À l’aube d’une retraite…

À l’aube d’une retraite dont il dessine déjà les contours à Madagascar, Eric Dandonneau vit ses plus belles heures d’employé municipal à la Croix-du-Prince. Plus qu’un stade « qui a marqué son époque », elle représente sa Madeleine de Proust. « Un endroit fabuleux. »

Lui ne l’est pas moins. Ses lunettes rouges tranchent avec sa longue barbe grise qui lui confère des allures de druide facétieux. Plus qu’un concierge, c’est un artiste au grand cœur et au verbe poète qui savoure chaque matin son privilège de se lever avec vue sur le pré qui l’a tant fait vibrer. Ici, il est devenu familier des palombes venant désormais picorer par centaines à l’aube comme au coucher du soleil.

La rédaction vous conseille

« L’important, c’est que ça vive »

Originaire de Mazères où il a joué du temps de sa glorieuse équipe de rugby, Eric Dandonneau a porté le maillot vert et blanc « en minimes et en cadets ». Il en a gardé une fibre sectionniste qui, dans cet antre mythique du rugby palois, lui a inspiré de mettre en valeur des centaines d’anciennes licences qu’il a sauvées du rebut. Elles décorent l’ancien foyer que d’aucuns qualifient désormais de musée. Il l’a, à grand renfort de matériel de récupération, rénové avec passion et talent.

« L’important, c’est que ça vive », glisse cet ancien trois-quarts qui regorge d’anecdotes dans « le temple » sectionniste où tant d’anciens passent comme en pèlerinage. Un exemple ? Alors qu’il allait au restaurant pour fêter son anniversaire, un certain Lafosse a voulu faire un petit détour par la Croix-du-Prince. Au foyer, Eric l’oriente vers le mur où, sur une photo de 1953, ledit Lafosse se reconnaît. D’ailleurs, son nom figure bien dans la légende de l’équipe junior. L’émotion est à son comble !

« Vous pouvez appeler le restau pour prévenir que vous aurez un peu de retard », s’exclame alors l’incroyable Dandonneau tout en allant chercher une bouteille de champagne. Passeur de mémoire et de chaleur humaine, il aura donné une saveur inoubliable aux 88 ans de ce M. Lafosse…

Stade de la Croix du Prince Eric Dandonneau concierge

Stade de la Croix du Prince Eric Dandonneau concierge

RMARTIN/PYRENEES PRESSE

Le déchirement de 2019

Un triste matin de mars 2019, il a en revanche vécu « un déchirement » en découvrant une grosse pelleteuse qui s’attaquait à la démolition de la grande tribune et des pesages en ciment qui la prolongeaient. « 100 ans d’histoire » à terre « en trois jours », le coup fut rude à encaisser. Ces images du grand blason mural, éventré par les derniers coups de pelle, il ne les oubliera jamais. Elles sont d’ailleurs consignées dans une vidéo de 28 minutes qu’il a lui-même filmée. Comme pour immortaliser la fin d’une époque.

Au moment des grandes vacances, alors que les habitués de la Croix-du-Prince ont pris leurs quartiers d’été, s’il n’en reste qu’un pour assurer l’arrosage de la pelouse… ce sera Eric Dandonneau, vous l’aurez deviné. Attaché à son Eden, il y met tout son cœur pour le garder vivant et témoigner de son illustre passé.