Malgré les appels de plusieurs responsables politiques de premier plan, dont des membres de la coalition gouvernementale qu’il dirige, le chancelier allemand, Olaf Scholz, s’est constamment opposé à l’idée de fournir les missiles de croisière Taurus que l’Ukraine demande depuis bientôt deux ans.
Emportant une charge Mephisto [Multi-Effect Penetrator, HIgh Sophisticated and Target Optimised] de 495 kg, le KEPD-350 Taurus est capable de toucher une cible à 500 km de distance, à la vitesse maximale de Mach 0,95. La force aérienne allemande [Luftwaffe] en possède 600 exemplaires depuis 2010, dont 300 devaient être modernisés avant 2020.
Il serait « beaucoup plus logique d’utiliser ces armes en Ukraine que de les stocker ici. […] Ces missiles permettront de porter des coups contre l’infrastructure militaire russe loin derrière la ligne de front », avait fait valoir le député Roderich Kiesewetter, membre de la CDU [parti chrétien-démocrate, opposition] et ancien colonel de la Bundeswehr, en mai 2023.
En janvier dernier, à l’initiative de la CDU/CSU, une motion appelant à livrer des missiles Taurus à l’Ukraine fut mise au vote au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand]. Mais elle visait également à mettre la coalition de M. Scholz, formée par les sociaux-démocrates [SPD], les écologistes et les libéraux-démocrates [FDP], devant ses contradictions sur ce sujet. Mais les calculs politiques [ou « politiciens »] et la discipline gouvernementale prirent le dessus. Et elle fut donc largement rejetée.
Cela étant, un mois plus tard, et grâce aux voix venant de partis membres de la majorité gouvernementale, le Bundestag adopta une résolution autorisant la livraison d’armes à « longue portée » à l’Ukraine… Mais sans explicitement mentionner les missiles Taurus.
Puis, afin de surmonter les réticences de M. Scholz, l’idée de céder les Taurus au Royaume-Uni afin de lui permettre de livrer ses missiles de croisière Storm Shadow / SCALP EG à l’Ukraine fut avancée. Mais, une fois encore, elle fut repoussée.
Pour autant, il n’est pas exclu que l’Ukraine puisse obtenir des Taurus bientôt… à la faveur de la crise politique provoquée par le départ du FDP de la coalition gouvernementale.
En effet, si de nouvelles élections sont prévues le 23 février prochain, le Bundestag a encore la possibilité d’adopter des textes jusqu’à cette échéance. D’où l’idée du chef des députés libéraux-démocrates, Christian Dürr, de soumettre une proposition sur la livraison de missiles Taurus à Kiev. « Ce serait une opportunité. Et, quand je regarde les déclarations de la CDU et des Verts, elle pourrait aboutir », a-t-il confié à la Neue Osnabrücker Zeitung. « Si la situation en Ukraine est dramatique, alors l’argent n’est pas la priorité », a-t-il ajouté.
À noter que cette proposition a été faite alors que le chancelier Scholz venait d’avoir son premier entretien téléphonique avec le président russe, Vladimir Poutine, depuis deux ans.
« Le chancelier a demandé au président Poutine de mettre fin à la guerre d’agression contre l’Ukraine et de retirer ses troupes », a résumé la chancellerie, dans un communiqué diffusé le 15 novembre. Et d’ajouter qu’il avait exhorté Moscou à entamer des négociations sérieuses avec Kiev en vue d’une « paix juste et durable ».
En outre, M. Scholz a également dit au chef du Kremlin que la présence de soldats nord-coréens en Russie en vue d’un engagement contre l’Ukraine « marquait une grave escalade dans le conflit ». Or, comme il l’a encore rappelé deux jours plus tôt, c’est pour éviter « toute escalade » qu’il se refuse à livrer des Taurus à Kiev. Du moins tant qu’il sera encore chancelier.