SAUL LOEB / AFP
L’Ukraine a un mauvais souvenir de Budapest, proposée par Trump pour accueillir le sommet Zelensky-Poutine. (image d’illustration)
INTERNATIONAL – On prend les mêmes et on recommence ? Alors que la Maison Blanche pousse pour une rencontre Poutine-Zelensky, les Américains ont déjà un lieu d’accueil en tête… et il a tout pour déplaire aux Ukrainiens. Alors qu’Emmanuel Macron propose Genève et Vladimir Poutine Moscou, le président américain et ses équipes semblent avoir un faible pour Budapest, la capitale hongroise.
Interrogée mardi 19 août sur le sujet, la porte-parole de la Maison Blanche n’a pas annoncé la position officielle de Washington, refusant de « confirmer ou infirmer des lieux » pour organiser le sommet. Mais d’après deux sources anonymes du site américain Politico, Budapest « apparaît comme le premier choix » de l’exécutif américain, et ce choix semble assez logique.
Comme le souligne franceinfo, le Premier ministre Viktor Orbán est un allié de Donald Trump qui aurait bien besoin d’une « opportunité de rebond » à quelques mois d’élections législatives où il est fragilisé. Si son pays appartient à l’UE et à l’Otan, l’autocrate reste un pro-Russe assumé au sein d ces organisations loin d’être russophiles. Budapest pourrait donc proposer une forme de terrain neutre… à un gros détail près.
Un texte qui actait la dénucléarisation de l’Ukraine
Pour les Ukrainiens, la capitale hongroise reste associée au très mauvais souvenir du Mémorandum de Budapest, signé le 5 décembre 1994 par les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et l’Ukraine, trois ans après l’indépendance de cette dernière. Ce texte, rejoint plus tard par la Chine et la France, était censé garantir à Kiev une protection de ses frontières, tout comme l’accord que Donald Trump a promis à Volodymyr Zelensky en lui faisant miroiter des « garanties de sécurité ».
Mais pour bénéficier de cette protection théorique, l’Ukraine a dû faire une énorme concession : renoncer aux milliers d’ogives nucléaires soviétiques restées sur son territoire après la chute de l’URSS. Kiev est alors de facto la troisième puissance nucléaire mondiale. « Bien sûr, la Biélorussie et le Kazakhstan détenaient aussi des armes soviétiques, mais en quantité bien moindre », a relevé Polina Sinovets, directrice du Centre de non-prolifération de l’Université d’Odessa interrogée en février dernier par Mediapart.
Dans le cadre du Mémorandum, Kiev a accepté de transférer les ogives soviétiques à Moscou et d’intégrer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en tant qu’État non doté de l’arme. « À partir du moment où l’Ukraine renonçait aux armes nucléaires qui étaient stationnées sur son territoire et qu’elle les rendait à la Russie, elle se privait d’un instrument de dissuasion », relève le général Jérôme Pellistrandi, interrogé par BFMTV. « Donc, les grandes puissances de l’époque, y compris la Russie, se sont engagées à ne pas intervenir et à préserver la sécurité de l’Ukraine. »
« La Russie n’a pas tenu ses engagements »
Il suffit d’avoir allumé la radio ou la télévision au cours des dix dernières années pour savoir que l’accord signé à Budapest n’a pas été respecté. Une de ses limites est notamment qu’il ne prévoyait pas d’intervention immédiate des signataires en cas de violation. L’article 5 prévoyait seulement qu’ils « demand[ent] au Conseil de sécurité de l’ONU d’intervenir immédiatement » si l’Ukraine « faisait l’objet d’une agression ou d’une menace d’agression faisant appel à l’arme nucléaire ».
Les garanties données à Budapest en 1994 n’étaient donc que « limitées », avait souligné l’historienne Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie interrogée par Libération au début de l’invasion russe en 2022. « Le mémorandum avait une portée politique très importante » mais « ne prévoyait pas de mesure de rétorsion en cas de violation par l’une des parties », avait-elle insisté. Cet accord reste « un mauvais souvenir pour les Ukrainiens » qui « ont respecté [leurs] engagements alors que la Russie n’a pas tenu les siens et que les autres signataires n’ont pas pu la contraindre à la respecter » notamment avec l’annexion de la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass en 2014.
Un accord « qui n’a pas fonctionné un seul jour »
Ce sombre souvenir associé à Budapest n’a pas échappé à Donald Tusk, le Premier ministre polonais et ex-président du Conseil européen, qui s’est fendu d’un message sur X : « Budapest ? Tout le monde ne s’en souvient peut-être pas, mais en 1994, l’Ukraine avait déjà obtenu des garanties d’intégrité territoriale […]. À Budapest. » Et le responsable polonais d’ajouter, ironique : « Je suis peut-être superstitieux, mais cette fois-ci, j’essaierais de trouver un autre endroit. »
S’il n’a pas donné d’avis sur le lieu du sommet, Volodymyr Zelensky a déjà eu des mots très durs pour parler du Mémorandum de 1994. « L’Ukraine était sous pression des États-Unis et de la Russie », a-t-il dénoncé début janvier, affirmant même que les personnes à l’origine de l’accord méritent la « prison », selon The Kyiv Independent. Le 5 décembre 2024, pour le 30e anniversaire du Mémorandum, le président ukrainien a fustigé dans un message sur X que vous pouvez voir ci-dessous un « document qui n’a pas fonctionné un seul jour ».
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Dans cette même vidéo, Volodymyr Zelensky tire aussi des conclusions de l’expérience ratée de Budapest. « Cet échec a prouvé une chose au monde entier, assurait-il, une signature – les promesses ou les garanties d’un quelconque pays – ne suffit pas à assurer la sécurité ». Seules les « armes » et l’« unité » dans de « réelles alliances » permettent une protection, insiste-t-il dans ce qui ressemble à un avertissement pour l’UE, l’Otan et Washington.