Petite pause durant cette canicule estivale, il fait doux ce mercredi matin sous un ciel un peu gris. Devant l’office de tourisme près du Grand-Théâtre à Bordeaux, c’est la foule. Shorts, casquettes, sac à dos, pas de doute, nous sommes bien en présence de touristes. Et ils sont nombreux à vouloir embarquer dans le bus du Bordeaux City Tours. Qu’on ne s’y trompe pas, « il y a du monde aujourd’hui parce qu’il fait bon, souffle Odile Candessanche, la patronne. Mais pour l’instant, c’est une saison en demi-teinte. Il y a moins d’étrangers et les Français font attention à leur budget. » Malgré tout, la plateforme à l’étage du bus fait le plein. Les connaisseurs se dépêchent de grimper l’escalier pour s’installer sur les places à l’avant, les seules à donner une vue panoramique à 180 degrés sur le paysage.
Les touristes peuvent suivre le parcours du bus sur leur plan ou sur une application dédiée.
Zian Palau
« Instant waouh imminent »
Sagement assis, écouteurs dans les oreilles, les voyageurs attendent le départ. Évidemment, grands travaux dans Bordeaux obligent, il a fallu adapter le parcours. Impossible de passer sur le pont de pierre, il faut oublier le point de vue exceptionnel qu’il offre sur la Garonne et les façades XVIIIe des quais. Le voyage démarre place des Quinconces, un passage devant le Jardin public puis direction le fleuve. Dans les oreilles, une voix enjouée prévient : « Attention, prochain instant waouh imminent. Nous arrivons place de la Bourse, la plus belle de Bordeaux. »
Tout le monde dégaine téléphones et appareils photos pour mitrailler la fontaine des Trois Grâces. Pas de quoi les faire sourciller, elles s’affichent indifférentes et fières entre la Chambre de commerce et le musée national des Douanes. La voix nous apprend qu’elles n’ont pas toujours offert leurs poitrines aux passants. Avant la Révolution, c’est une statue équestre monumentale de Louis XV qui trônait au milieu de la place, démantelée en 1792 comme il se doit.
J’ai une pédale au niveau du pied gauche pour lancer les commentaires. Et lorsqu’on prend du retard, je peux rallonger les explications ou mettre de la musique. Je suis un peu un homme-orchestre »
Premier départ devant l’office de tourisme.
Archives Fabien Cottereau/SO
Oups, sur la plateforme, le temps se gâte. « I can see a little rain », note une touriste qui vient de voir une goutte rouler sur ses lunettes. Le pont de pierre n’est pas loin, il s’agit de ne pas le rater, déjà qu’on ne peut pas le traverser… Le nuage ne veut pas s’en aller et commence à mouiller les voyageurs. Aucun problème, un store se déploie tranquillement au-dessus de leur tête. La vue est un peu moins spectaculaire mais la couverture n’empêche pas d’admirer la porte Cailhau. Vue du haut du bus, elle prend une autre dimension, des détails apparaissent auxquels on n’avait jamais prêté attention depuis le sol. On comprend mieux la fonction défensive de ce vestige des remparts de Bordeaux. Un virage devant la porte de Bourgogne et le bus entame la remontée du cours Victor-Hugo. Et là, patatras, ça bouchonne. Sur son siège, Mathéo, 9 ou 10 ans à vue d’œil, s’agite, visiblement peu passionné par les commentaires. Il joue avec ses écouteurs, pousse son père du coude et inévitablement finit par demander : « On s’arrête quand ? »
« Une belle découverte »
La pluie a déjà cessé, l’arrêt devant la Grosse Cloche approche. C’est là que Nicolas Large, le chauffeur, doit rester concentré. Il lui faut garer son bus, actionner le bouton pour ranger le store et libérer la vue des passagers, tout en lançant les commentaires. C’est lui qui gère tout en temps réel pour éviter les décalages entre le guide audio et le parcours. « J’ai une commande au niveau du pied gauche pour lancer les commentaires, comme le bus est automatique, je ne l’utilise pas pour la conduite. Et lorsqu’on prend du retard, je peux rallonger les explications ou mettre de la musique. Je suis un peu un homme-orchestre. » Au-dessus, Céline n’en perd pas une miette. Cette mère de famille de Vendée se régale. « J’adore l’histoire, c’est vraiment une belle découverte. Bordeaux possède une architecture magnifique. »
Cette année, le bus rouge ne peut plus emprunter le pont de pierre pour cause de travaux.
Archives David Thierry/SUD OUEST
Énorme appareil photo en main, Carmel est venue d’Australie pour découvrir la ville. Cette retraitée sillonne l’Europe avec son mari. Elle a prévu de consacrer quatre jours à Bordeaux, « a very beautiful city ». Entre Paris, Vienne et Barcelone, la capitale aquitaine occupe une place de choix dans leur périple.
Place Gambetta, le bus fait une pause un peu plus longue. Plusieurs voyageurs descendent, remplacés par un couple de touristes américains. C’est la nouveauté depuis le mois d’avril, le bus bordelais s’est adapté aux standards du tourisme international en optant pour le Hop on-Hop off. Avec leur pass journée, les touristes peuvent embarquer et descendre où ils veulent pour visiter la ville à leur rythme.
Ce n’est pas le cas du chauffeur : lui a un horaire à respecter pour arriver au terminus dans les temps.