Le sénateur de centre-droit Rodrigo Paz et sa femme, Maria Elena Urquidi dans un bureau de vote lors des élections présidentielles à La Paz, le 17 août 2025. FREDDY BARRAGAN/AP
En proie à une grave crise économique, la Bolivie va tourner le dos à deux décennies de gouvernements socialistes. Le premier tour de l’élection présidentielle a été dominé, dimanche 17 août, par deux candidats de droite qui s’affronteront au second tour.
A la surprise générale, le sénateur de centre droit Rodrigo Paz – fils de l’ancien président Jaime Paz Zamora (1989-1993) – arrive en tête avec 32,1 % des voix selon les résultats communiqués par le Tribunal suprême électoral (TSE). L’ancien président éphémère de droite Jorge « Tuto » Quiroga (2001-2002) le suit avec 26,8 % des votes.
A l’issue du second tour prévu le 19 octobre, l’un d’eux succédera à Luis Arce, autrefois soutenu par l’ancien président Evo Morales (2006-2019), mais désormais en conflit avec lui. Tenu pour responsable du contexte économique difficile, le président sortant a renoncé à un second mandat.
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Andronico Rodriguez, le président du Sénat également issu de la gauche, et le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS) au pouvoir depuis 2006, Eduardo del Castillo, n’ont pas réussi à convaincre et sont largement distancés.
Sous la présidence d’Evo Morales, la pauvreté a reculé et le PIB a triplé, mais la chute des revenus gaziers depuis 2017 a plongé dans la crise le pays, marqué par une pénurie chronique de dollars et de carburant, tandis que l’inflation annuelle avoisine les 25 %, un niveau inédit depuis dix-sept ans.
Parmi les huit candidats en lice, le millionnaire de centre droit Samuel Doria Medina, qui se présentait pour la quatrième fois à la présidence, faisait figure de favori. Mais avec 19,8 % des voix, il arrive en troisième position.
Réforme fiscale
Economiste de 57 ans, Rodrigo Paz a passé ses premières années en exil en Espagne, où sa famille a fui les dictatures militaires successives. En plus d’être sénateur de Tarija, un département du sud de la Bolivie, il a été député, et maire de la capitale de cette région frontalière avec l’Argentine. Représentant du parti chrétien-démocrate (PDC), il a mené une campagne discrète et austère.
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« Je tiens à féliciter le peuple bolivien, car il a dit : “Je veux du changement”. Et nous avons là un signe de changement (…), la grandeur du peuple bolivien qui aspire à un destin différent », a-t-il déclaré devant une foule de partisans à La Paz.
Rodrigo Paz promet d’inclure les classes moyennes et populaires dans la vie économique par des crédits accessibles notamment, et de procéder à une réforme fiscale visant à dynamiser l’industrie nationale. Il doit en partie sa popularité à son colistier, l’ancien commandant de la police Edman Lara, figure très appréciée pour ses prises de position contre la corruption.
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« Un changement radical »
De son côté, Jorge Quiroga, ingénieur de 65 ans qui a travaillé pour la multinationale américaine IBM, représente le parti Libre. Il a été le vice-président de l’ancien dictateur Hugo Banzer, revenu au pouvoir par les urnes à la fin des années 1990, et à qui il a succédé après sa démission.
Candidat présidentiel malheureux à plusieurs reprises, Quiroga se revendique libéral, mais séduit aussi l’électorat conservateur. « Je vais me consacrer à sauver l’économie bolivienne, à attirer les investissements et à ouvrir les marchés », a-t-il récemment déclaré à l’Agence France-Presse, affirmant vouloir signer des accords de libre-échange avec la Chine, la Corée du Sud, le Japon et l’Europe. Il promet « un changement radical » et place parmi ses priorités la réduction du déficit budgétaire, la privatisation des entreprises publiques déficitaires, ainsi que l’adoption d’une nouvelle Constitution.
« La crise ne va pas s’apaiser (…). C’est le plus grand défi institutionnel, économique et moral de notre histoire. Et nous allons l’affronter tous ensemble », a-t-il déclaré après l’annonce des résultats, dimanche.
Evo Morales écarté du scrutin par la justice
Evo Morales, 65 ans, espérait briguer un quatrième mandat présidentiel, mais la justice, en les limitant à deux, l’a écarté de la course. Visé par un mandat d’arrêt dans une affaire de traite de mineure qu’il conteste, l’ancien syndicaliste des planteurs de coca vit retranché dans son fief du centre du pays. En votant, Evo Morales a dénoncé un scrutin « sans légitimité », affirmant que le vote nul, qu’il a encouragé durant la campagne, allait l’emporter.
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Malgré son éviction, le premier chef d’Etat bolivien d’origine indigène garde de solides appuis dans certains bastions ruraux et autochtones. Mais son conflit avec M. Arce a fracturé le MAS, et même ceux qui ont pendant longtemps bénéficié des politiques sociales expriment aujourd’hui leur désenchantement. Outre le président et le vice-président, les près de 8 millions d’électeurs du pays doivent aussi renouveler le parlement bicaméral.