Avec sa chevelure de feu et son univers drag queen, Chappell Roan, chanteuse du Midwest de 27 ans, ne devait être que l’une des pièces du festival phare de la fin d’été. Mais “sa trajectoire ascendante a fait évoluer la manière dont on l’a perçue et vue dans la programmation”, explique à l’AFP Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine, évoquant un “phénomène fou”. L’interprète de “Pink Pony Club” s’inscrit dans la lignée des artistes féminines qui lancent Rock en Seine depuis la création de cette soirée d’ouverture: Billie Eilish pour les 20 ans en 2023 et Lana Del Rey en forme olympique l’année dernière, en plein JO.
Avec un budget compris entre 16 et 17 millions d’euros, le festival sait capter les stars internationales, mais doit aussi composer avec des aléas comme l’annulation d’ASAP Rocky, désengagé de plusieurs festivals européens. C’est Kid Cudi, autre rappeur américain à succès (“Day ‘N’ Nite”), qui le remplacera.
L’annulation, 48 heures avant, de Doechli, n’a en revanche pas laissé le temps aux organisateurs de rebondir et une compensation a été proposée aux festivaliers ayant acheté un billet pour la journée de jeudi. L’artiste de 27 ans, qui cartonne avec “Anxiety” et a reçu le Grammy du meilleur album rap de l’année pour sa troisième mixtape, “Alligator bites never heal”, était pressentie comme l’une des sensations du festival. La raison de l’annulation n’a pas été précisée. La rappeuse a également annulé sa participation à deux autres concerts prévus samedi et dimanche à Londres et Bristol, en Angleterre. Originaire de Floride, Doechii n’a donné que deux concerts parisiens : l’un en mars lors d’un dîner de gala, l’autre à l’Alhambra en octobre 2024. Jaylah Ji’mya Hickmon, de son vrai nom, a d’abord séduit les réseaux sociaux avec ses chansons comme “Anxiety”, reprise du titre mondialement connu “Somebody that I used to know” de Gotye. Adoubée par ses paires comme Kendrick Lamar ou Tyler, The Creator, elle maîtrise l’art des paroles incisives, avec un sens acéré de l’humour, comme lorsqu’elle combat son alter ego intérieur dans “Denial is a river”.
La scène électro promet pour sa part de l’immersion avec images et lumières à gogo, entre le DJ italo-américain Anyma, le duo français Justice, en lévitation depuis son retour gagnant avec “Hyperdrama”.
Rock en Seine continue également d’honorer son nom, avec la présence de Queens of the Stone Age. L’insubmersible groupe de Josh Homme – presque 30 ans d’existence – fera rugir ses guitares dimanche, onze ans après son dernier passage à Saint-Cloud. Cette ultime journée verra aussi monter sur scène le trio punk rap Kneecap. Les trublions de Belfast ont fait de chaque concert une tribune pour la cause palestinienne. Au festival de Glastonbury fin juin, le groupe avait accusé Israël d’être un Etat “criminel de guerre”. L’un de ses trois membres, Liam O’Hanna dit Mo Chara, est poursuivi pour “infraction terroriste” après avoir arboré un drapeau du Hezbollah pendant un concert à Londres en 2024. Il doit comparaître mercredi dans la capitale britannique. Dans ce contexte, la ville de Saint-Cloud a retiré sa subvention de 40 000 euros à Rock en Seine, une première. “Au moment où les polémiques commencent à enfler, évidemment qu’on se pose la question (de maintenir le groupe, NDLR), confie Matthieu Ducos, soulignant que l’organisation a alors tout “analysé”. En France, le groupe a joué aux Eurockéennes de Belfort et au Cabaret vert de Charleville-Mézières, a priori sans incident. “La conclusion a été que oui, il avait toujours sa place sur le festival. Malgré un certain nombre de lignes rouges qui auraient pu être franchies selon certains, selon nous elles ne sont pas suffisamment avérées ou répétitives”, argumente-t-il. Des “discussions” ont eu lieu avec l’entourage des artistes pour clarifier leurs positions et l’organisation a eu “confirmation” qu’“il n’y aurait pas de débordements” pendant le concert, selon le directeur.
Mathieu Pigasse, copropriétaire du festival, défend la présence de Kneecap, y voyant un enjeu de “liberté de création et d’expression”: “Il ne faut pas accepter le principe de censure, parce que sinon, c’est une vague qui va déferler sur les festivals et sur les médias”, a-t-il dit au média musical Billboard France.
A l’affiche encore : London Grammar, Anyma, Aurora, Caribou…
Attirant quelque 40 000 spectateurs par jour, Rock en Seine est détenu par le géant américain du live AEG et Combat, groupe de l’homme d’affaires français Matthieu Pigasse. Ce tandem a aussi racheté en juillet We love green, un autre festival autour de Paris.