Les sous-marins ne suffisent plus. Le Royaume-Uni va participer à la dissuasion nucléaire aéroportée de l’Otan en complément de la dissuasion par sous-marin dont il dispose aujourd’hui, en achetant douze avions F-35 capables de transporter des ogives nucléaires, a indiqué Downing Street mardi 24 juin.
Le Premier ministre britannique Keir Starmer annoncera mercredi lors du sommet de l’Alliance à La Haye cet achat qui constitue, selon son bureau, « le plus grand renforcement du dispositif nucléaire du Royaume-Uni depuis une génération ». « Ces avions F-35 à double capacité (DCA) vont faire entrer le leader mondial qu’est la Royal Air Force dans une nouvelle ère, et dissuaderont les menaces hostiles qui pèsent sur le Royaume-Uni et ses alliés », a déclaré Keir Starmer dans un communiqué.
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Le secrétaire général de l’Alliance Mark Rutte, également cité, s’est « vivement félicité » de cette annonce, qui apporte selon lui une « nouvelle contribution britannique solide à l’Otan ».
« Nous ne pouvons plus considérer la paix comme acquise »
Depuis la fin de la Guerre froide, la dissuasion nucléaire britannique dans le cadre de l’Alliance atlantique était uniquement assurée par les sous-marins de la Royal Navy. A cette époque, « il n’y avait plus vraiment d’intérêt pour les armes nucléaires tactiques en Europe, car la menace avait disparu », explique à l’AFP Héloïse Fayet, spécialiste du nucléaire à l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Cette annonce illustre selon elle « la poursuite de la renucléarisation de l’Europe, le retour du besoin d’armes nucléaires et le renforcement de la dissuasion de l’Otan, face à un adversaire qui est la Russie », en guerre depuis trois ans avec l’Ukraine.
Ces avions de chasse F-35A du constructeur américain Lockheed Martin sont une variante des F-35B déjà utilisés par le Royaume-Uni, à la différence qu’ils peuvent être équipés d’ogives nucléaires en plus de transporter des armes conventionnelles. L’acquisition « d’au moins douze » de ces chasseurs constituait une demande de longue date de l’armée de l’air britannique.
« Dans une ère d’incertitude radicale où nous ne pouvons plus considérer la paix comme acquise, mon gouvernement investit dans la sécurité nationale, en veillant à ce que nos forces armées disposent de l’équipement dont elles ont besoin », a souligné Keir Starmer.
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Le Royaume-Uni s’est déjà engagé lundi à atteindre l’objectif fixé dans le cadre de l’Otan de consacrer 5 % de son Produit intérieur brut à des dépenses de sécurité. Face à la menace russe, et sous pression du président Donald Trump, les pays de l’Otan s’apprêtent à annoncer à La Haye un accord sur cet objectif à l’horizon 2035. Londres avait déjà fait part en février de son intention de porter son budget de défense à 2,5 % du PIB d’ici 2027, puis à 3 % après 2029.
Le ministre britannique de la défense John Healey a prévenu mardi que le Royaume-Uni était « confronté à de nouveaux risques nucléaires, d’autres États augmentant, modernisant et diversifiant leurs arsenaux ». Comme le relève Héloïse Fayet de l’Ifri, le « Royaume-Uni renforce ainsi sa contribution à la dissuasion nucléaire de l’Otan d’une façon qui n’est pas indépendante, mais de concert avec les États-Unis ».
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Sept membres de l’Otan, dont les Etats-Unis, l’Allemagne ou l’Italie, disposent actuellement d’avions à double capacité permettant de transporter des ogives nucléaires américaines B61, stockées sur le sol européen, et qui devraient être également celles utilisées par le Royaume-Uni. Mais lorsqu’ils en seront à nouveau équipés, les Britanniques « n’auront pas le contrôle sur ces armes, qui servent dans le cadre de l’Otan et ne peuvent être utilisées qu’avec l’accord des Etats-Unis », souligne Héloïse Fayet.
Début juin, le Royaume-Uni a annoncé la construction de jusqu’à douze sous-marins nucléaires d’attaque et six usines de munitions, afin de réarmer le pays face à la « menace » posée notamment par la Russie. Il s’agit de douze sous-marins à propulsion nucléaire dotés d’armes conventionnelles, dans le cadre de l’alliance militaire Aukus, avec les Etats-Unis et l’Australie. Keir Starmer avait également confirmé que le Royaume-Uni dépenserait quinze milliards de livres sterling (17,7 milliards d’euros) pour son programme d’ogives nucléaires.