L’économie russe commence à souffrir à cause de la guerre en Ukraine. Vladimir Poutine aura cette donnée en tête avant son sommet vendredi avec Donald Trump, qui lui a déjà apporté une première victoire en ayant pour effet de suspendre l’ultimatum et les menaces de nouvelles sanctions économiques si la Russie ne mettait pas fin au conflit.

La Russie est « au bord de la récession », a reconnu le ministre russe de l’Économie en juin dernier. « Cette déclaration semblait surtout destinée à pointer du doigt la politique de la Banque centrale, qui maintient des taux directeurs historiquement élevés pour maîtriser l’inflation et qui est accusée en filigrane de ne pas faire sa part de soutien patriotique à la guerre », analyse Julien Vercueil, professeur à l’Inalco. « Selon les données russes actuelles, la récession semble peu probable pour cette année », corrige ce spécialiste de l’économie russe.

La croissance russe est toutefois en chute libre. Elle devrait tomber à 0,9 % en 2025, contre plus de 4 % en 2023 et 2024, quand la machine de guerre faisait tourner l’économie à plein régime.

« La rente pétrolière, ligne de vie de Poutine »

Les sanctions des pays occidentaux ont été efficaces en privant la Russie d’accès aux marchés de capitaux et en empêchant les transferts de technologies, même si la Chine a pris le relais en partie. « Les deux tiers des entreprises russes reconnaissent que les sanctions ont eu un effet négatif sur leur activité », explique Julien Vercueil.

La baisse des revenus pétroliers et gaziers risque de creuser le déficit budgétaire. « La rente des exportations d’hydrocarbures est une sorte de ligne de vie pour le régime de Poutine », rappelle le professeur de l’Inalco. Le prix plafond lié aux sanctions est contourné par la Russie mais la rente a tout de même diminué d’environ 15 à 25 % à cause de la baisse des cours mondiaux et des rabais que les pétroliers russes sont obligés de consentir à leurs clients. D’où l’inquiétude après les droits de douane américains de 50 % imposés à l’Inde pour la punir de ses achats de pétrole russe. « Tout ce qui peut réduire significativement la rente russe est un pas important en direction de la fin de la guerre », souligne Julien Vercueil.

« Une économie prise en étau »

Pendant que l’industrie de défense monopolise les ressources, les autres secteurs sont en grande difficulté. « L‘économie russe est prise en étau entre un complexe militaro-industriel qui bénéficie d’une priorité absolue mais qui tourne en surrégime avec une corruption généralisée, et de l’autre côté une industrie civile qui a du mal à rivaliser en termes de salaire et qui souffre d’un manque d’investissements », constate Julien Vercueil.

Vladimir Poutine semble avoir encore des marges de manœuvre avant d’être contraint de revoir ses objectifs de guerre. « La Russie peut absorber sans trop de difficulté un déficit budgétaire pendant quelques années. La priorité donnée à la guerre, coûte que coûte, risque d’être maintenue, car trop d’intérêts politiques et économiques sont investis dans ce conflit pour revenir en arrière », avance le spécialiste de l’économie russe. « Mais si la situation économique interne se dégradait au point de mettre en péril les finances publiques, la fin de la guerre pourrait être proche », ajoute-t-il.