Les boutiques de cookies fleurissent à Bordeaux : Batch, Pépite cookie, Tiki Bar, Happy Cookie, Be My Cookie, et depuis ce printemps, Charlotte à croquer. Sans compter My Cookie Factory, Jojo’s Dough et Ben’s Cookies qui ne sont pas d’origine girondine. Sur chaque devanture, des biscuits épais, des « rochers » lourds de 70 à 160 grammes, garnis à foison de pépites de chocolat ou de morceaux de Kinder. Les toppings changent d’une enseigne à l’autre, mais les prix, eux, avoisinent toujours les 3,50 € ou 4 euros.

Malgré la similarité de leur carte, ces commerces demeurent toujours aussi populaires, depuis que le premier, Be My Cookie, a ouvert en 2019. Certains inaugurent de nouvelles succursales, comme Pépite Cookie, fondé au Cap Ferret, qui a ouvert 15 nouveaux points de vente cette année. Et aucun ne se dit inquiet de la concurrence. « Ça va devenir comme les pizzas et les burgers », glisse, confiante Bérangère Train, fondatrice de Batch, la deuxième boutique à avoir ouvert sur le marché. Car toutes surfent sur plusieurs tendances : le côté « gourmand et réconfortant », personnalisable, et surtout, instagrammable du cookie.

Un client prêt à déguster son cookie provenant de chez Pépite Cookie, à Bordeaux le 14 août.

Un client prêt à déguster son cookie provenant de chez Pépite Cookie, à Bordeaux le 14 août.

Quentin Salinier/SO

Une bonne dose d’Instagram

« Nos clients sont nos meilleurs marketeurs, ils se filment avec des cookies et on reposte les stories », assure Bérangère Train. La recette du succès ne diffère pas : les cookies sont épais, croustillants à l’extérieur et quasiment crus à l’intérieur. Certains cherchent précisément à recréer les visuels qui font le buzz sur les réseaux sociaux. Des cookies que l’on casse en deux, laissant couler un fourré praliné ou révélant le beurre luisant et le chocolat encore fondant. Pour Lucas Laroque, vendeur chez My Cookie Factory, l’enseigne se démarque avec « beaucoup plus de toppings » que les autres. C’est d’ailleurs celle qui cumule le plus d’abonnés sur Instagram, atteignant les 34 000.

Tiki Bar en a fait un moyen de fidéliser sa clientèle, en plus de la classique carte de fidélité propre à chaque enseigne. La responsable, Nina Meunier, le confie : « On leur dit de nous identifier sur leurs stories, et à leur prochain passage, ils ont moins 10 %. » Et de préciser : « Les réseaux sociaux, il n’y a que ça qui marche, donc on essaie d’avoir un bon service client. » Ainsi se développe « un fort engagement de la communauté », décrypte Camille Royer, consultante marketing qui a travaillé sur le sujet du mono-produit.

« On leur dit de nous identifier sur leurs stories, et à leur prochain passage, ils ont moins 10 % »

Comme ces entreprises ont souvent de petits effectifs, ce sont régulièrement les fondateurs eux-mêmes qui alimentent le compte Instagram avec des photographies. Ils maîtrisent ainsi leur « image de marque », élément essentiel pour se démarquer de la concurrence. Selon Camille Royer, c’est « hyper important aujourd’hui : la dimension affective ». En clair : « Ce n’est pas juste j’achète un cookie, mais j’achète le cookie chez machin parce que je connais son histoire. »

Peu d’ingrédients

Derrière ces vitrines alléchantes se cachent pourtant des ingrédients divers. Certains affichant la source de leur produit : du chocolat provenant de Darwin pour Be My Cookie où tout est « bio et local », aux noisettes bio de Dordogne pour Charlotte à croquer, en passant par des produits français et raisonnés pour Pépite Cookie et Batch. Camille Royer analyse : « C’est une liste d’ingrédients ultra courte. Avec toujours la même base, vous massifiez vos approvisionnements. Qui dit massification, dit déjà simplification d’approvisionnement. » Ainsi le coût des matières premières leur revient entre 50 centimes et 1,20 € pour un cookie, selon les toppings. Ensuite, il s’agit de rémunérer l’équipe des pâtissiers, les vendeurs et de payer toutes les charges des locaux. D’autres, qui se fournissent chez le grossiste Metro, ne révèlent pas ces chiffres.

Chaque boutique peaufine sa recette durant de longs mois pour trouver l’équilibre souhaité entre sucré, beurré et chocolaté. Ensuite vient le minutage précis de la cuisson pour avoir à la fois le croustillant et le fondant. Une cuisson renouvelée toutes les deux heures dans les boutiques les plus consciencieuses. Certaines ont toute leur cuisine sur place, d’autres ont un laboratoire central dans la région girondine qui livre régulièrement leurs points de vente, comme Pépite cookie. Côté personnel enfin, dupliquer la recette est relativement simple. En cuisine, les pâtissiers n’ont pas tous de CAP en pâtisserie, mais ils sont bien formés à l’art du cookie.

Bartholomé Truchot, vendeur dans une des boutiques bordelaises de Pépite cookie, renouvelle les fournées de cookies tout au long de la journée.

Bartholomé Truchot, vendeur dans une des boutiques bordelaises de Pépite cookie, renouvelle les fournées de cookies tout au long de la journée.

Quentin Salinier/SO

Avec moins d’offres sur la carte, plus de crédit pour les clients. « Si ce n’est pas une chaîne, on leur fait confiance sur la qualité et le prix », clament Jean et Laurine, à la sortie de Tiki Bar. Un menu relativement réduit qui motive aussi certains acheteurs à « tous les goûter », comme à Happy Cookie. Toutes les boutiques proposant au moins un cookie du mois, souvent en fonction des toppings de saison. Un « indispensable » selon Camille Royer, pour toujours piquer la curiosité des clients.

Pour le goûter ou la pause déjeuner

Car le plus étonnant dans tout cela est l’inlassable attrait des clients, pour ne pas dire « addiction » comme Camille Royer. Les vendeurs remarquent 25 à 45 % de clients habitués selon l’emplacement des boutiques, en plus des touristes de passage dans le centre-ville bordelais. Avec une majorité de jeunes entre 15 et 30 ans, public également très présent sur les réseaux sociaux.

Si les boutiques ne sont pas vraiment concurrentes, c’est que la gourmandise se démocratise

Autrement, « on a de tout », se réjouissent la plupart des commerçants. « Des mamies qui prennent leur gourmandise avant d’aller au cinéma, des travailleurs du quartier qui finissent leur pause déjeuner sur une note sucrée, des familles qui se font un goûter le week-end », selon Bérangère Train, de Batch. Si les boutiques ne sont pas vraiment concurrentes, c’est que la gourmandise se démocratise.

Des pots de pâtes à cookie crues pour remplacer les pots de glace ? C’est ce que proposent Tiki Bar, Be My Cookie et Happy Cookie à Bordeaux.

Des pots de pâtes à cookie crues pour remplacer les pots de glace ? C’est ce que proposent Tiki Bar, Be My Cookie et Happy Cookie à Bordeaux.

Quentin Salinier/SO

La pâte à cookie, grand cru 2.0
Tiki Bar, Be My Cookie et Happy Cookie proposent des pâtes à cookie crues, avec, au choix, pépites de chocolat, bonbons, éclats de fruits secs ou de biscuits, et coulis. Une recette conçue, malgré tout, pour être digeste, au tarif variant entre 3 euros et 4,50 €. « Très tendance sur les réseaux sociaux », selon Lisa Dienda, vendeuse chez Be My Cookie, « ça marche très bien pour le public adolescent ». Peut-être est-ce le paroxysme de cette mode. Car selon Camille Royer, « le consommateur veut choisir ses toppings, il veut son propre type de produit ».