Les photos de plusieurs conjurés présumés, militaires et civils, apparaissent ce lundi dans les médias maliens, dont le journal L’Aube. Photos visibles sur le site Maliweb. On y voit les deux généraux accusés de tentative de coup d’État, Abass Dembélé et Nema Sagara, plusieurs officiers supérieurs, des sous-officiers et… un ressortissant français. Un officier en poste à l’ambassade de France, soupçonné par les autorités maliennes de travailler pour le compte des services de renseignements français.

« Les signaux sont clairs, s’exclame L’Aube : la France officielle, par ses relais diplomatiques et ses leviers médiatiques, tente de réactiver ses réseaux, de semer le doute, de diviser les forces patriotiques. Elle veut reconquérir les territoires perdus, non pas sentimentalement, mais politiquement. Mais la France d’Emmanuel Macron se heurte à une réalité nouvelle, lance encore le quotidien malien : les populations ne veulent plus de tutelle. Elles veulent des partenaires, pas des maîtres supranationaux téléguidant des roitelets locaux ».

« L’aide d’États étrangers »

Les autorités maliennes sont sorties de leur silence en fin de semaine dernière. Elle se sont exprimées sur les dizaines d’arrestations de militaires de ces derniers jours, accusés de vouloir renverser le pouvoir.

« Dans son communiqué, note Jeune Afrique, la junte a annoncé “l’arrestation d’un groupuscule d’éléments marginaux des forces armées de sécurité maliennes“, qui cherchait selon elle à “déstabiliser les institutions de la République. Ces militaires et des civils“ auraient obtenu “l’aide d’États étrangers“, accuse le gouvernement malien ». Dont la France, donc…

La France qui a réagi en dénonçant des « accusations sans fondement » et qui affirme qu’un « dialogue est en cours avec Bamako afin de dissiper tout malentendu » et obtenir la « libération sans délai » de l’officier arrêté.

Des relations au plus bas…

Commentaire d’Afrik.com : « cette nouvelle crise diplomatique s’inscrit dans un contexte de défiance croissante entre Bamako et Paris. Depuis la rupture de la coopération militaire avec la France et le rapprochement du Mali avec de nouveaux partenaires comme la Russie, les relations bilatérales sont au plus bas. L’arrestation de cet officier français pourrait bien marquer un nouveau tournant dans ce bras de fer, à la fois diplomatique et idéologique ».

Par ailleurs, poursuit Afrik.com, « jusqu’à présent, le gouvernement malien n’a donné que peu de détails sur les arrestations en cours. Si les autorités ont reconnu l’implication de civils et de militaires dans ce supposé complot, elles n’ont pas encore présenté de preuves convaincantes pour étayer leurs affirmations. (…) Le flou persiste donc autour de la nature exacte de cette affaire ».

Et le site panafricain de s’interroger : « s’agit-il d’un réel complot contre l’État malien ou d’une opération de communication interne pour resserrer les rangs autour du pouvoir militaire ? En l’absence de preuves publiques, la communauté internationale reste prudente, tandis que Paris insiste sur le respect des règles diplomatiques ».

Prudence…

En tout cas, insiste le quotidien Aujourd’hui à Ouagadougou, « l’arrestation des conjurés au sein desquels il y a un Français, qui plus est un militaire, remet au goût du jour les relations exécrables entre l’ex-Soudan français et l’ancienne Métropole. Depuis le départ forcé de Barkhane, tout est coupé entre la France et le Mali, sur le plan politique et sécuritaire », pointe le quotidien burkinabé. « Quête de vraie souveraineté, rupture avec les rebuts du néocolonialisme et toutes les scories de l’increvable Françafrique, accusations contre Paris de ne pas jouer franc jeu dans la coopération surtout sécuritaire avec le Mali : tout ce qui a trait à un geste ou à une action des autorités françaises sent le soufre. Le ressort de la confiance s’est cassé entre la France et le Mali, et plus généralement le Sahel. Alors, quand le nom d’un Français est cité dans ce genre d’affaire d’État, tout devient sensible. La France l’a bien compris et joue la prudence (…) ».

Et Aujourd’hui de s’interroger : « le Mali va-t-il libérer l’officier français, ou bien y aura-t-il un procès, vu que la justice s’est saisie du dossier ? Quelle sera en somme la réponse du Mali à la requête des autorités françaises ? »