Menée par le groupe de presse Axel Springer, la bataille contre les bloqueurs publicitaires pourrait permettre l’interdiction totale de ces extensions particulièrement populaires.
Depuis 2015, le groupe de presse Axel Springer, qui édite notamment le tabloïd Bild et le journal conservateur Die Welt, cherche à faire interdire les bloqueurs publicitaires. Il se retrouve ainsi devant les tribunaux face à l’éditeur de l’extension Adblock Plus, Eyeo, depuis dix ans.
Si jusqu’à présent, Axel Springer avait dû faire face à des jugements en sa défaveur, une récente décision de la Cour fédérale allemande pourrait finalement faire basculer le destin de ces extensions (parfois intégrées aux navigateurs) qui sont très populaires chez les internautes.
Une curieuse question de « droit d’auteur »
Plusieurs arguments ont été avancés par le groupe de presse, notamment celui de la concurrence. Axel Springer reprochait à Adblock Plus de lui porter préjudice au regard du manque à gagner que représentait la navigation d’un utilisateur sans aucune réclame. Débouté une première fois, il avait ensuite essayé de faire valoir une atteinte aux droits d’auteur. Pour Axel Springer, un bloqueur publicitaire venait modifier profondément le code HTML (qui représente 95% d’une page) d’un site. Malgré un appel, l’entreprise avait finalement été une nouvelle fois déboutée par la cour d’appel de Hambourg en 2023.
Mais ce jugement a depuis été remis en cause par la Cour fédérale, qui explique que l’arrêt émis n’était pas suffisamment motivé, révèle 01Net. Selon elle, le code HTML généré lorsqu’une page web s’affiche (avec ou sans pub) ne peut pas être exclu du droit d’auteur.
Si la décision de la Cour fédérale ne dit rien de l’action d’un bloqueur de publicités, cela relance néanmoins le parcours judiciaire, et donc le risque que ce type d’extensions soit tout simplement interdit de l’autre côté du Rhin.
Une menace pour « un internet ouvert »?
En 2023, AdGuard, un autre bloqueur de pub, avait évoqué « une grande victoire pour l’internet libre » et Eyeo, l’éditeur de Adblock Plus, avait de son côté estimé qu’il s’agissait d’une « victoire pour un internet ouvert ».
Deux ans plus tard, il faut donc tout recommencer, ce qui rend Mozilla, créateur du navigateur Firefox et fervent défenseur des bloqueurs publicitaires, furieux: « Quand vous zappez les pubs à la télévision, jetez un encart inutile d’un journal ou sautez les réclames dans un podcast, vous n’enfreignez pas le droit d’auteur. Pourquoi en serait-il autrement avec un navigateur? ».
Si le jugement final, qu’il soit ou non en défaveur des bloqueurs publicitaires, ne concernera que l’Allemagne, il pourrait néanmoins faire jurisprudence à travers toute l’Europe. Même si le droit d’auteur n’est pas tout à fait le même partout, certains groupes de médias pourraient en profiter pour s’immiscer dans la brèche ainsi ouverte par la justice allemande.
Rappelons néanmoins que de nombreux sites internet fonctionnent grâce aux revenus générés par la publicité. Un bloqueur publicitaire vient donc tarir la base économique, notamment chez les médias « gratuits ». Google a tenté de juguler la recrudescence des bloqueurs publicitaires en restreignant grandement leur capacité à intervenir sur les pages web depuis plusieurs mois. Des bloqueurs comme uBlock Origin ont ainsi dû proposer des versions allégées (ou « light ») afin de se conformer aux nouvelles règles et rester disponibles sur les navigateurs chromium (comme Chrome, Edge…).