À 80 ans Sheila s’est livrée sans détour quelques heures avant son concert au festival Darc de Châteauroux ce 18 août. L’artiste revient sur une renaissance musicale née de rencontres en chair et en os, loin des mondes virtuels.

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Elle aura fait 11 heures et demie de bus pour venir nous voir à Châteauroux, sans rien perdre de son énergie. Alors qu’elle entame sa « Tournée 8.0 », qui compte une vingtaine de dates jusqu’à la fin de l’année 2025, Sheila a accordé quelques minutes à France 3. L’occasion de revenir sur son rapport à la scène et au public.

Sheila : « Ah bah ça n’a rien à voir, c’est complètement… c’est rock’n’roll, vraiment, pour le coup. Mais moi, ce que j’aime dans les festivals, ce sont les bénévoles. Les gens sont extraordinaires. Moi, je découvre un peu ça parce que j’en ai fait quelques-uns, mais pas beaucoup. Là, on fait vraiment la tournée des festivals. Et franchement, les gens sont chaleureux, ils sont là pour vous faire plaisir, ils pensent à des petits détails, mais qui font que, voilà, moi j’adore. Vraiment, j’adore.

Mais ça va être debout de toute façon, ne vous inquiétez pas ! Moi, c’est ma gageure avec moi-même. Il ne faut pas qu’ils finissent assis. Sinon, je me suis plantée.

Je peux vous dire qu’ils vont finir debout. Parce que j’ai des tubes, parce qu’ils chantent et parce que je fais tout pour qu’ils aient envie de danser. Donc il n’y a pas de raison que ça ne se fasse pas. Et vous avez remarqué qu’on est une génération de jeunes. Donc voilà, ça danse !

Oui, moi j’ai de la chance de les avoir rencontrés. J’ai rencontré Eric Azhar dans les années… Je l’ai retrouvé en 2016, mais je le connais depuis 2009, parce qu’on a déjà travaillé ensemble. Et on s’est retrouvé sur la tournée Âge tendre en 2016. Et puis voilà, on a discuté, j’ai écouté son groupe. C’est du prog et moi, j’adore ça, ce n’est pas du tout un truc qui était dans mon univers. Mais en écoutant ce qu’il faisait, j’ai proposé d’essayer ces idées. Je lui ai laissé la carte blanche. On a démarré en 2017 ensemble et c’était bien, et là on a fait deux albums. Donc tout ce qui est sur scène c’est réalisé par lui, comme les albums. Moi, je trouve que l’important, par rapport à ma vie, c’est que ça me donne envie de chanter. C’est tellement nouveau que moi, je m’éclate et il a fait des versions tellement différentes que quand je chante, j’ai l’impression de chanter autre chose. Et c’est ça qui fait que j’ai envie.

Parce que je vous avoue qu’il y a des moments, vous savez, même si j’adore ce que j’ai fait, je le fais pour faire plaisir aux gens. Mais la façon dont il a orchestrées ces chansons, c’est amusant, ça fait que les gens écoutent, ils s’étonnent. Et les gens peuvent quand même chanter les chansons. Ils ne sont pas paumés et perdus.

Évidemment, Sheila avec les couettes, c’est quand même un peu usé, c’est fini ! Ça fait très longtemps que je ne fais plus ça. J’ai fait beaucoup de choses à l’époque avec Yves Martin, mais là aujourd’hui je suis vraiment dans autre chose. Je fais ce que j’aime, parce que moi je suis une rockeuse à la base, je ne l’ai jamais fait, enfin je l’ai fait avec Keith Olsen dans les années 80, mais je ne l’ai jamais fait vraiment sur scène.

Et là, je suis avec des gens qui sont des musiciens hors pair, parce que ce ne sont pas des gamins, ce sont des routards et ça joue ! Et le fait d’être avec des gens comme ça, qui jouent, pour moi c’est un bonheur. Et puis, ces garçons, ils sont arrivés dans une période de ma vie en 2017 où on préparait le concert à l’Alhambra, et c’est la période où mon fils a disparu. Et si tu veux, cette histoire nous a liés dans des situations de vie intimes qui étaient complètement différentes. Ce qui fait que ça a créé entre nous une histoire qui est au-delà de faire de la musique et de rock’n’roll. Ce n’est pas la même chose.

Je vais vous dire ce qui est intéressant quand même dans la vie, c’est de se dire que les rencontres se font quand elles doivent se faire. Peut-être qu’il y a 20 ans, je n’étais pas capable de faire ça ! Aujourd’hui, je m’en fous, moi, ma carrière, elle est faite, ma vie est faite. Moi, si je ne m’éclate pas maintenant, je ne vais jamais m’éclater !

Alors je me suis toujours éclatée. Mais peut-être qu’aujourd’hui, je dis des choses que je n’aurais pas dites il y a 20 ans, parce que peut-être je ne me sentais pas. Aujourd’hui, je vais faire des conférences, par exemple, l’année prochaine ! Mais je vois, dans les relations que j’ai avec les gens, les gens sont mal dans leur peau, ils ne savent pas quoi faire. Je pense que les gens courent, mais on ne sait pas après quoi on court. On ne se parle plus, on s’envoie des mails et on se répond pas, c’est quoi cette vie ? Donc moi bien sûr, j’aimerais à travers mes chansons, j’aimerais que quand ils sortent de là ils soient en pleine forme, parce que c’est mon boulot ! Et j’aimerais, après l’année prochaine, leur redonner de l’espoir. Parce que la vie c’est de l’espoir, si t’y crois pas, reste chez toi.

Je n’ai pas d’appréhension parce que j’assume ce que je fais,. J’assume ce que je fais, j’assume ce que je chante et ce sont mes choix. En 1970, je faisais une chanson qui s’appelait « Blancs, jaunes, rouges, noirs » sur le racisme. Aujourd’hui je vais chanter « Racé » parce que j’ai lu le livre de Rachel Khan, et que j’ai adoré son sujet. Et parce que, j’estime que son sujet se doit d’être chanté.

Quand je chante une chanson sur Simone Weil, évidemment aujourd’hui, avec tout ce qui se passe dans ce monde, bien sûr que pour moi, l’antisémitisme, c’est juste une merde incommensurable. Quand je chante « Et Dieu dans tout ça ? », c’est moi qui parle d’un principe, selon lequel la foi rapproche, les religions divisent.

Pour croire, on n’a pas besoin de religieux ! Cette force, elle est en nous. À nous de savoir la capter. Et puis, quand je me lève le matin, à mon âge, je me dis : « Merde, c’est beau la vie ! » Je crois qu’aujourd’hui, je peux me permettre de dire des choses que je n’aurais jamais dites il y a quelques années, parce que je n’avais pas l’expérience. La vie, c’est une expérience. Mais ma vie peut servir aux autres. Si je peux donner ça aux gens, tant mieux !

Et puis, vous savez ce que c’est, la vie ? C’est le dialogue. S’il n’y a plus de dialogue, il y a une espèce de méchanceté, parce que l’humain est méchant, qui se cache derrière des petites vannes qu’on balance, caché derrière un prête-nom. Excusez-moi, la vie, ce n’est pas ça. Et moi, je suis pour les réseaux sociaux, c’est très bien. Je suis pour Internet, c’est formidable, parce qu’on peut savoir ce qui se passe dans le monde entier. Et si c’est pour détruire l’autre, c’est une grosse merde !

Bien sûr, j’ai fait un album, j’ai des auteurs : Pierre-Yves Lebert, j’ai Valérie Véga, j’ai Amaury Salmon, j’ai Daran qui a écrit une chanson, Eric Azhar qui a fait plein de chansons. J’ai une très belle équipe, qui ne vit que dans l’amour. Là, sur scène on a reconstruit une équipe de techniciens…

Vous savez, je ne fais pas ce métier pour l’argent, parce qu’on n’en gagne plus malheureusement, mais je fais ce métier pour le partage. Mais je partage sur scène, avec tout ce qu’on fait là. C’est une très belle histoire. Moi, vous savez, c’est un peu particulier : je n’ai plus de famille, je suis fille unique. J’ai perdu l’essence de ma vie, qui était mon fils. Donc, j’ai une approche de la vie qui est différente. Donc, je ne suis entourée que de gens que je sens, parce que je suis un animal, avec qui j’ai envie de partager du temps, de la vie, de l’amour, des rires, des pleurs. C’est ça la vie.

Si on oublie ça, on est des robots. On a beau nous vendre des robots, on n’est pas des robots. La différence, c’est l’humain et l’humain, il pleure et il rit. Et quand on est capable d’assumer le fait de se dire : Voilà, je suis vulnérable, oui, mais ce n’est pas un défaut d’être vulnérable. C’est au contraire. L’humain, c’est quoi ? C’est quelqu’un qui a des sentiments. Il faut les exprimer, il faut arrêter de se cacher derrière un écran, bordel de merde ! »

Propos recueillirs à Châteauroux par V. Billy et A. Gaulon

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