Une nouveauté fait beaucoup parler : depuis le
Grand Prix d’Autriche, une mise à jour de l’ECU unique a mis à
disposition un contrôle de stabilité, censé réduire les chances de
highside. Casey Stoner, présent au Red Bull Ring, a donné son avis
sur la question, et forcément, ça ne plaît pas au double champion
du monde MotoGP. Une analyse s’impose.
Toujours la même rengaine
Pour ceux qui ne suivaient pas la catégorie reine à l’époque,
Casey Stoner était un pilote
exceptionnel, véritable talent générationnel, qui n’exploitait que
très peu l’électronique. Ceci donnait des scènes de
glisse absolument folles, qui sont d’ailleurs restées dans
les mémoires. L’Australien a pris sa retraite fin 2012, à
seulement 27 ans, avec deux titres mondiaux dans sa besace, dont le
premier sacre de Ducati en MotoGP.
Marc
Marquez gagnera, avec ou sans. Photo : Michelin Motorsport
Depuis, il aime beaucoup répéter que c’était mieux avant, qu’il
y a trop d’électronique et tutti quanti. Cela fait plus
d’une décennie qu’il est bloqué sur le dossier. C’est vrai que les
motos d’aujourd’hui sont très assistées électroniquement, d’accord,
mais j’ai beaucoup de mal avec le « c’était mieux
avant », pas qu’en MotoGP d’ailleurs. Oui, le monde
évolue, que vous le vouliez ou non. Ça fait 2000 ans que
les Hommes martèlent ce lieu commun, comme l’a très bien rappelé le
philosophe Lucien Jerphagnon. Forcément, quand Stoner se
plaint encore et encore du même sujet alors qu’il n’est même pas
concerné, ça me fait hausser les sourcils. J’ai conscience que
beaucoup vont me tomber dessus pour ces propos, parce que, de nos
jours – alors que ce n’était pas le cas il y a quinze ans –, Stoner
est vu comme un véritable dieu vivant ; sa parole ne peut donc
pas être contestée. Fin de l’aparté.
L’argumentaire de Stoner, vraiment solide ?
Bon, maintenant, essayons de détacher les propos de l’homme et
analysons ceux-ci. Casey Stoner a dit deux choses qui méritent
d’être soulignées. Premièrement, que le MotoGP faisait les mêmes
erreurs que la Formule 1. Mais là encore, c’est
une imprécision. De quelle Formule 1 parle-t-il ?
De la Formule 1 actuelle, dont tous
les directeurs d’équipe veulent s’inspirer tant elle est
populaire ? Ou bien fait-il référence aux F1 déjà
très assistées de la fin des années 2000 et du début des années
2010 ? Ah, mais, attendez, les années 2007-2012 ne
comptaient-elles pas parmi les meilleures de toute l’histoire de la
catégorie ? Je ne comprends pas ce qu’il veut dire. Parle-t-il
de la F1 en tant que sport d’ingénieur, et non de pilote ?
Mais c’est déjà le cas en MotoGP depuis longtemps. Combien
de pilotes ont été titrés, depuis l’an 2000, alors qu’ils n’avaient
pas la meilleure machine ? Quatre ou cinq, tout au
plus ?
Son deuxième argument concernait la facilité d’utilisation de
ces motos. Il disait que voir des pilotes rouler sur des
machines autant assistées ne l’intéressait pas. Là encore,
je ne suis pas d’accord, et ça va me permettre de faire la
transition avec le point le plus important de cette analyse.
Veut-on voir des guerriers ou de belles courses ?
Pour moi, et c’est là un avis personnel, je me fiche pas
mal de savoir que c’est difficile de piloter une MotoGP.
Je veux juste voir de belles courses, du show, car il ne faut pas
oublier que les sports mécaniques existent en premier lieu en tant
que spectacle. Si on décide de tout enlever, mais
que plus aucun pilote n’ose, alors, ça ne m’intéressera pas plus
qu’actuellement, où il ne se passe vraiment pas grand-chose en
piste. C’est là l’erreur que commet le MotoGP :
d’après la majorité des pilotes, ce contrôle de stabilité
ne sert plus ou moins à rien. Il sera sans doute utilisé
parce que toutes les équipes désirent optimiser la performance tout
en réduisant les risques, mais ne garantira certainement pas des
courses plus serrées, et c’est pourtant ce qui manque cruellement
ces derniers temps. Du temps de Stoner, justement, on se
tapait pas mal de purges, quand lui ou ses rivaux
gagnaient ; et leurs travers ne comblaient pas tout à fait
l’ennui. N’est-ce pas le point sur lequel les plus hautes instances
devraient se concentrer, plutôt que l’ajout de nouvelles aides
qu’aucun pilote n’apprécie et qui, d’après certaines légendes comme
Stoner, dévalorisent le métier ?
À quoi
ressemble la catégorie de rêve de Casey Stoner ? Les 500cc… de
l’époque Doohan, pas plus animé que maintenant ? Ça n’est pas une
question de ça. Photo : Box Repsol
Là où il a raison
Désormais, vous avez compris que je ne suis pas un grand fan de
ses déclarations. Mais honnêteté intellectuelle oblige, je suis
forcé de reconnaître qu’il a raison sur un point : la
sécurité. Sur le site MotoGP.com, on peut trouver le communiqué de
presse qui explique pourquoi le contrôle de stabilité est
introduit. L’argument principal est celui de la sécurité, comprenez
qu’il est censé réduire les chances de highside. Casey
Stoner a très justement rappelé qu’il y avait énormément de blessés
de nos jours, et qu’il fallait se concentrer sur d’autres
paramètres pour rendre les motos plus sûres ; en somme, que ce
n’est qu’un prétexte. Il précisait également que faire aveuglément
confiance à la moto grâce à l’électronique était le
meilleur moyen de se blesser, alors que moins d’aides
permettraient aux pilotes d’à nouveau sentir les limites de la
machine. C’est là un argument très pertinent.
Conclusion
Résumons. Casey Stoner, même s’il se plaint beaucoup et
depuis longtemps, reste tout de même l’un des meilleurs
pilotes que le sport ait connus. Il faudrait que les instances
l’écoutent, rien que par principe. Son argument concernant la
Formule 1 est facile et éculé, surtout que la F1 était plus
passionnante que le MotoGP à l’époque à laquelle il courrait.
Néanmoins, on ne peut pas nier la pertinence de ses propos
lorsqu’il évoque l’ajout constant d’aides électroniques, soi-disant
pour rendre les MotoGP plus sûres.
Malgré tout, je pense que ça ne devrait pas être le
débat. La seule préoccupation de Liberty Media et de la
FIM devrait être le spectacle en piste, car c’est ce qui fait une
discipline sportive, rien d’autre.
Je suis curieux de savoir ce que vous pensez de l’avis de Stoner
et de cette analyse. Dites-le-moi en
commentaires !
Brad
Binder, toujours en glisse, à dit qu’il n’en voyait pas l’utilité.
Photo : Michelin Motorsport
Photo de couverture : Box Repsol