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Depuis plus de 45 ans, Stephan Eicher mène sa carrière à son rythme, faisant fi des conventions. Dans son nouveau spectacle « Seul en scène », qu’il joue jusqu’au printemps prochain, le musicien suisse retrace d’ailleurs les étapes clés de son parcours, de ses débuts new-wave avec son groupe Grauzone (« Eisbär ») à son énorme succès pop-rock (« Déjeuner en paix »), en passant par les influences qui l’ont forgé (Lou Reed, Patti Smith, Prince). Il faut dire que Stephan Eicher a connu une carrière pas comme les autres : révélé au grand public au mitan des années 80 avec « Two People in a Room » puis « Combien de temps », il devient une superstar au début des 90’s. Porté par les tubes « Déjeuner en paix », « Pas d’ami (comme toi) » et « Rivière », ses albums « Engelberg » et « Carcassonne » se vendent à plus d’un million d’exemplaires chacun, déclenchant une véritable « Eichermania » l’obligeant à jouer dans la cour des grands, à savoir les Zénith. Sauf qu’après une tournée éreintante de plus de 100 dates en 1994, le chanteur arrête tout et part se ressourcer lors de voyages en Afrique et en Asie.

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« Il ne contient pas le tube espéré »
Ce n’est qu’en 1996 que Stephan Eicher se remet au travail et prépare son huitième album studio, nommé « 1000 vies ». Le musicien suisse y prend le pouls des modes de l’époque, et navigue entre world music (« Dis moi où », « Der Rand Der Welt »), symphonique (« 1000 vies »), rock (« Elle mal étreint »), folk (« Bones », très Beck dans l’âme), trip-hop (« 71/200 ») et électronique (« Oh ironie »). Ceux qui s’attendaient à un « Engelberg bis » tombent des nues. Sa maison de disques, Barclay, en premier lieu. « « 1000 vies » est alors l’objet de nombreuses discussions marketing auxquelles j’assiste de loin, n’étant pas directement concerné, et ne contient pas le tube espéré, ce qui brise la dynamique de sa carrière » se remémore le journaliste Yves Bigot, dans la biographie consacrée à Stephan Eicher écrite par Sébastien Bataille et disponible aux éditions L’Archipel. Alors que les nouveaux héros du rock français se nomment Noir Désir, la proposition originale d’Eicher apparaît en décalage.

Teinté de pulsations électroniques, le single « Oh ironie » est envoyé en éclaireur. La chanson se classe 23ème du Top 50, avant de disparaître des classements quatre semaines plus tard. « [« Oh ironie »] a été diffusé plus de quinze fois par jour sur NRJ. Le clip était aussi en rotation maximum sur M6, mais c’est le moment où sont arrivés les « tests radio » [afin de tester la popularité d’une chanson auprès d’une audience cible, ndlr], et, du jour au lendemain, NRJ a arrêté de jouer « Oh Ironie »… » se remémore Alain Lahana, tourneur de Stephan Eicher pendant 20 ans. Sans véritable tube au programme, l’album « 1000 vies » a du mal à décoller. Il ne dépasse pas la 18ème place des charts à sa sortie en novembre 1996 et n’y reste classé que deux mois. Il s’écoule à 250.000 exemplaires, un score loin d’être honteux mais quatre fois moins élevé que ses deux prédécesseurs. Une déconvenue pour celui qui, trois années auparavant, était au sommet de sa popularité.

En conséquence de ce « semi-échec », l’énorme tournée « 1000 vies », prévue dans les plus grandes salles françaises en 1998, est annulée. Des concerts étaient pourtant programmés au Zénith de Paris ou au Forest National de Bruxelles. « On allait partir sur la route avec Manu Katché, Pino Palladino, etc., c’était un vrai p*tain de truc ! (…) J’ai annulé la tournée. On n’a pas fait les Zénith prévus, on a perdu plus d’un million… On s’est dit qu’on n’allait pas faire ça maintenant » se rappelle Alain Lahana. À la place, Stephan Eicher programme le « Backstage Concerto », avec un décor d’appartement et où il accueille lui-même les spectateurs entrant dans les salles, plus intimistes.

« Une gaufre monumentale avec l’annulation »
Malgré cette déconvenue commerciale, Stephan Eicher peut compter sur le soutien de Pascal Nègre et d’Olivier Caillart de Barclay, qui décident de réinjecter un million de francs dans la promotion du disque. « On s’était pris une gaufre monumentale avec l’annulation de la tournée, et malgré tout, Pascal a continué à marketer… Il m’a dit : « Tiens, je te rajoute un million de marketing ». Et ça, ça n’existe pas, ça n’existe plus ! (…) Alors que maintenant, pour se faire rembourser une note de taxi, faut y aller… » souligne l’ancien tourneur de l’artiste.

Avec le recul, Stephan Eicher dit avoir voulu volontairement saboter son succès : « Je n’ai pas réussi à faire « Carcassonne 2 » ou « Engelberg 2 » ; c’était vital pour moi de passer à autre chose. Ce fut un album de démolition. Mais c’est bien comme ça. C’était un peu voulu, honnêtement. Je voulais tout faire seul. Je le défends encore ». Plus accessible musicalement parlant, son album suivant « Louanges » lui permettra de retrouver une partie de son public, avec plus de 300.000 ventes à la clé en 1999.