En dépit d’un programme de lutte contre le feu voté en 2022, l’Espagne subit des feux de forêts inédits depuis 30 ans. Le gouvernement socialiste et les municipalités ancrées à droite s’accusent mutuellement de négligence.
Depuis début août, des incendies exceptionnels touchent plusieurs régions d’Espagne, notamment la Galice, Castille-et-León, Madrid, l’Andalousie et Murcie, et ont détruit plus de 370.000 hectares. Le parquet général a ouvert une enquête pour vérifier si les municipalités avaient mis en place les plans obligatoires de prévention contre les feux de forêt, fixés à la suite des feux de forêts de 2022. En parallèle, le Parti Populaire (droite) accuse le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez (gauche) de négligence, tandis que le PSOE critique les dirigeants régionaux du PP, selon le journal national El País .
Antonio Vercher, procureur spécialisé en matière d’environnement, a adressé lundi une note à tous les procureurs provinciaux, à laquelle le journal national El País a eu accès. Il y souligne que cette catastrophe est « due à l’absence ou à l’application défectueuse des plans de prévention». Si des zones à risque n’avaient pas appliqué ces plans, des poursuites pénales pourraient être engagées.
Vercher a également saisi le Seprona, unité de la gendarmerie, pour vérifier si les municipalités les plus touchées disposaient des plans exigés par la loi Montes de 2003, qui impose des dispositifs de protection dans toutes les zones à haut risque.
Des plans de prévention souvent absents ou incomplets
Depuis la terrible vague d’incendies de 2022, qui avait brûlé plus de 200.000 hectares et touché plusieurs régions d’Espagne, les municipalités situées en zones à risque auraient dû disposer de plans de lutte contre le feu. Ces plans indiquent concrètement quelles zones débroussailler, où installer des coupe-feu ou des citernes, combien de pompiers, camions et hélicoptères mobiliser, et comment organiser l’alerte et l’évacuation des habitants.
Cependant, trois ans après l’adoption de la loi, le gouvernement central n’a toujours pas fixé de critères communs pour toutes les régions, ce qui signifie que chaque plan peut être appliqué différemment et que beaucoup restent incomplets ou non opérationnels, comme le souligne le journal national espagnol El País .
Le 13 août, l’incendie de Tres Cantos, en banlieue de Madrid, a mis en lumière ces carences. Selon Greenpeace, la commune, pourtant en zone sensible, n’avait aucun plan de prévention. L’ONG tire la sonnette d’alarme depuis 2018. Elle accuse les administrations régionales et locales, d’être trop souvent muettes lorsqu’il s’agit d’expliquer leurs failles, selon El País.
À qui la faute ?
L’affaire prend une tournure politique. Le premier visé est le premier ministre socialiste Pedro Sánchez. Le chef du gouvernement, qui a mis dix jours à se rendre sur les lieux du sinistre, essuie des critiques sévères. Le quotidien de centre droit El Mundo a dégainé le premier, fustigeant une attitude «inacceptable». L’éditorial de ce journal s’adresse directement à Pedro Sanchez : «Les victimes et ceux qui luttent contre les flammes te paient ton salaire de ministre. Fais au moins semblant de te soucier d’eux».
À peine cette pierre lancée, une autre suit. Ester Muñoz, porte-parole du Parti populaire (droite espagnole), principale force d’opposition, dénonce à son tour « la passivité » du gouvernement, coupable selon elle de ne pas avoir mobilisé «toutes ses ressources au service des régions».
El País, journal de centre gauche, rétorque en pointant les gouvernements régionaux du PP (Partido Popular). Le journal critique le manque d’anticipation des gouvernements de Castille-et-León et de Galice, aux mains du Parti Populaire depuis des décennies, et où les incendies ont frappé avec une intensité particulière.
Ce bras de fer politique n’est pas nouveau. Lors des inondations de Valence en octobre 2024, le PP avait accusé Pedro Sánchez d’être responsable du drame, et lui avait renvoyé la faute sur ses adversaires à l’échelon régionale. Le même scénario se reproduit aujourd’hui avec les incendies. Le 17 août, Sánchez a proposé un «pacte national contre l’urgence climatique», mais l’opposition l’a rejeté en parlant de «manœuvre politique». De son côté, le gouvernement reproche au PP de bloquer les solutions communes.