LE MATCH DES TUBES (32 / 40) – En 1977, deux des chanteurs les plus populaires de la variété française enregistrent des spleens et cherchent refuge chez leur mère.

Quand tout va mal, l’amour maternel est sans doute la dernière valeur refuge. La variété française connaît la chanson depuis Luis Mariano (« Maman la plus belle du monde »). Alors quand deux stars très populaires livrent en musique leurs états d’âme la même année, cela donne deux tubes monstrueux et un duel au soleil, déjà le 32e, haletant : « Si maman si » de France Gall affronte « Allô Maman bobo » d’Alain Souchon. Deux vrais « chanteurs malheureux ».

France Gall est depuis quelques années la muse de Michel Berger. Le génial compositeur-parolier façonne la carrière de la chanteuse. En 1977, il lui construit un album-concept sur mesure qui évoque une fille travaillant dans une boîte de nuit. « Si maman si » commence par un piano plombant illustrant une chanson qui ne respire pas la joie. Et pour cause, de sa douce voix, France Gall évoque sa vie monotone qui n’a pas atteint les espérances fixées durant l’enfance. « Tous mes amis sont partis. Mon cœur a déménagé. Mes vacances c’est toujours Paris. Mes projets c’est continuer. Mes amours c’est inventer », entame-t-elle dans sa complainte.

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Avant d’en appeler à sa mère de manière lancinante : « Si maman, si, si maman, si. Maman, si tu voyais ma vie. Je pleure comme je ris, si maman, si, mais mon avenir reste gris et mon cœur aussi. » La mélodie est au diapason de cette introspection mélancolique. Heureusement, la piste suivante se veut plus optimiste : « Viens je t’emmène » est diaboliquement efficace et entraînante avec son piano sautillant. Après la pluie vient le beau temps.

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Spleen authentique de Souchon

Après avoir affirmé qu’il n’était « Jamais content », expliqué qu’il y avait « de la rumba dans l’air », Alain Souchon choisit la complainte triste. Sur une musique de Laurent Voulzy, il livre une introspection au bord des lignes de chemin de fer. Son mal-être est palpable : « Fêtes, nuits folles, avec les gens qu’ont du bol. Maintenant que je fais du music-hall, je suis mal à la scène et mal en ville, peut-être un petit peu trop fragile. » Souchon ne sait plus à quel saint se vouer : il est « mal en campagne et mal en ville » et « mal en homme dur et mal en petit cœur ».

En désespoir de cause, il se tourne vers sa mère : « Allô Maman bobo. Maman comment tu m’as fait, je suis pas beau. » Ce spleen, authentique, est porté par l’une des mélodies les plus inspirées de Voulzy. Les paroles, avec leurs mots et tournures très enfantines, figurent parmi les plus personnelles de Souchon.

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Les chansons tristes sont sans doute celles qui nous touchent le plus, nous autres « Foule sentimentale », car elles nous renvoient à nos propres déceptions, crises ou doutes. Alors quelle supplique choisir ? La déprime mise en scène ou la dépression brute ? Si France Gall livre une très belle performance dans « Si maman si », l’authenticité d’Alain Souchon, sa fragilité vocale et son sens des mots lui permettent de remporter ce duel. Et maintenant : « Musique et que chacun se mette à chanter ! »