À l’approche des commémorations du 22 août, le souvenir des jours décisifs qui ont mené à la libération de La Crau refait surface. Une histoire de peur, d’attente et de soulagement, gravée dans la mémoire locale.

Aujourd’hui disparu, Marcel Moutte, qui n’avait que 17 ans en 1944, nous avait confié en 2014 le récit poignant de ce qu’il a vécu au cœur de l’événement, depuis le domaine familial de La Marseillaise, alors réquisitionné par l’ennemi. Son témoignage, précieux, nous replonge heure par heure dans la bascule de l’Histoire.

« Les forces allemandes étaient fébriles »

Le 16 août 1944, l’écho du Débarquement de Provence, survenu la veille, est parvenu au domaine La Marseillaise, transformé en poste de commandement allemand, où l’ambiance a radicalement changé. « Les forces allemandes étaient fébriles », se souvenait Marcel Moutte. La nervosité est palpable. Le lendemain, 17 août, à 9 h, une violente explosion secoue la vallée : le pont sur le Réal Martin vient de sauter. Une tentative allemande de freiner l’avancée alliée et défendre la route vers Toulon.

Pour la famille Moutte, l’angoisse atteint son paroxysme le 18 août. Alors que les premières forces américaines et françaises sont signalées sur la rive gauche, venues de La Londe, un commando allemand fait irruption à la ferme. « Ils nous ont emmenés dans les collines, on a redouté le pire », racontait Marcel. La crainte de représailles, d’une exécution sommaire, hante ces quelques heures suspendues. Finalement, la famille est laissée saine et sauve. Un premier miracle.

Les combats font rage au Mont Redon

Le samedi 19 août, le décor change. Les Américains cherchent un moyen de franchir le Réal Martin. Un gué, près de l’écluse de Sauvebonne, leur est indiqué. La brèche est ouverte. Bientôt, les blindés et les hommes s’installent sur l’aire même du domaine La Marseillaise. Les canons sont immédiatement pointés vers le Mont Redon, où les troupes allemandes se sont retranchées. Dans la soirée, des renforts arrivent: les tirailleurs sénégalais de la 1re Division Française Libre.

La journée du 20 août est marquée par les combats. Des obus allemands s’abattent sur la Décapris et la Navarre. M. Moutte avec son ami Jean Vivier, traversant la rivière vers la Navarre, voit un obus tomber à 10 mètres sans éclater. Nouveau miracle. Les tirailleurs sénégalais lancent l’offensive sur le Mont Redon. Les combats feront rage, notamment pour la prise de la cote 101, où les hommes du Bataillon de Marche XI et du 22e Bataillon de Marche Nord-Africain se battront avec acharnement.

Au lever du jour, le 21 août, le silence est retombé sur le mont Redon. La batterie allemande ne répond plus. Dans la nuit, le génie a accompli des prouesses en construisant un pont provisoire. Les chars peuvent enfin traverser et se diriger vers La Crau. La dernière résistance allemande cède. Le 22 août, La Crau est enfin libre.

Le témoignage de Marcel Moutte nous rappelle que derrière la grande Histoire se cachent des destins, des familles qui ont tremblé et espéré. Son récit est aujourd’hui un héritage, un flambeau que les générations actuelles ont le devoir de porter.