Lorsque le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul a évoqué mardi (19.08.25) la domination chinoise devant des navires de guerre sur la base militaire japonaise de Yokosuka, il savait pertinemment où ces images seraient particulièrement mal perçues. En Chine, l’alliance germano-japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale n’est pas oubliée. Ainsi, lorsque Yohann Wadephul a reproché la veille à la Chine son « attitude agressive » dans la région, Pékin a réagi avec colère et mis en garde contre « l’incitation à la confrontation et aux tensions ».
Mais le chef de la diplomatie de l’Allemagne n’a pas varié dans ses propos. « Ni en Europe, ni ailleurs dans le monde, les frontières ne doivent être déplacées par la force », a-t-il déclaré au Japon.
La base de Yokosuka accueille des forces armées allemandes qui, dans le cadre d’une mission militaire multinationale, surveillent l’application et la coordination des sanctions maritimes imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies à la Corée du Nord. Des Américains, des Français, des Britanniques et des représentants d’autres nations y participent également. « L’Allemagne veut assumer davantage de responsabilités », a répété Yohann Wadephul à Tokyo, car « la rivalité systémique occupe une place de plus en plus importante dans nos relations ».
Le Japon est moins dépendant de la Chine
Le ministre des Affaires étrangères qualifie le Japon de « partenaire privilégié » de l’Allemagne en Asie. « Nous estimons qu’il est nécessaire d’assumer ensemble davantage de responsabilités en matière de politique de sécurité », a expliqué Yohann Wadephul. Il a également évoqué la protection des intérêts économiques.
Une douzaine de représentants économiques ont accompagné le ministre des Affaires étrangères au Japon.
« Notre question est la suivante : comment gérer les dépendances en matière de matières premières et de terres rares ? », interroge Arnd Franz, président du directoire de l’équipementier automobile Mahle, basé à Stuttgart dans le sud de l’Allemagne. Il n’y a que peu de fournisseurs, laisse entendre Arnd Franz qui poursuit : « La Chine joue un rôle très dominant dans ce domaine, qu’elle exploite à son avantage. » L’entreprise d’Arnd Franz produit huit millions de moteurs électriques par an. « Grâce à leur gestion des risques, les Japonais sont mieux préparés à cette situation, et nous en tirons des enseignements ici », souligne Arnd Franz.
Le Japon est beaucoup plus avancé dans la réduction de sa dépendance stratégique vis-à-vis de la Chine. Il n’importe plus que 60 % de ses terres rares de la République populaire. L’Allemagne, en revanche, en importe 90 % de Chine ; ce qui correspond à la part chinoise dans la production mondiale de ces matières premières.
Le Japon soutient l’Ukraine, la Chine soutient la Russie
Si le Japon est si prisé comme partenaire mondial par l’Allemagne, c’est aussi en raison de sa solidarité avec l’Ukraine. Tokyo a jusqu’à présent soutenu l’Ukraine à hauteur de 12 milliards d’euros et a imposé des sanctions à la Russie après l’invasion de 2022.
Pékin, en revanche, soutient « la machine de guerre russe », affirme le ministre Yohann Wadephul. L’Allemagne « défendra l’ordre international fondé sur des règles dans cette région également ». Le chef de la diplomatie allemande fait aussi référence au détroit de Taiwan. Ce dernier est une artère vitale du commerce maritime mondial et revêt une grande importance stratégique pour les nations commerçantes telles que l’Allemagne et le Japon.
De nombreux navires de guerre sont stationnés dans le Pacifique au large des côtes japonaises – les Etats-Unis et d’autres pays soutiennent le JaponSoeren Stache/dpa/picture alliance
La coopération renforcée entre l’Allemagne et le Japon en matière de sécurité remonte à l’accord de confidentialité signé par les deux pays en 2021. Depuis lors, leurs services de renseignement échangent des informations. L’engagement allemand dans la région indopacifique doit être renforcé par des visites occasionnelles de navires de guerre allemands dans les ports japonais et d’Eurofighters sur les bases militaires japonaises. En règle générale, ces visites ont lieu dans le cadre de manœuvres militaires conjointes.
Les industries de l’armement des deux pays souhaitent également renforcer leur coopération. Récemment, Rheinmetall, la plus grande entreprise allemande d’armement, a commencé la phase de test de plusieurs véhicules terrestres autonomes qu’elle doit construire pour des clients japonais. Et une entreprise japonaise doit désormais développer des éléments de propulsion pour le missile de croisière Taurus. De plus, un nouveau diplomate, attaché militaire, travaille depuis peu à l’ambassade allemande à Tokyo. Son domaine de spécialité : l’armement et l’approvisionnement.