De Caen à Yvetot, en passant par Rouen et Le Havre, Villequier, Varengeville-sur-Mer, laissez-vous guider à travers la Normandie par les choix d’expositions de « Connaissance des Arts ».
C’est le meilleur moment pour fuir les fournaises urbaines et s’offrir une escapade culturelle entre mer et bocages ! Du Havre à Giverny, de Rouen au Mont-Saint-Michel, explorez la Normandie au fil d’expositions passionnantes, à commencer par celles sélectionnées ci-dessous par la rédaction de « Connaissance des Arts ». Retrouvez des noms aussi illustres que Picasso ou Lynch, (re)découvrez le mobilier raffiné de Maxime Old et les créations du designer Andrea Branzi, ou allez simplement flâner dans les rues du Havre, l’œil aux aguets sur les installations artistiques estivales.
1. Le paquebot, muse du modernisme
Après Nantes, l’exposition accoste au Havre d’où partaient les transatlantiques, de Normandie au France. Elle s’intéresse à la manière dont les lignes et les volumes de ces géants mythiques ont inspiré une nouvelle esthétique aux peintres, architectes, photographes et graphistes.
« Paquebots. 1913-1942. Une traversée transatlantique », MuMA, Le Havre, du 26 avril au 21 septembre
Jean-Émile Laboureur, Le Roulis transatlantique, 1907, huile sur toile, 55 x 55,6 cm, Nantes, Musée d’arts de Nantes © Musée d’arts de Nantes, photo : C. Clos.
2. Lynch, autrement
Dévoilant de nombreuses lithographies de David Lynch (1946-2025), cette exposition attendue sacre l’art graphique du réalisateur américain, quelques mois après sa mort. Manière de confirmer le talent protéiforme de ce maître en féeries hypnotiques et en obsessions visuelles, élève inavoué de Marcel Duchamp.
« David Lynch », galerie Duchamp, Yvetot, du 21 juin au 21 septembre
Vue de l’exposition « David Lynch » à la galerie Duchamp à Yvetot ©Agathe Hakoun/Connaissance des Arts
3. Fondation Gandur : un avant-goût du futur musée
Depuis quelques années, Jean-Claude Gandur nourrissait le projet d’un musée pour abriter la collection de sa Fondation, créée à Genève en 2010. Son pays natal n’ayant pas donné suite à ses sollicitations, l’entrepreneur et mécène a choisi la France et, comme il l’a annoncé en mai dernier, c’est la ville de Caen qui l’accueillera à l’horizon 2030. En guise de préfiguration, l’hôtel de ville, installé au cœur de l’Abbaye-aux-Hommes, réunit quatre-vingt-une œuvres qui témoignent de ses goûts éclectiques. Organisée dans le scriptorium, l’exposition s’articule autour des cinq grands axes – archéologie gréco-romaine et égyptienne, beaux-arts, arts décoratifs, ethnologie, art africain contemporain – qui structurent une collection de plus de quarante mille pièces. Au fil d’un parcours qui favorise le dialogue entre les époques et les civilisations, le visiteur découvrira, entre autres, un relief égyptien du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, un Ange de l’Annonciation d’époque Renaissance, du mobilier français du XVIIIe siècle, une toile de Simon Hantaï ou encore un des Tableaux éclatés de Niki de Saint Phalle réalisés dans les années 1990.
« Dans l’œil du collectionneur », hôtel de ville, Abbaye-aux-Hommes, Caen, du 26 juin au 28 septembre
Vue de l’exposition « L’œil du collectionneur. En route vers le futur musée caennais » à l’Hôtel de Ville de Caen, 2025. Photo : © Maxime Bouvier – Ville de Caen
4. Le Havre : l’art prend ses quartiers
La 9e édition d’Un été au Havre compte une dizaine de nouvelles créations. Parmi les surprises, une installation de voiles monumentales de Nefeli Papadimouli, les cabanes-dioramas d’Elsa & Johanna disséminées dans la ville, ou une fontaine de Didier Marcel aux allures de déesse antique devant l’université…
« Un été au Havre », divers lieux, Le Havre, du 21 juin au 28 septembre
Gregory Chatonsky, La ville qui n existait pas, episode 3 © Gregory Chatonsky
5. Une ode humaniste
« Mes dessins sont la chronique du quotidien d’un homme lambda », confie l’artiste Fabien Mérelle pour décrire ses œuvres sur papier réalisées à l’encre de Chine qui décrivent, avec force détails, les grandes étapes de la vie : l’enfance et sa puissance onirique, la force du couple, la tendresse de la cellule familiale. Prolongeant ses dessins dans l’espace, ses sculptures mêlent elles aussi avec délicatesse l’intime, l’absurde et les rêves les plus enfouis. Oscillant entre étrangeté et humour, l’artiste se livre ici à nu et invite le visiteur à suivre les traces de son alter ego.
« Fabien Mérelle. Lignes de vie », Centre d’art contemporain de la Matmut-Daniel Havis, Saint Pierre de Varengeville, 14 juin au 1er octobre
Fabien Mérelle, Kuniyoshi, 2017 ©Fabien Mérelle
6. Andrea Branzi côté jardin
Les collections du musée sont à l’honneur au travers d’une sélection d’œuvres autour du thème du jardin, de Pierre Bonnard à Joan Mitchell. Le parcours est ponctué d’objets, de dessins, de maquettes du designer Andrea Branzi prêtés par le Centre Pompidou.
« Les Collections au jardin. Andrea Branzi, le règne des vivants », musée des Impressionnismes, Giverny, du 11 juillet au 2 novembre
Andrea Branzi, Germinal Seat, 2022, bambou peint et aluminium, 143 x 80 x 60 cm, don des amis du Centre Pompidou, Groupe d’Acquisition pour le Design, 2023, © Adagp, Paris, 2025. Crédit photo : Centre Pompidou, Mnam-Cci/Janeth Rodriguez Garcia/Dist. GrandPalaisRmn.
7. Des paysages comme des leitmotivs
Hantées par les falaises crayeuses de Normandie et les bouleaux infinis de Scandinavie, les peintures et les sculptures de Stéphane Erouane Dumas transforment la répétition en art majeur et l’obsession en rêverie merveilleuse. Plus vrai que nature.
« Stéphane Erouane Dumas. Grandeur, nature », musée Michel Ciry, Varengeville sur mer, du 19 juillet au 2 novembre
Stéphane Erouane Dumas
8. Léopoldine revit à Villequier
À Villequier, une exposition raconte l’histoire romantique et tragique de la fille préférée de Victor Hugo avec Charles, le fils de la famille Vacquerie. Présentation de documents dont le manuscrit du célèbre poème Demain dès l’aube, rencontres littéraires et spectacle musical sont l’occasion de fêter les deux cents ans de la naissance de Léopoldine, morte noyée dans la Seine quelques semaines seulement après son mariage.
« Aime celui qui t’aime », musée Victor-Hugo, maison Vacquerie, quai Victor-Hugo, Villequier, du 19 juin au 3 novembre
Léopoldine lisant Adèle Hugo, avril 1837 , dessin à la mine graphite Prêt des Maisons de Victor Hugo, Paris – Guernesey
9. Cildo Meireles, emporté par la houle
Patrimoine et art contemporain dialoguent tout l’été en sept sites gérés par le Centre des monuments nationaux (CMN), associé pour l’occasion au Centre national des arts plastiques (Cnap). La présence de Cildo Meireles (né en 1948) à l’abbaye du Mont-Saint-Michel peut surprendre. L’artiste brésilien s’est fait connaître par des installations très politiques comme Red Shift (1967-1984) ou Insertions into ideological circuits (1970-1976), en réponse à l’oppression du régime militaire brésilien. Depuis, il n’a cessé de fustiger le capitalisme et l’impérialisme en intégrant à son art des symboles du consumérisme (bouteilles de Coca-Cola, billets de banque…). Réalisée en 1991, l’œuvre présentée dans le réfectoire des moines de l’abbaye est d’une autre nature. Intitulée Marulho (la houle), l’installation est un vaste paysage maritime que les visiteurs observent depuis un ponton. Elle est composée de petits livrets ouverts reproduisant des photographies de la mer, disposés à même le sol. De ces pages émergent des territoires, réels ou rêvés, des récits, des souvenirs… Le dispositif est accompagné d’une bande-son qui répète à l’infini le mot « eau », susurré par quatre-vingts personnes de tous âges, en trente langues. La mer est ici la métaphore d’un lien universel, qui unit les pays et les continents. Preuve que l’engagement n’empêche en rien la poésie.
« Cildo Meireles. Marulho (la houle) », abbaye du Mont-Saint-Michel, du 26 juin au 16 novembre
Cildo Meireles, Marulho (La houle), 1991-1997, collection du Cnap. © Cildo Meireles / Cnap. Crédit photo : Mathieu Vincent – CMN
10. Luxe, calme et volupté
Formé à l’École Boule, élève de Jacques-Émile Ruhlmann, Maxime Old (1910-1991) composa, durant six décennies, des meubles délicats alliant l’exigence de son maître et le fonctionnalisme du Bauhaus. Pour n’avoir jamais été éditées dans le cadre d’une production industrielle, ses réalisations furent réservées à des lieux prestigieux – ambassades et paquebots, hôtel de ville de Rouen et aérogare de Marseille-Marignane. Grâce à des prêts, la présente exposition donne à voir la cohérence de plusieurs ensembles signés Old, qui livra des coiffeuses et des bureaux d’un raffinement inouï, ou avec les essences et les métaux, et dont on dit qu’il pouvait passer une semaine à soigner le galbe d’une chaise. Sublime.
« Maxime Old, homme d’intérieurs », musée des Beaux-Arts, Rouen, du 28 juin au 5 janvier
Table basse en chêne, signé Maxime Old, France, vers 1955, 51 x 104 x 50 cm ©Galerie Lafon Vosseler