Dans la jungle, terrible jungle…

D’après son réalisateur David Yates, ce Tarzan est un projet muri depuis dix ans, alors même que le cinéaste faisait consciencieusement ses classes en dirigeant les quatre derniers Harry Potter. On attendait par conséquent de cette aventure inédite de Lord Greystoke un véritable point de vue et une maîtrise technique typique des grosses productions menées par des artisans ayant montré leurs capacités à opérer sur de grosses machines Hollywoodiennes.

Malheureusement, ce film donne l’impression de naviguer à vue, ce qui est un chouia risqué en pleine jungle. Comme si le projet avait muté au cours de sa création, ou que le studio s’était progressivement désintéressé du produit. Si le personnage nous est un temps présenté comme un homme perdu, puissant, quoique ancré dans une tradition de cinéma classique (la caméra s’attarde sur son visage couturé de cicatrices, l’image montre ses mains énormes, et le traite clairement comme un prédateur), le film ne sait rapidement plus quoi faire du protagoniste.

Alexander SkarsgårdÇa en fait des abdos

TARZOUNE BEGINS

C’est que ce Tarzan aimerait se frotter aux super héros à la mode, mais ne parvient jamais à transformer le cœur de son intrigue, ou le fait avec une bêtise confondante. Englué dans des effets spéciaux manquant clairement de finition, Alexander Skarsgård se débat comme il peut avec un script faiblard, quand il ne pulvérise pas le sérieux de l’entreprise en singeant n’importe comment l’accent anglais.

Peu aidé par un Christoph Waltz qui joue avec la conviction d’un Patrick Balkany en plein conseil municipal, le personnage manque clairement de chair, voire de charisme. Que ceux qui priaient pour se retrouver face à un divertissement pulp, à l’écoute de l’héritage formidable du héros et de sa mythologie se fassent une raison, si le film assume son premier degré, il ne sait pas quoi en faire.

On le sent à la construction très artificielle du récit, qui enchaîne trop mécaniquement les vignettes à base de menace ou de confrontations animales, comme si le spectateur allait défaillir à la simple vision d’un hippopotame énervé. En témoigne un climax à la limite de l’absurde, dont l’élément de résolution est… une mitrailleuse lourde. Soit un contresens – le dernier d’une longue série – qui témoigne de l’incompréhension totale d’une mythologie pourtant simple, dont la dimension épique ne demande qu’à être embrassée.

Photo Djimon Hounsou… l’homme-puma, c’est toi ?

MOI TARZAN, TOI SUPER JANE

Malgré son scénario neuneu, ses effets spéciaux dignes d’un fond d’écran windows et sa réalisation impersonnelle, tout n’est pas à jeter dans Tarzan. Ainsi, la direction artistique impressionne souvent (les six semaines de tournage au Gabon se font clairement sentir) et le travail des décors se révèle aussi appréciable que spectaculaire. De même, on se surprend souvent à prier pour que le récit oublie le benêt sous stéroïdes joué par Alexander Skarsgård et se focalise sur Jane.

Photo Alexander Skarsgård, Margot RobbieMargot Robbie, super-Jane

Margot Robbie, qui lui confère une véritable énergie, ainsi qu’une énergie indiscutable, délivre sans doute la meilleure interprétation de cette femme, déjouant tous les stéréotypes. La partie du récit qui se focalise sur elle est la plus enlevée, la moins prévisible et la plus plaisante. On remerciera d’ailleurs ce Tarzan de prendre soin de son montage, et de veiller à ne pas ennuyer son spectateur, en adoptant un rythme extrêmement rapide, propice à l’idée d’aventure qu’il promeut.

Incomplet, ce Tarzan pensé comme la suite d’un film que nous ne verrons pas ne convainc jamais totalement. Et si certains de ses ingrédients parviennent à séduire, ils évoquent hélas un projet dont les versions se seraient accumulées, auteurs et intervenants, aboutissant à un ensemble incohérent, aussi plein de bonnes intentions qu’incapable de les atteindre.

Affiche française