À l’image de ce que la chasse à la Chouette d’or a pu provoquer en France jusqu’à la résolution du mystère, d’autres énigmes créent une absolue fascination autour de la planète, poussant certains individus à sacrifier une partie de leur existence pour tenter de les décrypter. C’est le cas du mystère lié à la grande sculpture créée par l’artiste Jim Sanborn pour la CIA, installée en 1990 dans la cour du siège de l’agence de renseignement américaine, à Langley (Virginie), et qui est aujourd’hui encore l’objet de bien des interrogations.
Le magazine Smithsonian décrit une œuvre constituée d’un panneau de cuivre incurvé flanqué de bois pétrifié, où Jim Sanborn a gravé 1.735 lettres en désordre, le tout formant quatre messages codés. L’installation, connue sous le nom de Kryptos, a déjà dévoilé certains de ses secrets: trois des quatre messages ont pu être déchiffrés. Mais le quatrième et dernier, lui, résiste encore et il ne reste que quelques mois aux enquêteurs et enquêtrices du monde entier pour tenter de le décoder.
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En novembre 2025, Jim Sanborn prévoit en effet de vendre aux enchères la solution complète de Kryptos, dont la valeur est actuellement estimée à environ 500.000 dollars (près de 429.000 euros). Celle-ci inclura notamment les clés permettant de décrypter K4, le message jusqu’ici inviolable qui aurait «détruit des mariages» et aurait valu plus d’une menace de mort à son auteur, explique l’artiste au Washington Post.
Pour Jim Sanborn, il est temps de révéler la solution car il ne souhaite pas l’emporter dans sa tombe. «Je pourrais m’effondrer à tout moment, résume-t-il, et je serais plus serein si je savais que la situation était sous contrôle.» Dans une récente lettre ouverte, Jim Sanborn écrit que sa décision de vendre la solution a été difficile, mais nécessaire: «Je n’ai plus les ressources physiques, mentales ni financières.»
Juste une «iqlusion»
Les quatre codes, dont K4, sont le fruit d’une collaboration entre l’artiste et Edward Scheidt, ancien président du Centre de cryptographie de la CIA, qui s’étaient rencontrés «plus ou moins en secret». «Il m’a formé au code, aux codes modernes, aux systèmes de codage contemporains –du moins contemporains en 1988.»
Dans les trois premiers messages, ceux qui ont été décryptés, il est question de secret et de découverte. «Entre les nuances subtiles et l’absence de lumière se cache la nuance de l’iqlusion», disait le premier, la coquille sur le dernier mot étant volontaire. Le deuxième était «Langley est-elle au courant? Ils devraient: c’est enterré quelque part. X, qui connaît l’emplacement exact? Seulement WW.» Précisons que ces dernières initiales font références à William Webster, ancien président de la CIA, dont le siège se situe à Langley.
Quant au troisième message, qui comporte également des fautes délibérées, il s’agit d’un passage adapté du récit de l’égyptologue Howard Carter sur la découverte de la tombe de Toutânkhamon. En voici la version corrigée: «Lentement, désespérément lentement, les débris du passage qui encombraient la partie inférieure de la porte furent retirés. D’une main tremblante, j’ai pratiqué une minuscule brèche dans le coin supérieur gauche.»
Dès 2010, puis en 2014 et 2020, Jim Sanborn a fourni des indices aux détectives qui tentaient de résoudre le message K4, mais ceux-ci n’ont jamais suffi. Quotidiennement, il reçoit à son domicile des messages contenant des suppositions. Ceux-ci sont si nombreux qu’il exige désormais qu’un versement de 50 dollars lui soit effectué par chaque personne souhaitant lui soumettre ses théories.
Une fois K4 résolu, les quatre messages réunis permettraient d’obtenir une ultime phrase mystère, considérée comme la solution ultime de l’énigme. Sera-t-il possible d’y arriver avant le mois de novembre? C’est de moins en moins probable, mais l’urgence dans laquelle se trouvent désormais les participants de ce gigantesque jeu poussera peut-être certains d’entre eux à faire preuve de suffisamment de génie pour y parvenir.