La rentrée littéraire nous permet de découvrir une nouvelle génération d’auteur·rices enthousiasmant·es, d’établir de nouvelles connexions et de répondre à de nombreux questionnements.

Ce qu’il y a d’enthousiasmant, c’est de voir autant de nouveaux récits, de nouvelles signatures démentes en cette rentrée littéraire. C’est très enthousiasmant, puisqu’on aurait pu partir du principe qu’avec l’explosion des réseaux sociaux, des nouveaux modes de consommation de “contenus”, les livres disparaîtraient. Comme si les uns s’opposaient aux autres.

Alors oui, la lecture tend à décroître, c’est certain. Mais l’appétence des auteurs et autrices, elle, ne faiblit pas. Des jeunes gens se disent toujours, aujourd’hui, que la forme littéraire est la mieux à même d’exprimer ce qu’ils et elles souhaitent dire, crier, hurler. Qu’il n’y a qu’à cet endroit-là qu’ils et elles peuvent le faire. Ça, c’est enthousiasmant. Non pas qu’il s’agisse de préserver une forme pour laisser un monde ancien intact, dans un mouvement nostalgique, voire conservateur. Non, il ne s’agit pas de ça, du tout. Mais plutôt de défendre un espace aux frontières très troubles, très poreuses, qui permet à l’écriture et donc à la lecture de surgir.

Personnellement, je ne connais pas beaucoup de sensations aussi fortes que celle de la lecture. Que ces mots sur une page qui me plongent instantanément dans la peau de quelqu’un·e, dans sa façon de réfléchir, de respirer, d’aimer, de souffrir, de voir. Ces mots sur une page qui me donnent à voir l’autre, enfin. Cette connexion avec un·e inconnu·e qui se crée, quasi instantanément, avec la langue qui n’est jamais la même, qui se déploie à des rythmes profondément différents.

Duras aimait Proust, car il lui permettait d’être Proust en lisant ses livres : “Proust, c’est moi lorsque je lis À l’ombre des jeunes filles en fleurs. C’est en cela qu’on pourrait dire que quand on lit Proust, on l’écrit, on a le sentiment de l’écriture, on participe, en somme, et au monde de Proust et à sa mise en œuvre. On rentre dans l’univers par les portes laissées ouvertes par lui.” * Rien à ajouter.

En cette rentrée littéraire, l’enthousiasme est donc là, foudroyant. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre en avant une “nouvelle vague” d’auteurs et d’autrices, dont les premiers ou second livres bousculent la matière, la pensée, le regard sur le monde que nous habitons. Des livres qui bien souvent sont des autofictions, la fiction permettant désormais d’emmener le récit de soi plus loin, plus fort. Comme le dit Rebeka Warrior, qui publie son premier livre : “Le réel n’existe pas quand on écrit. C’est impossible de réécrire le réel. Il est de facto déformé.” Autant de regards corrosifs, décalés, novateurs. Car, ne l’oublions jamais, la littérature est – tout autant que l’intime – politique.

C’est précisément ce qui m’a plu chez Salomé Lahoche, jeune autrice de BD découverte au détour de son compte Instagram avant que je ne dévore ses livres. En se racontant, Salomé Lahoche raconte une époque, avec ses paradoxes, sa violence politique… Je suis ravie qu’elle rejoigne ces pages avec une chronique mensuelle sous forme d’abécédaire piquant et touchant.

De politique, il est question dans notre grand entretien avec l’humoriste Malik Bentalha, qui s’oppose au système Bolloré, au tout-capitalisme, et défend avec ferveur la liberté d’expression. Interrogé sur le titre de son ouvrage Tu cherches quoi ?, Adrien Le Bot, l’un des auteurs de la rentrée, répond : “On cherche, je cherche, quelque chose, mais quoi ? C’est aussi une question dont j’aimerais qu’elle se retourne vers mon lectorat. Qu’est-ce qui alimente votre curiosité ? Qu’est-ce qui vous dérange dans toutes ces histoires, qu’est-ce qui vous fait rêver ?” Je me joins à lui pour vous adresser ces questions, à deux ans de la prochaine élection présidentielle.

* dans Le Dernier des métiers – Entretiens (1962-1991) de Marguerite Duras (Seuil).