Sur le papier, cela semble évident : les hommes et les femmes qui effectuent un travail équivalent méritent le même salaire. Pourtant, en Belgique, malgré des années de législation, nous sommes coincés dans une réalité où ce n’est tout simplement pas le cas. L’Union européenne veut y mettre un terme avec la directive européenne sur la transparence des rémunérations. Elle est en vigueur depuis juin 2023 et la Belgique doit la transposer en droit national d’ici juin 2026. Mais ceux qui pensent qu’il s’agit d’un simple exercice administratif se trompent. Il s’agit d’une remise en cause fondamentale de la manière dont les entreprises organisent leurs structures, leurs rémunérations et leur communication. Et surtout, cette directive peut et doit à terme remodeler l’ensemble de la culture du travail.

La directive va au-delà des rapports techniques : elle oblige les employeurs à être transparents sur les écarts de rémunération et à prendre des mesures lorsqu’une inégalité est identifiée. Il n’est donc plus possible de taire les différences de rémunération : les salariés pourront voir noir sur blanc où ils se situent. Les fourchettes de salaires devraient être divulguées à l’avance dans les offres d’emploi ou lors du premier entretien d’embauche, sur la base de critères objectifs et non sexistes. Il sera interdit de demander l’historique des salaires d’une personne et les salariés auront le droit explicite de discuter de leur rémunération.

Se débarrasser de la culture salariale tacite

Pour de nombreuses organisations belges, cela nécessitera un changement de mentalité : la transparence en matière de rémunération est encore l’exception plutôt que la règle dans notre pays. En outre, la rémunération est définie de manière large : elle comprend non seulement le salaire de base, mais aussi les primes, les chèques-repas, les indemnités de déplacement et les budgets de formation. Cela signifie que les entreprises doivent examiner de près l’ensemble de leur système de rémunération. Celles qui se contentent du minimum ratent l’occasion de mettre en place une politique salariale cohérente, équitable et tournée vers l’avenir.

La déclaration est obligatoire, mais pas pour tout le monde

Les obligations sont adaptées à la taille de l’entreprise. À partir de 2027, les employeurs de 250 salariés ou plus devront faire un rapport annuel sur l’année précédente. Les entreprises de 150 à 249 salariés devront le faire tous les trois ans, également à partir de 2027. Les entreprises de 100 à 149 salariés ne commenceront à produire des rapports pour 2030 qu’en 2031 au plus tard, mais elles feraient bien de ne pas attendre. Il n’y a pas d’obligation pour les entreprises de moins de 100 salariés. Les rapports doivent inclure les salaires bruts annuels et horaires moyens et médians, ventilés par sexe, y compris les primes et les avantages. Les entreprises belges ont donc tout intérêt à commencer dès maintenant à classifier les emplois et à collecter des données salariales.

Mais même sans obligation de déclaration, il serait naïf de penser que vous pouvez l’ignorer. La directive exige que lorsqu’un écart de rémunération inexpliqué de 5 pour cent ou plus est identifié, un examen conjoint des salaires soit effectué dans les six mois, avec une représentation des employés. Cet examen peut déboucher sur des ajustements salariaux, voire sur des dommages et intérêts.

La charge de la preuve se déplace – et c’est tant mieux

C’est peut-être la plus grande rupture avec le passé : la charge de la preuve n’incombe plus à l’employé. C’est à l’employeur de prouver que les écarts salariaux sont justifiés. En Belgique, l’écart salarial est encore de 5 pour cent sur une base horaire (2022). Cette directive fournit pour la première fois un cadre concret et applicable pour changer cela.

Elle oblige les entreprises à repenser la manière dont elles valorisent le travail. Le salaire n’est pas une feuille de calcul, c’est une reconnaissance. La transparence fait ressortir les préjugés inconscients et ceux qui les voient devraient aussi oser les expliquer. Les entreprises qui classent déjà les emplois de manière transparente et objective, en tenant compte notamment des compétences, des efforts fournis, des conditions de travail et des responsabilités associées, ne seront bientôt plus à la traîne.

Avantage stratégique

Regardons les choses en face : sur un marché du travail où les jeunes générations exigent équité et inclusion, il ne s’agit plus d’une question de conformité. Il s’agit d’un avantage stratégique. La directive européenne sur la transparence des rémunérations exige plus que des rapports corrects : elle requiert des structures salariales claires, objectives et non sexistes, ainsi qu’une volonté de corriger activement les inégalités. Pour les entreprises belges, cela signifie que la politique salariale classique et restrictive doit faire place à une approche ouverte et raisonnée qui soit à la fois juridiquement concluante et culturellement durable.

Les organisations qui investissent dès maintenant dans des audits salariaux systématiques, des classifications de postes claires et une communication cohérente ne se contenteront pas de se conformer à la loi, elles instaureront également la confiance et prendront une longueur d’avance dans la bataille pour le recrutement de talents. Celles qui attendent de voir risquent des sanctions juridiques et financières, ainsi qu’une atteinte à leur réputation. La politique salariale n’est plus une question interne de ressources humaines, mais un critère de crédibilité, de culture et de leadership. Les entreprises qui l’auront compris attireront les talents de demain.

Dorien Roes, Country Manager Belux chez Workday