Par

Antoine Grotteria

Publié le

17 août 2025 à 10h10

Les coteaux de Suresnes se perdent dans la brume. Au loin, une grande tour du quartier de La Défense surgit difficilement d’un épais voile. La perspective de l’hippodrome de Longchamp, aux extrémités du 16e arrondissement, reste obstruée. Dans ce champ de vision altéré d’une fraîche matinée d’août 2025, des silhouettes de toutes formes tournent mécaniquement. Pourtant, le bruit du pédalier et des roues menues relève de l’épure. La route est dégagée. À quelques mètres de là, le bois de Boulogne accueille des coureurs matinaux. Il est 8 heures. La journée commence. Des heures durant, un ballet incessant de cyclistes se produira sur une scène devenue mythique, à tel point qu’on la baptise officiellement anneau de Lonchamp. Long de 3,6 kilomètres, il demeure l’un des spots incontournables du sport à Paris.

Un vieil anneau constellé de stars

Au sommet du faux plat qui donne un aperçu sur les communes huppées des Hauts-de-Seine, Marc, Daniel et Bernard papotent. La soixantaine passée, les trois amis connaissent parfaitement l’anneau, où ils viennent rouler depuis plus de vingt ans.

« C’est un endroit unique à Paris. Il n’y a quasiment pas de voiture. Et le format en circuit permet de travailler différents aspects »

Marc
Cycliste amateur

Affable coureur jamais avare de propos humoristiques, Marc ose. « Allez, on roule à 40, 50, 60 ? », plaisante-t-il.

Quelques minutes d’observation suffisent à comprendre la dynamique de cet anneau. Avec ses deux virages, ses deux lignes droites et sa petite inclinaison de 600 mètres, le circuit permet de s’exercer sans être importuné. Seules ou en groupe, les sessions peuvent durer quelques heures. « Nous, on reste 4 heures. Enfin, on discute la moitié du temps », ricane Bernard près de la fontaine, traditionnel point de ralliement des coursiers.

Marc, Daniel et Bernard, les trois amis présents de gauche à droite, viennent très régulièrement depuis plusieurs décennies.
Marc, Daniel et Bernard, les trois amis présents de gauche à droite, viennent très régulièrement depuis plusieurs décennies. (©AG/ actu Paris)

Si l’anneau dispose d’une aussi grande réputation, il n’est pas inconséquent de convoquer l’histoire. Ouverte en 1857, sous Napoléon III, la route a embrassé les évolutions socio-économiques de la capitale. La bourgeoisie, rarement aussi flattée que durant le Second Empire, se retrouvait dans les tribunes de l’hippodrome de Longchamp, tandis que les curieux du progrès technologique découvraient l’usage du vélo.

Vingt-trois ans plus tard, la première course officielle avait lieu à Longchamp, retrace le Vélo Association Longchamp (VAL), citant l’auteur Eugène Gendry dans le livre Sport vélocipédique : les champions français (1891). Cet événement marque le lancement de près d’un siècle de courses épisodiques organisées autour de l’hippodrome. Des figures du vélo, telles que le Belge Eddy Merckx ou le Français Jacques Anquetil, ont participé à des critériums.

De nouveaux profils

Changement d’époque. Près d’un demi-siècle après la course professionnelle, la route baragouine un autre langage. Les données, abondamment relayées sur l’application Strava, participent d’une mutation de la pratique du cyclisme.

« On le voit bien, ça roule de plus en plus vite. Avant, l’entraînement se faisait à une bonne allure, mais ça n’a rien à voir avec maintenant »

Daniel
Cycliste amateur

Depuis le Covid-19, l’anneau de Longchamp a vu arriver de nouveaux profils. « Ce sont des jeunes actifs, très bien entretenus physiquement, mais pas forcément familiers avec le cyclisme en peloton », explique Marc. À l’instar de la course à pied, les cyclistes sont de plus en plus nombreux dans la capitale. Selon une étude du ministère de la Transition écologique publiée en 2023, 39 % des Parisiens pratiquaient le vélo régulièrement. Ce taux s’avère supérieur aux niveaux enregistrés en petite couronne et en grande couronne. Mais quelle que soit la commune, la pratique s’intensifie.

Les vitesses peuvent être grandes dans la descente du faux plat. Et la question de la sécurité demeure primordiale.
Les vitesses peuvent être grandes dans la descente du faux plat. Et la question de la sécurité demeure primordiale. (©AG/ actu Paris)

Cette ouverture de la route a des conséquences sur le partage de la voie. « Il y a vrai un changement de comportement. Faire une queue de poisson ou passer entre deux cyclistes, ça ne devrait pas être autorisé », peste Daniel. « Ces mecs-là n’ont pas la science du vélo », juste Marc. Une question de génération ? « Assurément », acquiescent les trois amis.

La sécurité dégradée ?

La question de la sécurité reste omniprésente chez l’ensemble des personnes interrogées. Le partage de la chaussée, inscrit au sol par des marquages, entre les piétons et les cyclistes, ne s’avère pas toujours saisi.

« Entre un professionnel qui fait ses gammes à 60 km/h et un mec à Vélib, vous imaginez le delta »

Jean-Luc
Usager de l’anneau de Longchamp

Ajoutez à cela l’incursion sporadique de véhicules motorisés et cela procure de l’angoisse. La piste cyclable a déjà entraîné un accident mortel, à l’été 2021. Le 18 juin, un homme de 57 ans était décédé lors d’une collision avec un camion en stationnement, comme le notait alors Le Parisien.

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Le quotidien se faisait le relais des demandes de sécurisation exhortées par les pratiques et les associations. Lors d’un Conseil de Paris organisé en novembre 2024, la Ville avait promis de fermer un tronçon de l’anneau de Longchamp entre Neuilly-sur-Seine et le Bois de Boulogne aux véhicules motorisées. Mais la voie reste ouverte, nonobstant une fermeture temporaire.

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