C’est dans l’intime, dans une poésie unique que le phénomène Nadau s’est bâti lentement. D’abord dans une France post-soixante-huitarde, qui se réveille groggy des Trente Glorieuses, certains n’ont pas vu les campagnes se vider…
C’est dans l’intime, dans une poésie unique que le phénomène Nadau s’est bâti lentement. D’abord dans une France post-soixante-huitarde, qui se réveille groggy des Trente Glorieuses, certains n’ont pas vu les campagnes se vider, la langue du sud disparaître peu à peu sous les injonctions de la modernité. Alors certains veulent désormais vivre au pays, garder le Larzac, mais aussi préserver cet occitan que l’on disait patois, et que l’on redécouvre comme une langue faite d’histoire, de littérature, et de poésie…
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D’un concert à la Foire de Pau…
À leurs débuts, « Los de Nadau », le groupe formé d’une rencontre à l’École normale de Tarbes entre Michel Maffrand, le prof de maths du Comminges, Jacques Roth et Ninon Paloumet la Moneinchone, deux instituteurs en formation, épousera ce mouvement teinté d’écologie, de gauche utopiste et de volonté de défendre la langue.
Ce sont ces débuts, la suite aussi, un virage pour devenir Nadau, un groupe débarrassé de quelques oripeaux militants, que raconte le livre que vient de faire paraître aux Éditions Sud Ouest (en partenariat avec La République des Pyrénées et l’Éclair), notre consœur Renée Mourgues. Nos fidèles lecteurs connaissaient déjà sa plume affûtée pendant plus de 40 ans dans nos journaux. Qui d’autre qu’elle pouvait raconter l’épopée tranquille de Nadau ? La première fois qu’elle les a croisés, c’était en 1974, lors d’un concert à la Foire de Pau qu’elle devait couvrir.
Un « magnétisme communicatif »
« Il s’agissait d’une couverture journalistique dont j’ignorais qu’elle revêtirait les formes d’une incroyable révélation. Car jusqu’à cette rencontre, la revendication des racines m’était, sinon étrangère, tout au moins abstraite comme d’ailleurs chez la plupart des jeunes gens d’une époque post-soixante-huitarde avide de lointain et d’ailleurs. Cependant, je n’y étais pas totalement insensible car je devais à mes parents des gènes gascons et occitans évoqués le plus naturellement du monde en famille mais sans plus », explique-t-elle.
Et pourtant, le charme agit… « Et à ma plus profonde surprise, Los de Nadau et leur magnétisme communicatif éveillèrent en moi une émotion inédite et l’envie de m’ouvrir davantage à cette culture qui coulait dans mes veines presque à mon insu ». Dès lors, elle suivra professionnellement le groupe régulièrement pour notre journal ou son plaisir. Une trentaine de concerts plus tard, dont les fameux Olympia qui ont forgé la réputation de Nadau, elle raconte avec précision et souffle l’incroyable longévité de cette aventure musicale. Dans le livre, on découvre le rôle de chacun, Joan, le poète, Ninou, le ciment des Nadau, « gardienne du temple, sentinelle, pivot et pilier ».
L’art de la chanson
De l’Immortèla à l’Encatada, elle suit les premiers pas, les querelles d’Hernani entre anciens et modernes au festival de Siros, l’importance de la défense de la langue, la première calandreta de Pau, dans les années 80, mais aussi les pas de côté vis-à-vis d’un militantisme linguistique, la quête d’un authentique dont Joan de Nadau n’a pas son pareil pour nous le restituer.
Au fil de longs entretiens avec l’âme du groupe, mais aussi tous les musiciens qui ont embarqué dans l’aventure, on suit le succès bâti lentement comme « Los de qui cau », qui avancent droits sur la terre. « Dans une société française que l’on put croire plus ou moins indifférente à ses propres racines, la trajectoire de Nadau constitue l’exemple du contraire et assurément la preuve qu’une attente est là… Pour peu que l’on sache parler aux gens qui vous écoutent. Indiscutablement, Joan et les siens possèdent cette qualité rare de toucher leur public au-delà des opinions, étiquettes, classes sociales et itinéraires personnels », résume encore Renée Mourgues pour expliquer l’exceptionnelle longévité d’un groupe incontournable par ici, et désormais connu et reconnu même au-delà de la Dordogne ou de l’Occitanie. L’autre facteur, c’est cette capacité à nulle autre pareille de la chanson de concentrer des émotions dans quelques vers et phrases musicales. Un art majeur, universel que Nadau maîtrise à la perfection.
La gloire des gens de peu
Les concerts du Zénith pour les cinquante ans du groupe ne laissent d’étonner et d’impressionner les observateurs. D’abord programmés sur 3 soirs, ils durent être doublés pour répondre à la demande. La preuve de ce lien intime entre Nadau et son public, le même lien qui unit encore de jeunes générations à une terre qu’ils ne travaillent pourtant plus, à une langue qu’ils ne parlent pas forcément, mais qui leur disent qu’ils sont d’ici.
La preuve aussi de la puissance poétique de Nadau qui a su comme personne parler et célébrer les « gens de peu » comme les appelait Pierre Sansot (un autre « sudiste »), ces gens qui « ne sont pas souvent dans le journal. Ils y sont deux fois, une fois quand ils viennent au monde, l’autre fois quand ils plient », comme les chante encore Nadau avec autant de tendresse que de justesse.
Présentation du livre de Renée Mourgues- Nadau réenchante l’occitan-
PYP
« Nadau réenchante l’occitan », par Renée Mourgues, Ed Sud Ouest, 190 pages, 29,90 euros. L’auteur sera en dédicace le 23 août de 10h à 13h à librairie Tonnet à Pau, le 27 août (10h-18h) à l’Espace culturel du Centre Leclerc de Saint-Paul-les-Dax, le 13 septembre de 10h à 12h30 et de 14h à 17h à l’Espace culturel du Centre Leclerc d’Orthez, le 2 octobre à partir de 18h : au café-librairie ‘’Danser sous la plume’’ (quartier du château) à Pau et les 15 et 16 novembre dans le cadre du Festival du Livre d’Oloron (salle Palas) sur le stand de l’association Livres sans frontières. D’autres dates sont à venir.