Pourquoi augmentez-vous vos capacités de formation (de 10 à 12 coureurs pour la Conti, de 8 à 10 pour l’équipe U19) ?

Dans tous les sports, on voit que la performance est de plus en plus jeune. Les coureurs s’entraînent avec de la data, des capteurs de puissance, ils font attention à la qualité de leur entraînement dès les cadets ou les juniors. On travaille avec des coureurs qui ont déjà cette rigueur. On renforce donc notre modèle pour répondre à ces attentes. Et puis, c’est l’ADN de l’équipe (sur les 27 coureurs de l’équipe WorldTour, 11 sont issus de l’équipe Conti). On se démarque avec un centre de performance à Besançon, l’équivalent, toutes proportions gardées, d’un centre de formation. Avec 12 coureurs, on reste raisonnable, mais on n’ira pas plus loin pour garder un travail qualitatif. Et on laissera toujours une place disponible dans la WorldTour si l’évolution va plus vite.

Combien de personnes gèrent ces structures jeunes ?

Certaines ressources sont mutualisées avec l’équipe World Tour. Mais on va dire une dizaine de personnes en moyenne : les entraîneurs, le scouting, la coordination, le team manager et puis des assistants, des mécanos… Évidemment, l’entraînement est le cœur du réacteur. Mais tout ce qu’il y a autour, la nutrition, la récupération, les autres formations, les langues.

Qu’est-ce que cela apporte ?

L’équipe Conti n’est pas un silo à part. Les coureurs vont faire des courses avec la World Tour. Donc, ils vont commencer à apprendre leur métier. Et une fois qu’ils ont le niveau pour passer à l’étape supérieure, on est certain d’avoir des coureurs qui s’adaptent immédiatement, autant sur la partie sur le physique que sur la personnalité, l’intégration dans le groupe, la cohésion, la connaissance du staff. Un coureur d’une autre équipe, on ne le connaît jamais vraiment à 100 %. Un coureur qui passe de la Conti vers la WorldTour, on le connaît à 100 %. Donc, on réduit cette incertitude.

N’est-ce pas votre moyen de lutter contre les grosses armadas avec des budgets bien plus importants ?

On pourrait penser que c’est un moyen de recruter moins cher mais non. On pourrait aller chercher des jeunes dans d’autres équipes de développement, dans des équipes amateurs en France ou à l’étranger et les salaires de passage en WorldTour seraient les mêmes. La seule différence, c’est qu’on connaît le coureur.

Le Châteaulinois Thierry Cornec a rejoint la Groupama-FDJ en juin 2024.Le Châteaulinois Thierry Cornec a rejoint la Groupama-FDJ en juin 2024. (Photo Jean-Saint-Marc)Vous formez aussi pour les autres équipes*…

C’est le jeu. On sait qu’on ne pourra pas tous les garder. Et ce n’est pas qu’une question de salaire, certains coureurs vont avoir des envies d’ailleurs. La majorité de ceux qui sont passés par notre Conti et qui sont actuellement dans d’autres équipes WorldTour ont apporté à la nôtre. En 2026, Maxime Decomble sera notre 20e coureur à passer de la Conti à la WorldTour.

Quand ils partent, vous ne récupérez pas un euro. Un système avec des indemnités serait-il plus juste ?

Je pense qu’on y va, tôt ou tard. La formation va devenir encore plus importante qu’auparavant. Et ce sujet arrivera comme dans les autres sports.

Après les équipes de développement, c’est au tour des équipes U19 de fleurir…

Tous les coureurs de notre effectif junior sont aussi licenciés dans leur club. On donne toujours la priorité au club, à la sélection régionale ou nationale, la Groupama-FDJ. On veut permettre à des coureurs très performants de faire des courses internationales. On travaille avec la FFC et l’UCI pour stabiliser et structurer ce modèle des équipes mixtes juniors pour ne pas qu’il y ait de dérive. L’année dernière, le CC Plancoët nous a demandé de ne pas prendre Eliott Boulet pour le Grand Prix de Plouay Junior, on a accepté tout de suite.

Vous piochez dans les rangs amateurs pour la Conti…

Les deux se complètent. Tous les ans, il y a des coureurs qui passent d’équipe amateur vers l’échelon professionnel. Dans notre Conti, on parle de 12 coureurs dont un tiers d’étrangers. Ça veut dire une petite dizaine de coureurs du vivier français, ça reste raisonnable.

Mais ils font partie des meilleurs amateurs.

Ça permet à d’autres, qui auraient peut-être été en deuxième ou troisième ligne, de se retrouver dans des équipes à des niveaux différents.

Le Paris Cycliste Olympique et Hexagone-Corbas Lyon ont décidé d’arrêter leur équipe N1 pour se tourner vers les U19. Le modèle amateur est-il obsolète ?

Je ne dirais pas qu’il est obsolète. Il nécessite de se restructurer pour répondre à cette situation du sport. Paul Seixas est passé directement de junior en World Tour, est-ce que ça continuera à se produire ? Ça indique la tendance. C’est aux différents niveaux de s’adapter. Nous, on s’est adaptés en créant la Conti il y a quelques années.

Et là, le monde amateur doit aussi s’adapter.

Professionnaliser les coureurs trop tôt peut-il entraîner des carrières plus courtes ?

C’est un véritable risque et on y est très attentif. C’est pour ça que cette Conti existe et qu’on leur apprend leur métier en étant certain de franchir les paliers étape par étape, de ne pas les griller et assurer une longévité plus importante dans ce sport. En allant trop vite, on risque de toucher à la santé mentale ou à de la fatigue excessive.

* Dans les équipes de premières et deuxièmes divisions mondiales, 27 coureurs sont passés par la Conti Groupama-FDJ (sept n’ont jamais porté le maillot de l’équipe WorldTour).