Carton à la vente avec 666 exemplaires commandés en Europe contre 585 pour l’Eurofighter et 270 pour le Rafale, le F-35 n’en fini pas de défrayer la chronique à chaque contrat passé. Outre le coût du programme qui a explosé (estimé aujourd’hui à 1000 milliards de dollars), les performances de l’avion sont elles-mêmes régulièrement remises en cause. Défaillances critiques au combat, risque de cyberattaque, moteur unique… Reste que quelle que soit sa version, F-35A (classique), F-35B (décollage vertical) ou F-35C (appontage sur un porte-avion), l’avion américain possède une solide furtivité qui en fait un vrai appareil de cinquième génération.
Mais plus que l’avion en lui-même, le F-35 est l’outil de diplomatie fétiche de Donald Trump qui n’hésite pas le vendre ostensiblement lors de ses déplacements à l’étranger. En Europe, les pays membres de l’OTAN qui souhaitent continuer de pouvoir embarquer des bombes nucléaires tactiques américaines doivent passer commande.
Les pays où le F-35 est en service
Royaume-Uni : Entré dans le programme dès 2001, le pays a été le premier client européen à recevoir ses exemplaires à partir de 2015. Le Royaume-Uni possède aujourd’hui 37 F-35B en service dans la Royal air Force et la Royal Navy selon les dernières données officielles. Ils ont été utilisés au combat pour des frappes en Iraq et en Syrie lors de l’opération Inherent resolve en 2021. Une commande additionnelle d’une douzaine de F-35A a été annoncée en juin 2025 par le Premier ministre travailliste Keir Starmer pour reconstituer la composante aérienne de la dissuasion nucléaire britannique. La commande totale de F-35 atteint 138 appareils. Outre le besoin de remplacer les appareils issus de la Guerre froide, elle s’explique aussi par le rôle industriel des Britanniques dans le programme. Le pays est en charge de 15% de la production du chasseur (hors moteur) selon le média spécialisé Zone Militaire. BAE Systems emploie plus d’un millier de personnes dans son usine de Samlesbury pour assembler le fuselage arrière, les empennages mais aussi des systèmes électroniques.
Italie : Autre pilier du programme en Europe, l’Italie compte une quarantaine de F-35A et F-35B en service dans son armée de l’air et sur le Cavour, son porte-aéronefs. Ils sont utilisés pour des missions de police du ciel de l’OTAN en Islande et en Europe de l’Est. Un centre de formation international vient aussi d’ouvrir à l’été 2025 en Sicile pour former les pilotes des Etats ayant commandé le chasseur américain. L’Italie joue aussi un rôle industriel important avec la seule usine d’assemblage européenne du F-35. Propriété du ministère de la Défense italien, le site est opéré par Leonardo. Il livre des appareils depuis 2017 et produit également des centaines d’ailes pour tous les avions du programme. Avec plus de 700 salariés, le site est aussi configuré pour la maintenance, les réparations et les campagnes d’amélioration des chasseurs possédés par les différents clients européens du F-35.
Norvège et Pays-Bas : Les deux pays sont les premiers sur le continent à ne plus utiliser que le F-35A pour leur défense. Le premier a mis la retraite ses derniers F-16 en 2021 et le second a fait de même en 2024. La Norvège possède désormais une flotte de 52 appareils qu’elle a déployé partiellement en Pologne début 2025 dans le cadre d’une mission OTAN. Les Pays-Bas compteront à terme une force de 58 F-35, ces derniers ont été utilisés en 2024 pour intercepter des avions russes au-dessus de la mer Baltique.
Danemark : Client solide du F-35 depuis 2016, le pays a récemment été ébranlé par la volonté affichée par Donald Trump de prendre le contrôle du Groënland. Son armée de l’air compte 11 F-35A en service sur les 27 initialement commandés. Au printemps dernier, Troels Lund Poulsen, le ministre de la Défense a indiqué malgré les retards de livraison qu’une commande supplémentaire de 10 appareils était à l’étude.
Belgique : Déjà client du F-16, le pays a fait le choix de son successeur avec 30 F-35A commandés initialement et un contrat additionnel de 11 appareils annoncé en 2025. Huit avions ont déjà été produits, mais sont stationnés aux États-Unis pour l’entrainement des pilotes belges. La Belgique devrait voir atterrir son premier F-35A opérationnel chez elle avant fin 2025. Pleinement satisfait de l’engin, le pays souhaite respecter le contrat signé. «Poutine n’a pas peur de l’Eurofighter, du Rafale ou du Saab Gripen. Il a peur du F-35, car on ne le voit pas ! Il n’y a pas de discussion sur la supériorité de cet avion», a même récemment déclaré le ministre belge de la Défense Theo Francken. Un positionnement qui irrite la France alors que son voisin souhaite intégrer le programme SCAF qui doit remplacer le Rafale à l’horizon 2045. «[La Belgique] se fout de notre gueule», a osé récemment Eric Trappier, PDG du groupe Dassault à propos de la situation.
Pologne : En 2025, le pays est le premier dans l’ancien bloc de l’Est à utiliser des F-35. Les premiers de ses 32 F-35A en commande ont été livrés il y a quelques mois. Client fidèle des États-Unis, la Pologne fabrique sur son sol des batteries de missiles Patriot. Ce ne sera pas le cas pour le F-35 pour lequel le pays n’a pas réussi à obtenir des retombées industrielles.
Les pays qui l’ont commandé, mais pas encore reçu
Finlande : Les premiers des 64 F-35A commandés par le pays scandinave sont attendus d’ici à fin 2025. En compétition avec le Rafale, le F/A-18 de Boeing, le Gripen de Saab et le Typhoon d’Airbus, le F-35A a su conquérir les militaires finlandais. Ces derniers ont mis en avant son potentiel d’évolution élevé et des coûts d’entretien inférieurs à ses concurrents. L’argument industriel a aussi fait mouche. Près de 6000 emplois locaux directs et indirects devraient être créées pour fabriquer les fuselages avant et la motorisation.
Allemagne : Malgré la production de ses propres Typhoon et son implication compliquée dans le programme Scaf, l’Allemagne a commandé 35 F-35A après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Les premiers exemplaires doivent être livrés en 2026. Le gouvernement allemand a justifié ce choix par sa volonté de continuer à pouvoir embarquer des bombes nucléaires tactiques américaines dans le cadre de l’OTAN après le retrait à venir de ses chasseurs Tornado.
Le F35A a aussi été commandé par la République tchèque (24 exemplaires), la Roumanie (32 exemplaires et 16 de plus en option) et la Grèce (20 exemplaires et 20 de plus en option).
Les pays qui négocient ou qui ont renoncé
Espagne : Un temps proche d’un accord, l’Espagne vient d’annoncer qu’elle n’achètera finalement pas de F-35 à Lockheed Martin. En 2021, un contrat pour 25 F-35A et 25 F-35B avait été évoqué avec de premières livraisons en 2027. De hauts gradés étaient même montés au créneau pour défendre ce choix face au risque de ne plus avoir d’appareils capables d’embarquer sur le porte-aéronefs Juan Carlos 1er à l’horizon 2030. Une situation qui n’a pas fait broncher le gouvernement qui a décidé de suivre la nouvelle doctrine européenne selon laquelle les dépenses militaires des Etats-membres doivent être consacrées à des équipements européens.
Autriche et Portugal : Des discussions sont en cours sans décision claire à ce stade. Début 2025, le ministre de la Défense portugais a déclaré que l’achat de F-35A n’était plus d’actualité avant de se raviser. Lockheed a signé depuis un accord d’intention avec l’association locale des industriels de défense.
Suisse : Très politique, l’acquisition en 2022 de 36 F-35A malgré la préférence des militaires pour le Rafale n’en finit plus de créer des polémiques et est même évoqué comme «un scandale d’Etat» par la presse locale. C’est le prix d’achat de 6 milliards de francs suisses qui est au centre des critiques. Compris comme «fixe» par les Suisses lors de l’accord avec Joe Biden, il est désormais évoqué comme «un malentendu» par l’administration Trump. Entre les mises à jour prévues de l’avion et les aménagements des infrastructures au sol, la facture a déjà grimpé de plus d’un milliard de francs suisses. Reste que les marges de négociations sont faibles alors que Donald Trump vient de mettre à exécution son barème punitif de 39% de droits de douane sur les exportations helvètes aux Etats-Unis.