Dexter est (encore) de retour dans Dexter : Resurrection, dont les deux premiers épisodes sont arrivés sur Canal +. ATTENTION : LÉGERS SPOILERS !
Depuis que le Boucher de Bay Harbor est revenu d’entre les bûcherons avec Dexter : New Blood en 2021, il est plus occupé que jamais. La série prequel Dexter : Les Origines, débutée fin 2024, s’intéressait à la jeunesse du tueur sous les traits de Patrick Gibson, et une deuxième saison est déjà en préparation. Mais en attendant, c’est bien Michael C. Hall, interprète original du personnage éponyme, qui est de retour dans Resurrection (tout comme il l’était dans New Blood) pour reprendre l’histoire là où on l’avait laissée.
Flanqué de Jack Alcott et David Zayas qui reprennent leurs rôles respectifs de Harrison et Batista (sans compter l’arrivée d’Uma Thurman, Peter Dinklage, Krysten Ritter et David Dastmalchian qui débarquent dans l’univers), l’acteur revient au centre d’une saison qui rebat les cartes en plaçant l’intrigue à New York. Les deux premiers épisodes viennent de sortir, et ça promet !
Il a repris du poil de la bêteOld New Blood
S’il y a bien un citron qui a été pressé jusqu’à la dernière goutte, c’est celui de Dexter, qui aura été, jusqu’ici, le héros des 8 saisons de la série originale, de deux saisons tardives et de la première saison d’une série prequel. Un long parcours qui n’aura pas été de tout repos, la crédibilité et la cohérence de l’écriture variant parfois beaucoup au fil des saisons, en luttant plus ou moins vaillamment pour ne pas tourner en rond. Pourtant, Dexter sous toutes ses formes a toujours réussi à rebondir et à maintenir le cap.
New Blood, notamment, avait fait office de jolie surprise après le final très décrié de la série originale. Et il se pourrait bien que Resurrection confirme l’incroyable longévité du personnage. Dès la première scène du premier épisode, qui montre Dexter balancer entre la vie et la mort et affronter les fantômes de son passé (ça règle vite la question des annonces de casting prédisant le retour de personnages comme le Trinity Killer sous les traits de John Lithgow ou Miguel Prado sous ceux de Jimmy Smits), le ton est donné.
Oui, la série continuera d’assumer ce type de séquences un peu grandiloquentes, un peu vulgaires, mais avec son second degré légendaire (Doakes revient le temps de dire son fameux “Surprise, motherfucker !” qui en a fait un meme sur internet).
Après un démarrage un poil incertain qui enchaîne les clins d’œil un peu lourds (on voit Harrison suivre une routine matinale qui rappelle à la fois le générique de la série originale et la scène culte d’American Psycho) et les répétitions de schémas éculés (Harrison répète, avec sa collègue et le fils de celle-ci, la dynamique que Dexter avait avec Rita, Astor et Cody), la série ne tarde pas à trouver ses marques.
Top Chef feat. Dexter
L’identité de Dexter est toujours là, et si les anciennes pièces maîtresses manquent toujours et restent irremplaçables (notamment Debra et Rita), Resurrection compense avec un début de galerie de personnages chamarrée.
Parmi eux, une nouvelle enquêtrice redoutable incarnée par Kadia Saraf, qui promet d’être une adversaire de taille pour Dexter ; une mystérieuse femme de main intraitable qui n’est autre qu’Uma Thurman (dans ce qui pourrait être une version alternative de Black Mamba si elle avait continué à travailler pour Bill) ; un nouveau tueur particulièrement cruel qui cisaille la tête des conducteurs de taxi avec un fil à beurre ; un sergent Batista de retour, cette fois-ci beaucoup moins jovial et bien déterminé à coincer Dexter pour le meurtre de Maria LaGuerta.
Ça en fait, du monde, et ce n’est sûrement pas fini, puisqu’on attend encore l’arrivée de Peter Dinklage, Krysten Ritter, Neil Patrick Harris et David Dastmalchian.
Uma Thurman en rôle secondaire d’une série télé ? Oui, mais quel rôle !Harry, un fantôme qui vous veut du mal
Si le ton qui frôle parfois le grotesque assumé est toujours là et qu’on l’aime toujours autant, Resurrection a aussi le bon goût de moderniser l’esthétique de la série, comme le faisait déjà New Blood. Même les plus grands fans de Dexter doivent reconnaître que la série originale pâtissait d’une image particulièrement laide, à l’instar de beaucoup de séries des années 2000 filmées comme des téléréalités MTV. Une esthétique que Les Origines a malheureusement tenté de reproduire.
Resurrection développe au contraire un look bien à elle, avec une photographie léchée qui met la ville à l’honneur (New York était à elle seule la nouvelle star de cette saison), avec un travail non négligeable sur les couleurs, notamment le rouge et le vert. En plus d’être toujours haletante et fun, Dexter est donc devenu agréable à l’œil, et ce n’est pas un petit progrès.
Ce qui est moins un progrès, c’est la répétition (assez attendue) des questionnements intérieurs du serial killer. “Faut-il que je fasse ingérence dans la vie de mon fils ou faut-il que je lui foute la paix après qu’il m’a tiré une balle dans la poitrine ?”, “Suis-je dépourvu de sentiments ou est-ce que j’ai simplement la flemme de faire du small talk ?”, “Mon code de tueur est-il un outil libérateur ou une prison ?”, “Ai-je droit à la vie de famille ou vais-je encore causer la mort de tous ceux que j’aime ?”…
Des dilemmes qu’on connaît par cœur depuis quasiment le premier épisode de la saison 1, et dont on a malheureusement trop accepté que la série les ressasse indéfiniment dans des dialogues qui font office de remplissage entre les péripéties dignes de ce nom. Resurrection ne parvient pas à renouveler la formule, sans doute de peur de perdre l’identité de la série en changeant ses problématiques.
Harrison en pleine reprise de l’entreprise familiale
Ainsi, l’éternel fantôme de Harry (dont le spectateur doit faire semblant de ne pas voir qu’il a pris vingt ans dans la vue depuis le début de la série) continue de tenir la jambe de son fils et de changer d’avis comme de chemise : “laisse ton fils tranquille, tu n’apportes que malheur et destruction” vs “ton fils a besoin de toi, va t’en occuper fissa”, le tout environ 5 fois par épisodes, dans une variante ou dans l’autre en fonction de ce que réclame le scénario.
Une partie du public moins patiente et épuisée par ces tours en rond risque de ne pas pardonner à Resurrection de n’avoir pas trouvé un autre gimmick.
Blessing Kamara (Ntare Mwine) et sa famille : de nouveaux amis en or beaucoup trop patients avec DexterDark passenger vs Dark passenger
Heureusement, deux éléments nouveaux amorcés dans ces deux premiers épisodes aident à souffler un vent de renouveau sur la série. Toujours plus repoussé dans ses retranchements et dans l’introspection au fil des saisons, Dexter doit cette fois-ci se mesurer à un tueur qui a pour nom… le Dark Passenger (le “passager noir” étant le surnom que Dexter donne à sa part sombre).
Une façon littérale et assez drôle d’extrapoler cette soi-disant identité double à laquelle Dexter se raccroche ou dont il se détache au gré de ses tourments. C’est le prétexte pour la série d’y aller franco dans la noirceur, puisque le modus operandi du Dark Passenger est plus cruel, violent et arbitraire que tous les meurtres que le psychopathe “éthique” a pu commettre jusque-là.
Batista, un personnage qui gagne enfin en profondeur
À voir si la Resurrection choisit de pousser plus loin ces métaphores psychanalysantes à travers un affrontement entre passager noir et Passager Noir. L’autre joli retournement, c’est celui de Batista, qui prolonge ici son parcours de New Blood et pourrait bien devenir le grand “méchant” de cette saison. Adieu l’addiction aux chemises ignobles et aux cocktails sur la plage, le sergent se veut désormais ange vengeur des êtres chers qu’il a perdus, comme il l’a deviné, aux mains de Dexter.
Il est trop tôt pour dire comment cette histoire se finira, mais si Batista était finalement celui qui fait payer ses crimes à Dexter, ce serait une jolie façon pour la série de boucler la boucle. Voilà en tout cas deux épisodes qui souffrent des défauts attendus, oui, mais qui créent surtout la surprise grâce à des qualités inattendues. Ces dernières l’emportent, et il se pourrait bien que Resurrection devienne, lors des épisodes suivants, l’une des (très ?) bonnes occurrences de Dexter.