C’est une présence militaire qui s’est fait relativement discrète,
mais qui demeure bel et bien active. Depuis la chute de Bachar el-Assad,
qui a fui la Syrie le 8 décembre 2024 pour se réfugier à Moscou, la Russie, qui
faisait régner la terreur sur le pays, main dans la main avec le dictateur syrien, a cessé
ses bombardements réguliers de la population, mais conserve des bases
militaires.
Depuis mars 2025, la base aérienne de Hmeimim, au sud-est de
Lattaquié, ancien fief loyaliste et place forte de Moscou en Syrie, envoie et
reçoit régulièrement de nuit des avions-cargos transportant tantôt des troupes,
tantôt du matériel militaire, qui font la liaison avec l’aéroport de Qamichli, dans
le nord-est kurde, non loin de la frontière turque. Ce dernier a vu ses locaux d’hébergement
être agrandis au cours des dernières semaines, tandis que le périmètre de la
base était renforcé, comme le rapporte le magazine américain Forbes, reprenant une information du média local Syria TV.
Si les troupes présentes sur place sont relativement
limitées, l’armée russe ayant opéré des transferts de soldats et d’armes dans ses
autres bases de la région, en particulier en Libye, elle dispose d’hélicoptères d’attaque Kamov Ka-52 Alligator et de véhicules antiaériens de type Pantsir-S1 stationnés à
Qamichli.
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L’accord kurde en question
Ces transferts militaires, vraisemblablement coordonnés en
partie avec les Forces démocratiques syriennes (FDS), tenues par les Kurdes,
qui dominent cette région du nord-est et ne sont pas les plus heureux du nouveau gouvernement syrien
d’Ahmed al-Charaa, coïncide également avec le retrait des troupes états-uniennes, l’administration Trump ayant prévu de passer de huit bases
à une seule dans ce même nord-est de la Syrie.
Alors que l’accord du 10 mars 2025 passé entre le gouvernement
d’Ahmed al-Charaa et le chef des Forces démocratiques syriennes, le général Mazloum Abdi, qui vise une intégration des institutions
autonomes kurdes à l’État syrien, semble s’embourber, les mouvements russes peuvent
apparaître comme un potentiel levier de négociations pour chaque partie.
«Pendant la guerre civile, la présence russe –et
iranienne– à l’aéroport de Qamichli était probablement le symbole le plus
visible des relations ouvertes des Forces démocratiques syriennes avec la coalition pro-Assad, indique l’analyste indépendant Kyle Orton. Après la chute du régime,
cela a eu pratiquement le même objectif: offrir des options aux FDS, alors que
les Américains se dirigent vers la sortie.»
De son côté, Ahmed al-Charaa pourrait
utiliser l’argument d’une collusion entre les FDS et la Russie pour justifier
une confrontation directe sans brusquer les États-Unis. Quant à la Russie, qui
n’a pas intérêt à s’aliéner Ahmed al-Charaa, elle pourrait se saisir de l’occasion pour
tenter de jouer les médiateurs et regagner une marge d’influence sur les nouveaux
maîtres de Damas.