Une publicité vantant la douceur de vivre de la côte toulonnaise. Du voyage en train depuis Paris jusqu’aux meilleurs plats disponibles au restaurant en passant par la piscine au bord de laquelle on peut tranquillement siroter des cocktails. Le petit film promotionnel en noir et blanc reflète toute une époque (les années soixante) et surtout l’ambiance qui animait alors la Résidence du Cap-Brun. Florence Boré n’est pas peu fière de l’avoir retrouvé dans les archives familiales. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres trésors que recèle l’histoire de la majestueuse demeure qui surplombe la Méditerranée. L’artiste, dont les enfants en sont les héritiers, en a gentiment ouvert les portes à Var-matin.
Demeure familiale depuis 1949
Florence Boré (debout) et Laurence Clabère, cousine de la famille, aiment à raconter le passé glorieux de la résidence.
« C’est mon beau-père qui a acheté la villa le 24 août 1949. Elle appartenait auparavant à un certain Monsieur Chalupt qui avait beaucoup souffert de la voir occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. Ma belle-mère, Toulonnaise, connaissait bien la côte. Cette acquisition a sonné comme une évidence », raconte Florence Boré.
Après plusieurs mois de travaux, les lieux sont transformés en hôtel. La Résidence du Cap-Brun prend forme. « Mon beau-père était administrateur hôtelier. Il avait plusieurs établissements, notamment la Résidence du Vieux-Port à Marseille. Il ne voulait pas d’un établissement standardisé. Il n’équipait les chambres et salons que de meubles anciens. Cela offrait une ambiance toute particulière. »
Lieu de villégiature pour personnalités
La douceur de vivre définit toujours autant la Résidence du Cap-Brun, malgré les affres du temps.
Photos Frank Muller.
Outre la décoration raffinée, la vue splendide et le parc de trois hectares ont séduit nombre de visiteurs au fil des années. Beaucoup de Britanniques et d’Américains en avaient d’ailleurs fait leur lieu de villégiature privilégié.
Les livres d’or conservés par la famille Boré de Loisy regorgent de signatures prestigieuses. Dont celle (assez illisible, il faut le reconnaître) du Général de Gaulle. La figure de la France libre a fait plusieurs séjours à la Résidence entre 1954 et 1958. Quelques chapitres de ses Mémoires ont d’ailleurs été rédigés depuis la Résidence du Cap-Brun. Le comte de Paris a été, lui aussi, un habitué des années plus tard.
« De par notre proximité avec Chateauvallon, beaucoup d’artistes ont séjourné ici. Je me souviens d’avoir croisé Miles Davis, un très grand moment pour moi », se rappelle Florence Boré, l’émotion encore très présente d’avoir rencontré son idole. Nina Simone, Léo Ferré (devenu un ami de la famille), Maurice Chevalier, Sacha Guitry, Jean Cocteau, Michel Fugain et son Big Bazar… Tous ont dormi entre ses murs. La chanteuse Joan Baez en garde un très bon souvenir à en croire sa dédicace sur le livre d’or en 1971. « I had a very beautiful stay here. I wish it could have been longer » (J’ai passé un très beau séjour ici. J’aurais souhaité qu’il dure plus longtemps) peut-on lire au-dessus de sa signature complétée par une fleur dessinée, très peace & love.
Une maison intimement liée à la littérature
La famille Boré de Loisy a toujours été férue d’art et de culture. Les hôtes écrivains ont toujours occupé une place particulière à la Résidence. En premier lieu Aragon qui y a maintes fois élu domicile entre 1971 et 1982. En faisant visiter le jardin, Florence Boré distille les anecdotes sur le célèbre poète. « Cette allée était autrefois pleine de rosiers. À la fin de sa vie, Aragon aimait s’y promener et y jardiner. Il a amené ici beaucoup de membres de son cercle: Max Ernst, Masson, Antoine Gallimard… Et surtout, son secrétaire particulier, lui aussi écrivain, Jean Ristat. » Dans son ouvrage Avec Aragon, ce dernier décrit notamment les voyages pour se rendre à Toulon, leur quotidien ici, le cadre, les chambres… « Lorsque l’on ouvrait la porte, on ne voyait que le bureau, immense, qui occupait l’angle de la pièce. Il y régnait un ordre impeccable comme on dit des peintures. C’est là qu’il termina Théâtre/Roman et qu’il écrivit une grande partie de l’Essai Max Ernst « , peut-on lire page 354. « On ne peut dissocier la Résidence de la littérature », assure Florence Boré.
Toulon au cœur
On ne peut non plus la dissocier de Toulon. « Beaucoup d’habitants, voire tous, ont un souvenir ici. Il faut dire qu’une fois la partie hôtel fermée, il y a eu beaucoup d’événementiel. Mariages, baptêmes, réunions… » Ce type de prestations sont d’ailleurs toujours en vigueur aujourd’hui.
« Mon beau-frère, Olivier Boré de Loisy, un personnage haut en couleur, a relancé avec Monseigneur Rey, l’évêque de l’époque, la procession en l’honneur de la Vierge au Cap-Brun. Il était extrêmement attaché à Toulon et s’investissait énormément pour la communauté. » Avec toujours dans l’idée de lier la maison à la ville.
Un retour à l’hôtellerie?
residence du Cap Brunresidence du Cap Brun FRANK MULLER / Nice MatinFRANK MULLER / Nice Matin.
Ce sont les quatre enfants de Florence Boré qui ont hérité de la Résidence du Cap-Brun à la mort de leur oncle. Celle-ci a beaucoup souffert des affres du temps. Mais la nouvelle génération est motivée pour lui redonner son lustre d’antan. « L’annexe a déjà été refaite. La consolidation de la falaise aussi… Après, ce qu’ils vont réellement en faire, c’est à eux de le décider », commente leur mère. Désormais, la nouvelle génération a donc le destin des lieux en main.
Petit à petit, en tout cas, ils prennent possession de la bâtisse et de sa riche histoire.
Vont-ils refaire d’elle une résidence hôtelière? Rien n’est exclu selon Florence Boré. « Pour l’instant, l’activité événementielle continue. Pour la suite ils verront s’ils relancent l’héritage de leur grand-père. »