« On me demande un pass nautique, un test d’aptitude à la nage, pour que mon enfant puisse participer aux activités du centre de loisirs. Mais comment je peux faire sans piscine publique autour ? » Laurent habite dans le Créonnais. Impossible pour lui, au vu de ses horaires de travail, d’emmener son fils de 9 ans aux piscines les plus proches. Il lui faut trente minutes en voiture, hors embouteillages, pour accéder aux piscines de la métropole bordelaise, la même durée pour se rendre à Langon : « C’est une galère. » « On veut tous former nos enfants pour éviter les noyades mais on n’y a pas accès », dit aussi Sophie, à Camblanes-et-Meynac, à vingt minutes minimum de la première piscine publique. « Le problème, c’est cette inégalité. »

Ainsi va ce territoire au sud-est de Bordeaux, 75 communes et 60 000 habitants de Latresne à Sauveterre-de-Guyenne en passant par Créon, totalement dépourvu de piscine couverte – sans parler des Coteaux Bordelais, même si ces derniers profitent plus ou moins des installations récemment créées ou rénovées sur la rive droite bordelaise. La piscine de Cadillac a été fermée en 2018, celle de Latresne en 2022, sans qu’aucune autre ne sorte de terre. « Nous sommes une zone blanche en termes d’équipements nautiques. Or, l’aisance aquatique est un enseignement fondamental pour nos scolaires », résume Tania Couty, la maire de Saint-Caprais-de-Bordeaux et vice-présidente des Portes de l’Entre-deux-Mers, en charge de la commission des sports, et qui porte un nouveau projet de centre nautique. « On ne peut pas ne rien faire. »

« En ordre de marche avant fin 2025 »

Le nouveau projet de centre nautique commence à rallier les intercommunalités voisines. « Aujourd’hui, le Créonnais est avec nous. Quant aux Rurales de l’Entre-deux-Mers, ils ne sont pas fermés », assure Tania Couty. Sylvie Desmond, la maire de Créon, confirme : « C’est un gros manque sur notre territoire. Alors, tant d’un point de vue de la municipalité que de l’intercommunalité, nous sommes prêts à nous associer au projet. » « Pour que le nouveau projet se concrétise, nous devons désormais être le plus possible, nous devons fédérer », abonde Lionel Faye, le maire de Quinsac et président des Portes de l’Entre-deux-Mers. « Nous voulons être en ordre de marche avant fin 2025. »

« Quand on n’a pas les moyens, comment fait-on pour apprendre à nager à ses enfants ? »

Depuis mai dernier et l’arrêt du projet de piscine porté par la Fédération nationale des métiers de la natation et du sport (FNMNS) à Latresne, les élus des Portes de l’Entre-deux-Mers cherchaient une alternative à ce projet pensé en 2021 – un centre nautique porté par la FNMNS alliant formation des maîtres-nageurs sauveteurs et apprentissage des scolaires, soit 8 millions d’euros de budget pour une piscine couverte de 25 mètres et un bassin nordique, pour une ouverture prévue en septembre 2023, puis reportée en juin 2024 et finalement abandonnée (ce projet public-privé ne pouvait prétendre aux subventions requises). La piscine intercommunale de Latresne, elle, a fermé en 2022. « C’était une erreur de fermer la piscine », ajoute Tania Couty. « Elle était certes déficitaire [50 000 euros par an] mais le service public, par essence, n’est pas rentable… »

À Latresne ou ailleurs ?

« La situation était très tendue en termes de finances au début du mandat. Mais nous avons gagné de la marge de manœuvre. La prochaine mandature pourra mettre en place le projet », reprend Tania Couty. Cette fois, ce sont les collectivités qui porteraient le projet, en partenariat avec la FNMNS. À Latresne, comme prévu dans le projet initial ? « À voir. Avec les autres intercommunalités, il va peut-être émerger un autre point d’équilibre sur le territoire », indique Lionel Faye. Mais si jamais un nouveau centre nautique ne pouvait pas sortir de terre, Tania Couty finit par l’assurer : « La piste de la réouverture de la piscine de Latresne ne pourra pas être écartée. »

D’après une étude de l’Insee publiée en 2025, en France, le temps d’accès moyen en voiture à une piscine publique est de huit minutes pour les habitants des ceintures urbaines, dix minutes pour les habitants des bourgs ruraux. Et Santé publique France publiait le 1er août dernier un bilan consignant une hausse de 45 % des noyades par rapport à 2024, avant de conclure sur « la nécessité impérieuse de poursuivre la prévention ».

Une aide, mais pas partout

En attendant, la Ville de Créon finance l’apprentissage de ses scolaires dans les piscines les plus proches. Une démarche prolongée par la Communauté des communes du Créonnais, qui propose une aide financière aux familles. Mais ailleurs, « quand on n’a pas les moyens, comment fait-on pour apprendre à nager à ses enfants ? » reprend Sophie, à Camblanes-et-Meynac. « Moi, je me suis beaucoup renseignée, mais en termes de cours pour les enfants, les piscines publiques de la métropole sont prises d’assaut. » Reste alors la solution privée, plus coûteuse. Marie, qui habite elle aussi à plus de vingt minutes en voiture de la première piscine publique, a dû s’y résoudre. « J’ai inscrit ma fille dans une piscine privée où sont donnés des cours. » Vingt euros en moyenne pour une séance de quarante-cinq minutes dans les structures alentour, quand les tarifs des leçons dans les piscines publiques bordelaises sont à 8,10 € les trente minutes.

Le succès d’Objectif nage
Avec « un taux de remplissage de 100 % », Martine Jardiné, vice-présidente au Département en charge de la jeunesse et des dynamiques sportives, l’assure : le dispositif nage, lancé il y a onze ans en Gironde, est un succès. À l’issue de l’été, ce seront donc à nouveau 500 enfants de 7 à 13 ans qui auront été formés gratuitement à la nage par un éducateur professionnel sur un des 15 sites de baignade girondins. Budget annuel pour cette opération : 100 000 euros environ. « Il y a un vrai problème de déficit d’équipements et donc d’équité territoriale dans l’accès à l’apprentissage de la nage en Gironde », ne cache pas l’élue. « Alors, nous nous efforçons de trouver des solutions. »