Pour l’UE, c’est la semaine des réunions d’urgence. Après celle des ambassadeurs, celle des ministres des Affaires étrangères et celle des Etats membres, voici venue celle des principaux dirigeants avec Donald Trump. Lors de toutes ces rencontres, organisées à la hâte et en visioconférence, à une époque où tout Bruxelles est normalement à l’arrêt, les Européens ont martelé un même message : la paix en Ukraine ne saurait se faire sans les Ukrainiens, elle devra respecter l’intégrité territoriale du pays et les «intérêts de sécurité vitaux» des Européens.

Ces efforts d’unité et de clarté ont bien du mal à se traduire en avancées diplomatiques. Trump évoque toujours des «échanges de territoires», ­euphémisme pour une occupation russe, mais a affirmé vouloir organiser dès que possible une réunion avec ses homologues russe et ukrainien. Autre petite victoire pour les Européens et Zelensky : après leur entretien avec Trump, que celui-ci a qualifié de «très bon appel», le président américain a menacé Moscou de «conséquences très graves» si la guerre se poursuivait.

A leur sortie de la rencontre, les Européens ont tenté de balayer l’idée qu’ils seraient mis de côté. «Il est parfaitement naturel que cette rencontre bilatérale [entre Trump et Poutine] ait lieu. L’important était qu’il y ait une coordination sur les questions qui touchent à l’Europe, à notre sécurité collective», a affirmé Emmanuel Macron.

Sous couvert d’enthousiasme pour l’initiative de Trump, qui partagerait «les mêmes objectifs» que les Européens, les dirigeants ont répété un point important : «un cessez-le-feu» entre Moscou et Kyiv «doit venir en premier» pour que d’éventuelles négociations puissent se dérouler «dans le bon ordre», comme l’a rappelé le chancelier allemand Friedrich Merz. Macron, quant à lui, a affirmé que Trump allait «se battre» pour obtenir «une trilatérale avec Zelensky [et Poutine]», que le président français souhaiterait voir se tenir en Europe.

L’issue de la rencontre en Alaska dira s’il est resté quelque chose de cette discussion, mais un optimisme prudent reste de mise. «Les présidents russes et américains s’accordent complètement dans leur volonté d’exclure les Européens des discussions et de marginaliser l’UE. Ils préfèrent revenir à un rapport bilatéral, quasiment bipolaire, hérité de la guerre froide. Et comme l’UE ne dispose pas d’un outil militaire, ils peuvent se le permettre», pointe Cyrille Bret, chercheur associé à l’Institut Montaigne.

Les plus défaitistes – ou les plus réalistes, selon le point de vue – ont commencé à ouvrir la porte des concessions à la Russie. Mark Rutte, ancien Premier ministre néerlandais devenu patron de l’Otan et flagorneur en chef de Trump, s’est ainsi mis au diapason du président américain en évoquant la reconnaissance d’une «occupation de facto mais non de jure» (de fait mais pas de droit) d’une partie du territoire ukrainien par la Russie. La sortie a outré les plus ardents partisans de l’Ukraine, les Etats nordiques et baltiques, qui sont aussi souvent ceux qui ont fait le plus d’efforts pour augmenter leurs dépenses de défense. «Nous avons toujours les capacités d’aider l’Ukraine à se battre, nous les avons toujours eues. La seule chose que nous n’avons pas, c’est le courage de le faire», a tancé l’ancien ministre des Affaires étrangères lituanien Gabrielius Landsbergis.

De fait, l’Europe n’est pas impotente. Elle est devenue de loin le principal soutien militaire de l’Ukraine depuis le début de l’année, en compensant la suspension de l’aide américaine. C’est également elle qui a la main sur les deux tiers des 300 milliards de dollars (256 milliards d’euros) d’avoirs russes gelés, qui seront un point de négociation dans l’élaboration d’une paix. «Prisonnier de sa logique court-termiste, Trump pourra au mieux décrocher un cessez-le-feu, estime Cyrille Bret. Mais aucune paix durable ne pourra être envisagée sans le concours européen.»