Des centaines d’automobilistes expliquent avoir vécu un freinage brutal de leur véhicule sans action de leur part, avec des conséquences qui peuvent aller jusqu’à l’accident mortel. Le ministère des Transports s’est saisi du dossier.

Une voiture qui freine toute seule et brutalement sur l’autoroute: c’est le scénario vécu par Joanna, une habitante du département du Rhône, en avril dernier. Alors qu’elle roulait sur l’A40 à bord de sa Peugeot 208 récente et au rythme de croisière entre 110 et 130 km/h, sa voiture pile sans qu’elle appuie sur la pédale de frein.

Pas de bip d’alerte, ni d’obstacle présent sur la route, c’est ce qu’on appelle un « freinage fantôme », qui peut a priori s’expliquer par un dysfonctionnement des assistants à la conduite et du freinage d’urgence. Plusieurs cas recensés ces dernières années poussent le ministère des Transports à lancer une enquête, a appris Ici (ex-France Bleu) ce mercredi 13 août.

Plus de 250 témoignages

Surprise par ce freinage brutal, la voiture qui roulait derrière Joanna l’avait en effet percutée. Le choc est très violent, les deux véhicules sont bons pour la casse, mais heureusement les deux conducteurs s’en sortent juste avec des entorses cervicales et des hématomes.

Après avoir entendu les deux automobilistes, la gendarmerie demande une enquête, mais la justice refuse. « Officieusement, je sais que c’est parce que c’est trop cher et qu’il n’y a pas eu de décès », confie Joanna au micro de France Inter début août.

Choquée par cet accident, elle avait auparavant raconté son expérience dans les colonnes du journal Le Progrès début juillet, créant au passage une adresse mail (incident.freinage@gmail.com) pour que d’autres automobilistes se manifestent s’ils avaient vécu une situation similaire. En un mois, elle reçoit plus de 250 témoignages.

Des expertises qui ne donnent rien

Toutes les marques seraient concernées, avec des accidents plus ou moins graves qui s’étalent sur les quatre dernières années. Au moins un accident mortel est malheureusement recensé, avec une conductrice, Aurélie, qui raconte son expérience vécue en décembre 2023 sur l’A7 dans la Drôme. Même circonstance, avec un freinage brutal alors qu’elle était « en train d’accélérer ». Percutée par l’arrière, le choc est terrible: c’est sa passagère qui a perdu la vie, quand Aurélie se retrouve, elle, dans le coma.

« Sa voiture, une Skoda, a été expertisée trois fois, mais aucune défaillance n’a été trouvée. Selon elle, sa voiture avait pourtant déjà connu des problèmes électroniques les semaines précédant l’accident mortel, avec le GPS et la musique. Le concessionnaire avait examiné le véhicule, sans trouver de dysfonctionnement », résume Ici.

Les conséquences sont très lourdes pour Aurélie, jugée en mai dernier et condamnée début juillet pour homicide involontaire. Sur les conseils de ses avocats, elle n’a pas fait appel, mais souhaiterait « que justice soit rendue, que la vérité soit faite » et éviter de nouveaux drames qui pourraient donc être liés aux équipements récents des véhicules.

Le freinage d’urgence en cause?

« Le ministère va interroger les constructeurs et procéder à la réalisation d’essais », a indiqué le ministère des Transports à Ici ce mercredi. L’idée sera notamment de s’assurer du bon fonctionnement des systèmes de freinage d’urgence, obligatoires sur les véhicules neufs vendus en Europe depuis 2022, mais qui était déjà proposés sur certains véhicules depuis plus longtemps.

Grâce aux radars, caméras et différents capteurs, le véhicule peut détecter la présence d’un obstacle, déclencher une alerte et actionner les freins si le conducteur ne réagit pas. Un système qui n’est pas infaillible et qui peut, comme les régulateurs de vitesse adaptatifs, mal interpréter des éléments sur la route, jusqu’à provoquer un freinage inutile et même donc dangereux.

On parle aussi de « faux positifs », lorsque le système va volontairement ignorer une détection d’un potentiel obstacle, laissant au conducteur le fait de prendre la décision de freiner ou non, justement pour éviter un freinage fantôme. Un réglage fin qui avait été d’ailleurs pointé du doigt lors de l’accident mortel survenu en 2018 aux Etats-Unis avec un prototype Uber autonome, cette fois pour n’avoir pas déclenché de freinage automatique.

L’enquête du ministère des Transports devra donc faire la lumière sur ces nombreux dysfonctionnements recensés en France ces dernières années et sur les mesures à prendre.

En attendant, sur les véhicules les plus récents, il est possible de désactiver les fonctions de freinage d’urgence qui se réactivent à chaque démarrage. Des fausses alertes, sans forcément aller jusqu’au freinage fantôme, peuvent aussi pousser à contacter un garagiste pour faire une révision des différents capteurs du véhicule.