Une chaîne de streaming basée dans les Alpes-Maritimes a fait de l’humiliation et de la violence un spectacle suivi par des milliers d’internautes. Dans la nuit du 17 au 18 août, son membre le plus exposé, Jean Pormanove, est mort en direct alors qu’il dormait. Une enquête judiciaire est en cours.
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La chaîne est diffusée sur la plateforme Kick, connue pour sa modération minimale et ses contenus parfois extrêmes.
Sur le streaming du Lokal, jusqu’à 15 000 personnes peuvent y suivre des directs lors desquels les spectateurs encouragent, par des messages ou des dons, des comportements violents.
Dès décembre 2024, la justice avait ouvert une enquête après des révélations de Mediapart, ayant mené à la garde à vue puis la libération de deux membres de la chaîne. Huit mois plus tard, la chaîne a diffusé en direct la mort de l’un de ses membres, Jean Pormanove, qui quelques heures auparavant était encore victime de violences.
Sur cette vidéo qui tourne encore sur les réseaux sociaux, on voit l’homme inanimé dans son lit alors que l’un des membres tente de le réveiller, en vain.
La chaîne comptait quatre personnages principaux, dont deux étaient les boucs émissaires attitrés : Coudoux, une personne handicapée sous curatelle, et Jean Pormanove, dit JP.
Les organisateurs Naruto et Safine faisaient subir à JP et Coudoux des violences physiques (gifles, jets d’eau, coups, étranglements) et des humiliations en direct.
Jean Pormanove était l’objet de violences récurrentes, encouragées par les spectateurs de ces directs.
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© Chaîne Le Lokal/Kick
Les spectateurs étaient partie intégrante de cette mécanique. Ils participaient en ligne, riaient, insultaient, encourageaient et payaient via des dons pour que cela continue. Des mots insultants liés au handicap étaient également régulièrement utilisés par les organisateurs des lives, du type « golmon » ou « cotorep ».
Le média d’investigation Mediapart relate dans un article publié lundi 18 août que ces violences ont eu lieu jusqu’aux dernières heures de la nuit avant la mort de Jean Pormanove : déguisé en Batman, Naruto lui donne une claque alors qu’une horloge affiche 23h55. Jean Pormanove est de nouveau giflé à plusieurs reprises quelques minutes plus tard.
La trajectoire de Jean Pormanove était celle d’un homme fragile, ancien militaire, devenu la star malheureuse du Lokal. Dans un direct, Naruto lui lançait : « Seul, tu vaux rien. Si t’étais pas tombé sur un mec comme moi, tu te serais éteint. » Il l’appelait un « cassoc' » et l’avertissait : « Retourne faire ton cassoc’ à Metz, tu mourras juste un peu plus vite.” Naruto allait jusqu’à anticiper publiquement l’éventualité de sa mort.
Si demain il meurt en plein live, c’est dû à son état de santé de merde et pas à nous. (…) Dis devant la caméra que c’est pas notre responsabilité si tu meurs en plein live.
Naruto, de la chaîne le Lokal
à JP lors d’un live
Depuis le drame, Naruto a publié plusieurs messages sur Instagram. Dans une première story, il écrit : « J’ai toujours redouté le jour où je devrais écrire ces mots. Malheureusement, cette nuit, JP (Raphaël Graven) nous a quittés. Mon frère, mon acolyte, mon partenaire. (…) Je vous demande à tous de respecter sa mémoire et de ne pas partager la vidéo de son dernier souffle dans son sommeil.”
Dans une seconde story, il réagit aux spéculations sur les réseaux sociaux : « Personne ne sait, mais tout le monde parle. On s’aimait et c’est tout ce qui compte. »
La ministre Déléguée chargée de l’Intelligence Artificielle et du Numérique a communiqué au sujet de cette mort, rappelant que « la responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi ».
Le décès de Jean Pormanove et les violences qu’il a subies sont une horreur absolue. J’adresse toutes mes condoléances à sa famille et à ses proches.
Jean Pormanove a été humilié et maltraité pendant des mois en direct sur la plateforme Kick.
Une enquête judiciaire est en cours.…— Clara Chappaz (@ClaraChappaz) August 19, 2025
Une enquête est en cours. Plus d’informations à suivre.