LE MATCH DES TUBES (33/40) – Deux des plus belles voix de la variété française ont chanté les grands retours d’homme venus reconquérir l’être aimé. « L’Italien » et « Je n’ai pas changé » s’affrontent.
Si partir est un acte éminemment difficile, revenir l’est tout autant, voire plus difficile. Les années ont passé, chacun a évolué et il faut réapprendre à se connaître. Si la chanson s’est plongée dans les départs tonitruants (voir nos précédents duels), le retour de l’enfant prodigue est plus rare. Pour ce 33e duel, nous opposons « L’Italien » de Serge Reggiani et « Je n’ai pas changé » de Julio Iglesias.
Après avoir fait une entrée tonitruante dans la chanson avec « Le petit garçon », le comédien Reggiani voit s’ouvrir une carrière d’interprète. Sa voix sensible lui offre l’occasion de raconter de belles histoires, souvent tristes. En 1971, Jean-Loup Dabadie lui écrit un texte sur mesure : « L’Italien ». Un homme parti il y a quelques années en quête d’aventure revient et espère qu’on lui ouvre la porte. « Je rentre un peu tard je sais. 18 ans de retard c’est vrai. » L’acteur, qui ne voulait pas chanter ce morceau, met toutes ses forces pour transmettre une émotion extraordinaire. Cet homme s’est baladé, a fait tous les métiers et connu de nombreuses déceptions. « C’est moi, c’est l’Italien. Je reviens de si loin, la route était mauvaise. Et tant d’années après, tant de chagrins après. Je rêve d’une chaise ». La mélodie de Jacques Datin est bouleversante et mélancolique ; elle traduit parfaitement le désespoir de cet homme qui réclame, en italien, qu’on lui ouvre la porte. La fin de la chanson est brutale : « Ouvre, tu es là, je sais. Je suis tellement las, tu sais. Il ne me reste qu’une chance. C’est que tu n’aies pas eu ta chance. Mais ce n’est plus le même chien et la lumière s’éteint. » Le titre est l’un des plus beaux de Serge Reggiani.
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Julio Iglesias nous a vendu du rêve
En 1979, le plus bel hidalgo de la chanson française, Julio Iglesias, playboy et bourreau des cœurs, enregistre un nouveau tube : « Je n’ai pas changé ». Comme chez Reggiani, le temps a passé, mais lui reste le même et tente de reconquérir l’être perdu. « Je n’ai pas changé, je suis toujours ce jeune homme étranger qui te chantait des romances, qui t’inventait des dimanches, qui te faisait voyager. » Portées par une mélodie gentiment kitsch, mais d’une efficacité redoutable avec ses cordes pathétiques, les paroles de Claude Lemesle siéent à merveille au Don Juan de la variété : un charme fou, un brin mythomane et un vendeur de rêve. « J’avais envie de te protéger, de te garder, de t’appartenir. J’avais envie de te revenir. » Une sublime déclaration d’amour et tentative de reconquête qui fait mouche. C’est un nouveau classique pour l’Ibérique. Tout déraille en 1983 dans « Papy fait de la résistance » quand le demi-frère d’Hitler (Jacques Villeret) reprend la chanson d’abord avec l’accent allemand puis en imitant Yves Montand, le tout devant une Jacqueline Maillan médusée. Le morceau se transforme ; la géniale parodie a tué l’original.
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En conséquence, « L’Italien » l’emporte grâce à son authenticité. À chaque écoute, la même sensation et la même envie : une tristesse infinie pour cet exilé qui revient voir la femme aimée et qui n’est plus là. Les vers « Io non ne posso proprio più. Se ci siete, aprite una porta, dirò come è stato laggiù » sont bouleversants. Ouvrons-lui la porte !