Les deux artistes guyanais T2i et NouN exportent leur univers autour d’une figure mythique de Guyane. De Montréal à New York, puis jusqu’à Salvador de Bahia, leur création “Manman Dilo” poursuit sa métamorphose en dialogue avec les cultures des Amériques.

Depuis 2022, T2i et NouN explorent la légende de Manman Dilo, personnage mi-femme mi-poisson issu de l’imaginaire guyanais. Leur démarche artistique, nourrie par une esthétique hip-hop et des collaborations avec 35 artisans et métiers variés, propose une réinterprétation de ce mythe, tantôt malveillant à l’ouest de la Guyane, tantôt bienveillant dans les récits rourannais.

« Nous avons retravaillé ce personnage qui se révèle bienveillant selon ce qu’en racontent les gangans de Roura, alors qu’à l’Ouest elle est décrite comme malveillante et dangereuse. Nous avons voulu proposer un autre regard, une figure puissante, bienveillante, divine et imposante dans l’espace public », expliquent-ils.

Cette relecture prend désormais une dimension internationale. Leur périple démarre au Canada avec une dizaine de jours consacrés à la prospection et aux rencontres professionnelles afin d’ouvrir la voie à une future présentation de Manman Dilo à Montréal. « Nous allons pour commencer dix jours au Canada, faire de la prospection et des rencontres professionnelles pour pouvoir emmener prochainement Maman Dilo à Montréal », précisent T2i et NouN.

Ils poursuivront ensuite leur parcours à New York pour l’inauguration de l’exposition collective Amazonia Açu à l’Americas Society, en plein cœur de Central Park. Pour cette exposition ils sont à la fois artistes et curateurs. Dix pays amazoniens y sont représentés, dont la Guyane française à travers T2i, NouN et Johan Amira.

Après les États-Unis, le duo rejoindra Rio dans le cadre de Foto Rio. Ils y présenteront une partie de leur exposition au Centre culturel de la Justice fédérale, aux côtés d’autres photographes guyanais dans l’exposition collective Soleil noir. Mais c’est surtout à Salvador de Bahia que leur démarche prendra une nouvelle ampleur.

« L’étape à Salvador a été une des plus marquantes pour nous. Ce qui pourrait être l’équivalent au Brésil de Maman Dilo, Yemanja, est omniprésente dans l’espace public. En Guyane, on en parle peu, c’est une figure presque absente. »

Accueillis en résidence par la maison d’artistes Pivô, T2i et Noun mèneront pendant un mois une recherche autour des ponts entre Manman Dilo et Yemanja. « Nous voulons croiser nos regards, faire ressortir les similarités et les différences, mais surtout le bagage commun afro ancestral. »

Cette confrontation nourrit une réflexion plus large sur les enjeux universels. « Dans notre environnement très amazonien, nous pouvons aborder des sujets comme le rapport à l’environnement, la position de la femme, ou encore l’héritage afrodescendant. »

Pour les deux artistes, ce voyage n’est pas seulement un déplacement géographique, mais une manière d’élargir le champ symbolique de Manman Dilo. « Nous avons évolué, mûri, notamment dans notre rapport spirituel d’afrodescendants dans les Amériques et en Guyane », confient-ils.

De la Guyane aux grandes métropoles américaines, leur création continue ainsi de tisser des liens entre mythes, territoires et héritages, affirmant la place de l’art guyanais amazonien dans le dialogue culturel mondial.