Le député azuréen et élu départemental UDR, Éric Ciotti, probable futur candidat à la mairie de Nice, détient-il un fichier informatique – ou plutôt plusieurs fichiers – comportant des données personnelles illicites et les utilise-t-il à des fins électorales? C’est ce que cherche à déterminer le parquet de Nice.

Le procureur de la République, Damien Martinelli, a ouvert, en mai dernier, une enquête préliminaire du chef « d’enregistrement ou conservation de données à caractère personnel sensibles sans le consentement des intéressés ».

Des perquisitions

Mardi, des policiers du service interdépartemental de police judiciaire (SIPJ 06) ont investi des bureaux du conseil départemental des Alpes-Maritimes et procédé à des perquisitions.

Ils ont notamment visité le bureau du directeur général des services du Département, puis ceux de deux collaborateurs parlementaires d’Éric Ciotti, également employés de la collectivité azuréenne, d’après une source bien informée. Des données informatiques ont été saisies, a révélé le parquet.

Selon nos informations, c’est un article 40 daté du 16 mai dernier qui est à l’origine de ces investigations menées par le parquet de Nice.

Le signalement a été rédigé par un citoyen qui souhaite garder l’anonymat et qui demande, d’ailleurs, le statut de lanceur d’alerte. Selon l’entourage d’Éric Ciotti, il s’agirait « d’un ancien proche qui a rejoint le camp Estrosi ».

Des bureaux d’assistants parlementaires visités

« J’ai eu connaissance de faits d’une particulière gravité », écrit ce « lanceur d’alerte ». Avant de lister ces faits: « La constitution d’un fichier illicite de données à caractère personnel sans base légale. (…) La collecte massive de données dites sensibles au sens (…) de la loi: opinions politiques, appartenance religieuse, état de santé. Et l’usage potentiellement discriminatoire et politique de ces données à des fins personnelles et électorales ».

Et il n’y va pas par quatre chemins. « Ces faits ont été commis par Éric Ciotti (…) dans le cadre de ses fonctions », poursuit le « citoyen » qui guide ensuite les enquêteurs en leur expliquant où ils pourront trouver les fichiers incriminés, citant même des assistants du député azuréen susceptibles de les détenir.

« La nature même de ces fichiers, leur contenu et leur usage potentiel soulèvent de graves atteintes à la vie privée », écrit-il encore à destination du procureur de la République. À qui il a adressé, confie-t-il, une clé USB contenant les fichiers.

Et il ne s’est pas contenté d’alerter la justice. Le même courrier a été envoyé à la présidente de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Des fichés connus et d’autres inconnus

Dans ces différents fichiers, que nous nous sommes procurés, et nommés « Piliers 2023 », « Relais d’influence 2024 », « adhérents LR 2022, 2023, 2024 » ou encore « fichier Rose », sans que l’on ne comprenne cette dénomination, des centaines et des centaines de noms sont accompagnés des coordonnées de la personne et de certaines observations.

Qui est président de comité de quartier et possible « soutien d’EC ». Qui, encore, est président d’un clos de boules et un relais pour faire des « apéros » en période électorale. Certains « fichés » sont de simples citoyens. D’autres sont des élus, des militants associatifs ou des avocats connus…

Mais certaines données apparaissent beaucoup plus personnelles comme l’appartenance à une communauté ou la religion. Il s’agit de présidents d’associations juives, comme Jérôme Culioli, président du CRIF sud-est, le Conseil représentatif des institutions juives de France.

Ou de curés, comme Gil Florini, identifié comme étant « de confession chrétienne ». « A aucun moment de simples électeurs ont été répertoriés par leur religion ou leur communauté », précise un proche d’Éric Ciotti qui souhaite garder l’anonymat.

L’article 226-19 du Code pénal

Si la justice estime que des données personnelles ont été indûment collectées et utilisées, cela pourrait tomber sous le coup de la loi.

L’article 226-19 du Code pénal (1) réprime la collecte illicite de données à caractère personnel révélant les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, ou l’appartenance syndicale d’une personne, ainsi que les données relatives à la santé ou à la vie sexuelle.

1. Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans l’accord exprès de l’intéressé, des données nominatives qui, directement ou indirectement, font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou les appartenances syndicales ou les mœurs des personnes est puni de cinq ans d’emprisonnement.