“Deux personnes enterrées en Angleterre il y a plus de mille trois cents ans auraient des ancêtres en Afrique de l’Ouest, une découverte qui remet en cause notre conception de la Grande-Bretagne du haut Moyen Âge”, commence The Times. Le quotidien britannique se fait l’écho des résultats de deux études parues ce mercredi 13 août dans la revue Antiquity, pour lesquels des analyses d’ADN ancien ont été réalisées.

“Ces résultats représentent les premières preuves génétiques d’un tel lien direct entre la Grande-Bretagne et l’Afrique au VIIe siècle”, insiste le quotidien. Les deux personnes en question ne sont pas de la même famille. Leurs ossements n’ont d’ailleurs pas été déterrés au même endroit. L’une d’elles est une jeune fille âgée de 11 à 13 ans au moment de son décès ; son corps reposait dans un cimetière du Kent, dans le sud-est de l’Angleterre, identifié par les archéologues dans les années 1980 et connu sous le nom d’Updown.

“Son grand-père paternel était ouest-africain à 100 %, assure à Science Stephan Schiffels, généticien à l’institut Max-Planck d’anthropologie évolutive, qui a participé aux deux études. [Les gènes du] grand-père de la jeune fille [auraient] pu correspondre aux habitants du Nigeria actuel.”

L’autre personne est un homme qui devait avoir entre 17 et 25 ans quand il est mort. Il reposait dans un cimetière appelé Worth Matravers, dans le Dorset (sud-ouest de l’Angleterre). Là encore, l’analyse de l’ADN mitochondrial, uniquement transmis par la mère, montre une ascendance originaire du nord de l’Europe, tandis que l’ADN autosomal, transmis à égalité par les deux parents, révèle une ascendance semblable à celle des groupes ethniques actuels d’Afrique de l’Ouest subsaharienne notamment les Yoruba, Mende, Malinké et Esan.

Des “membres à part entière de leur communauté”

Comment et quand les parents de ces deux jeunes gens sont-ils arrivés en Grande-Bretagne ? “On l’ignore, répond New Scientist, mais cette découverte implique que les migrants aux temps anglo-saxons [c’est-à-dire avant la conquête normande de l’Angleterre, au XIᵉ siècle] venaient de bien plus loin qu’on ne le pensait auparavant.”

En outre, précise à l’hebdomadaire Duncan Sayer, de l’université du Lancashire central, premier auteur de l’une des études, rien ne suggère que ces personnes étaient des esclaves :

“Ces individus sont enterrés comme des membres à part entière de leur communauté.”

Par exemple, la tombe de la jeune fille contenait des objets lui ayant probablement appartenu : un couteau, un peigne en os, une cuillère et un vase décoré. Par ailleurs, l’analyse isotopique des os du garçon a permis d’identifier ce qu’il avait pu manger lorsque ses os étaient en pleine croissance. “À partir de son régime alimentaire, on peut imaginer qu’il est né et a grandi en Angleterre”, précise Ceiridwen Edwards, de l’université de Huddersfield, coautrice de l’étude.

Ces résultats suggèrent que la Grande-Bretagne était bien plus variée et interconnectée qu’on le supposait. “Ce que l’ADN montre, c’est que les gens se déplaçaient, tout comme les marchandises, constate dans Science Duncan Sayer. C’est étonnant. On ne pense pas nécessairement qu’un petit village anglo-saxon du Kent soit lié à l’Afrique subsaharienne.”

Des voyages peu courants

“Les gens migraient bien plus qu’on ne le croyait… et depuis des lieux qu’on n’aurait pas imaginés”, renchérit dans Science Helena Hamerow, archéologue à l’université d’Oxford, qui n’a pas participé aux travaux. De son côté, Helen Geake, une archéologue travaillant pour le Portable Antiquities Scheme en Angleterre et qui n’a pas non plus participé à ces travaux, met toutefois en garde contre l’idée que ce type de voyage à travers les continents était courant.

Sur les 247 personnes dont l’ADN a été analysé, seulement deux – cette jeune fille et ce jeune homme – ont des ancêtres subsahariens. Il faudrait pouvoir séquencer bien plus de génomes anciens, et à travers les époques, pour avoir une image plus nette des mouvements migratoires vers la Grande-Bretagne.