde à vue. Aux enquêteurs, elle avoue avoir été contactée sur Snap pour jouer les mules pour 150 euros la transaction.
La prévenue approchée sur Snapchat
À l’audience, la prévenue, qui encourt 10 ans de prison, a du mal à croiser le regard consterné du président. Le magistrat habitué aux récidivistes et marginaux tombe des nues en lisant le parcours de vie de la jeune femme. Ses parents ont une bonne situation. Son casier est vierge. Son alternance se déroule à merveille. « Quand on voit ça. On a une question à vous poser. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête ? », lance le juge.
« Je suis tombée sur une annonce sur Snapchat. Un homme est venu m’aborder par message et m’a demandé si j’avais besoin de me faire de l’argent. Il a su me convaincre », relate Leïla d’une voix qui se fait la moins forte possible. L’individu lui indique alors un immeuble dans le 18e arrondissement. L’apprentie mule doit s’y rendre. À l’intérieur, un placard dans lequel sont entreposés des sacs à récupérer. « Et là, vous ne vous êtes rendue compte de rien ? Vous avez compris que c’était pas du sucre pour faire un gâteau ? », s’énerve le juge. Elle effectue alors pendant quelques jours des livraisons avant le contrôle inopiné du 9 août.
« Ils ont dû tomber de l’armoire vos parents ! »
Au tribunal médusé, Leïla évoque une dette de 1000 euros comme bretelle d’embranchement vers la route du narcotrafic. « Vous croyez pas qu’il y a d’autres moyens de payer sa dette que d’aller chercher du crack dans un immeuble louche ? Vous connaissez d’autres personnes qui font ça ? Vous avez décidé d’innover ? », s’emporte le président. « J’ai fait une erreur », glisse la jeune femme. « C’est pas une erreur. C’est une infraction ! », corrige le président. Dans la salle, le père de la prévenue est présent. « Ils ont dû tomber de l’armoire vos parents. Ça fait un choc d’apprendre ce genre de choses », poursuit le magistrat.
Condamnée à de la prison avec sursis
Cette sortie de route, la procureure ne la prend pas à la légère. « Il y a eu plusieurs jours de livraison. Ça s’inscrit dans le temps », déclare la magistrate, qui s’étonne du caractère « surprenant » de ce dossier. Elle demande six mois de prison ferme, aménageables sous le régime du bracelet électronique. « C’est effectivement un grand choc », reconnaît l’avocat de la défense. Il plaide une « erreur de parcours » et demande du sursis pour sa cliente.
Finalement, le tribunal va dans ce sens. Une peine de huit mois de prison avec sursis est prononcée. Le téléphone de la prévenue et l’argent retrouvé dans sa voiture sera confisqué. « C’est ce qu’on appelle madame, une peine d’avertissement. Après l’avertissement qu’est ce qui se passe ? Une sanction plus lourde », lui dit le président.
*Le prénom a été modifié
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