En Nouvelle-Aquitaine, le début de l’année a eu l’amertume d’un café trop serré. Les chiffres publiés par l’Insee annoncent la couleur : l’activité s’affaisse, l’emploi patine et même le tourisme, habituellement pilier de la région, accuse le coup. Résultat, la dynamique économique locale se rapproche davantage d’un moteur au point mort que d’une région en pleine expansion.
Le contraste est d’autant plus frappant que la zone euro semblait donner quelques signes de reprise. Tandis que le commerce mondial reprenait un peu d’élan, la France restait scotchée au sol, avec une croissance nationale attendue à seulement +0,6 % en 2025. La Nouvelle-Aquitaine, elle, s’inscrit même en dessous de cette tendance.
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Le chiffre est simple : au premier trimestre 2025, l’activité régionale recule de 0,8 % par rapport à l’an dernier, un cran de plus que la moyenne française qui plafonne à -0,6 %. L’épargne des ménages grimpe à des niveaux jamais atteints depuis 45 ans, et la consommation, moteur habituel de la croissance, reste au régime sec.
Tous les secteurs trinquent, de la construction au tertiaire. Cette homogénéité dans le repli donne un tableau assez sombre : pas de secteur « locomotive » capable de tirer la région, à l’exception de quelques niches industrielles qui sauvent la face.
La construction dans le mur
Depuis plusieurs trimestres déjà, le secteur du bâtiment perd ses fondations. En ce début d’année, la chute s’accélère avec un repli de -2,6 % sur un an. Les chantiers de logements démarrent moins : -4,6 %, dont -6,2 % pour le collectif. C’est simple, plus d’un millier d’emplois salariés se sont volatilisés en trois mois.
Les créations d’entreprises ne redressent pas la barre. Elles reculent de 2,9 %, preuve que l’appétit pour se lancer dans ce secteur diminue. Les grues qui rythmaient jadis le ciel de Bordeaux ou de Poitiers marquent une pause inquiétante.
L’industrie, entre sursauts et replis
On pourrait croire que l’industrie régionale, souvent mise en avant pour son dynamisme dans l’aéronautique ou les énergies, résisterait. Pourtant, elle aussi encaisse : -0,7 % d’activité sur un an, soit le plus fort recul depuis quatre ans.
Tout n’est pas noir. La fabrication de matériels de transport gagne 2,2 % et la gestion de l’énergie avance de 1,3 %. Des poches de résistance existent, mais elles ne compensent pas la morosité ambiante. Les créations d’entreprises plongent de 4,1 %, bien en deçà de la moyenne nationale déjà mal orientée.
Un tertiaire qui perd son ressort
Le tertiaire représente la majorité des emplois régionaux, et son repli pèse lourd : -0,6 %. Dans le détail, les contrastes sont marqués.
- Le commerce recule de 1 %, même si l’emploi résiste encore.
- L’immobilier se prend un mur avec -3,4 %.
- L’information et la communication perdent 3,7 % et environ 200 emplois.
- Seuls les services financiers (+1,1 %) et les activités scientifiques arrivent à créer un peu d’emploi.
- L’hébergement-restauration reste stable, malgré une baisse de 0,5 % des effectifs.
Bref, le grand secteur des services se retrouve à bout de souffle, incapable de compenser les faiblesses des autres.
Emploi et chômage : le fragile équilibre
L’emploi salarié régional recule légèrement : -0,1 %, soit 2 900 postes supprimés. Dans un océan de mauvaises nouvelles, certains se rassureront en constatant que l’impact reste limité. Le taux de chômage, lui, remonte à 6,6 %, toujours en dessous de la moyenne nationale fixée à 7,2 %.
Cet équilibre tient grâce aux embauches dans le secteur non marchand, qui compensent en partie la casse dans le bâtiment et l’intérim. On pourrait presque parler de statu quo, si la tendance ne donnait pas l’impression d’une digue fragile prête à céder.
Tourisme et entreprises : deux moteurs en panne
La fréquentation hôtelière régionale décroche sévèrement : -4 % en un an, deux fois plus que la moyenne nationale. Les nuitées françaises reculent, en particulier pour les voyages d’affaires : -11 %. À Bordeaux, la chute atteint -15 %. Le tourisme étranger n’arrange rien, avec un effondrement des clientèles britanniques (-56 %) et espagnoles (-26 %). Seuls les Américains affichent un enthousiasme inattendu, presque doublé, mais leur poids reste minime.
Côté entrepreneuriat, la tendance n’est pas plus réjouissante. Les créations d’entreprises baissent de 1 %, et même les micro-entrepreneurs, qui avaient porté le rebond fin 2024, s’essoufflent (-0,9 %). L’industrie et la construction, déjà sous pression, figurent parmi les plus touchées.
Perspectives : un horizon encore brumeux
L’Insee prévient : l’économie française restera poussive en 2025 avec une progression attendue de seulement 0,2 % par trimestre. Le chômage, lui, devrait poursuivre sa lente remontée. Pour la Nouvelle-Aquitaine, les prochains mois s’annoncent déterminants.
Les moteurs traditionnels – consommation, construction, tourisme – sont grippés. Si reprise il y a, elle viendra peut-être des poches de résistance industrielles ou de l’innovation dans les services financiers et scientifiques. En attendant, la région traverse une période où les signaux de redémarrage se font rares, et où la prudence s’impose plus que jamais.
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/8590017