Une enquête judiciaire a été ouverte après la mort en direct d’un vidéaste connu pour ses diffusions de scènes de violences et d’humiliations, un contenu vivement dénoncé par les autorités.

Raphaël Graven, âgé de 46 ans et connu sous les pseudonymes « Jean Pormanove » ou « JP », est décédé lundi à Contes, un village situé au nord de Nice. Selon le parquet de Nice, sa mort est survenue « lors d’un live streaming », confirmant une information initialement relayée par Nice-Matin.

La ministre déléguée chargée du Numérique, Clara Chappaz, a qualifié cet événement de « horreur absolue » sur le réseau X. Elle a annoncé avoir « saisi l’Arcom et effectué un signalement sur Pharos », la plateforme dédiée à la lutte contre les contenus violents en ligne.

Un contenu choquant diffusé massivement

Suivi par des centaines de milliers d’abonnés, « JP » apparaissait régulièrement dans des vidéos où il était victime de violences et d’humiliations. Ces contenus, souvent mis en scène avec les vidéastes « Narutovie » et « Safine », étaient diffusés sur plusieurs plateformes, dont Kick, concurrent australien de Twitch, connue pour ses règles de modération plus souples.

Une enquête a été ouverte pour déterminer les causes de la mort, et une autopsie a été ordonnée. C’est la police judiciaire de Nice qui en est chargée. Elle s’était déjà saisie de l’affaire en décembre 2024, après une enquête de Mediapart qui avait mis en lumière ces vidéos.

Une vidéo glaçante avant sa mort

Lundi, une vidéo diffusée en direct sur Kick, puis partagée massivement, montre, selon plusieurs internautes, les derniers instants de Raphaël Graven. On l’y voit allongé, inerte, sous une couette, aux côtés de deux hommes. L’un d’eux lui jette une bouteille d’eau en plastique.

Sur Instagram, « Narutovie » a confirmé le décès de « JP », qu’il qualifie de « mon frère, mon acolyte, mon partenaire ». Il a appelé à « ne pas partager la vidéo de son dernier souffle ».

Des violences documentées depuis des mois

Une première enquête avait été ouverte en janvier pour « violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables » et « diffusion d’enregistrements d’images d’infractions portant atteinte à l’intégrité de la personne ». Le parquet soulignait que ces actes étaient « parfois encouragés par des versements d’argent des spectateurs ».

Deux hommes nés en 1998 et 2002, identifiés comme « Narutovie » et « Safine » via des documents d’enregistrement de sociétés, avaient été placés en garde à vue en janvier. Du matériel de tournage avait alors été saisi. Toutefois, à l’époque, victimes et suspects contestaient toute infraction.

Des scènes d’une violence extrême

Plusieurs vidéos toujours accessibles montrent « JP » recevant des tirs de projectiles de paintball sans protection, frappé pendant des parties de jeux vidéo ou constamment rabaissé, que ce soit en privé ou en public. Il semblait accepter ce rôle de souffre-douleur, ce qui complexifie l’enquête sur le consentement réel.

Clara Chappaz a déclaré avoir « également contacté les responsables de la plateforme pour obtenir des explications », rappelant que « la responsabilité des plateformes en ligne sur la diffusion de contenus illicites n’est pas une option : c’est la loi ».

Kick affirme vouloir renforcer sa modération

Dans un message adressé à l’AFP, un porte-parole de Kick a exprimé sa tristesse : « Nous sommes profondément attristés par la perte de Jean Pormanove ». Il a assuré que la plateforme « examine les circonstances et collabore avec les parties prenantes concernées ».

Kick, lancée en 2022, propose un modèle économique très attractif pour les créateurs, avec 95 % des revenus reversés, contre environ 50 % sur d’autres plateformes. Cette générosité favorise les dons en direct, qui peuvent générer des sommes importantes pour les vidéastes.

Une diffusion en direct lucrative

Sur la vidéo montrant les derniers instants de Raphaël Graven, un compteur affichait plus de 298 heures de direct et une somme récoltée de 36.411 euros. Un chiffre qui illustre à quel point ce type de contenu pouvait attirer l’audience et l’argent, malgré sa violence.

Avec AFP