« À l’heure actuelle, les signaux envoyés par la Russie sont tout simplement indécents. Ils essaient de se soustraire à la nécessité d’organiser une réunion » a tonné Volodymyr Zelensky ce jeudi 21 août. Depuis quelques jours, les Etats-Unis et les alliés européens de l’Ukraine s’activent autour de l’organisation d’une rencontre entre Vladimir Poutine et le président ukrainien, destinée à trouver une issue à la guerre provoquée par l’invasion russe. Une réunion bilatérale qui a semblé dans un premier temps accueillie unanimement… Jusqu’à la réponse russe.
Dans les mots, comme dans les actes. Les Russes « poursuivent leurs attaques massives contre l’Ukraine et leurs assauts féroces le long de la ligne de front », a annoncé le président ukrainien jeudi. La Russie a effectivement lancé dans la nuit de mercredi à jeudi une attaque massive sur l’Ukraine, utilisant 574 drones et 40 missiles, selon l’armée de l’air ukrainienne, un nombre record depuis la mi-juillet. Ces frappes ont fait deux morts et ont aussi largement détruit une entreprise américaine située dans la ville de Moukatchevo. Le message est on ne peut plus clair pour Paris, qui a dénoncé jeudi une « absence de volonté » de la Russie de mettre fin à la guerre.
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C’est Donald Trump qui avait annoncé avec enthousiasme la préparation d’une rencontre entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine, après s’être entretenu avec le chef de guerre russe en Alaska la semaine dernière puis le dirigeant de Kiev lundi à la Maison-Blanche. Mais la participation des belligérants semble encore loin d’être acquise, et le ton de leurs commentaires publics ne cesse de se détériorer. Si Vladimir Poutine est censé avoir accepté le principe que cette rencontre puisse un jour exister, ce qu’il refusait jusque-là, ni date ni lieu n’ont été annoncés, et Moscou a souligné mercredi qu’un tel sommet devait être « préparé avec le plus grand soin ».
Volodymyr Zelensky, de son côté, a déclaré vouloir comprendre « l’architecture des garanties de sécurité d’ici sept à dix jours » — sous entendu, avant toute rencontre — en référence au mécanisme de protection militaire conjoint sol-air que devraient bientôt lui proposer les Européens et les États-Unis. Car Kiev considère que, même si une issue est trouvée à cette guerre, la Russie tentera encore de l’envahir à l’avenir, d’où l’importance de ces garanties.
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Le sujet de ces garanties est justement au cœur de la sensibilité défensive de Moscou. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a averti jeudi que tout déploiement d’un contingent militaire européen en Ukraine serait « inacceptable ». Face à l’impatience ukrainienne de connaître ces garanties avant toute rencontre, Sergueï Lavrov a également jugé que « le régime ukrainien et ses représentants montrent avec toute évidence qu’ils ne sont pas intéressés par un règlement juste et durable ». « Pour l’instant, nous ne voyons qu’une escalade agressive de la situation et des tentatives plutôt maladroites de changer la position du président des États-Unis » a-t-il tancé à l’adresse de l’Ukraine et des Européens.
Vladimir Poutine n’a aucune raison d’acquiescer
Pour certains observateurs, Vladimir Poutine est encore très loin d’accepter de s’asseoir en face du président ukrainien. Accepter cette rencontre en direct avec celui qu’il a présenté comme un nazi ou encore une marionnette illégitime de l’Occident serait pour le maître du Kremlin « un énorme renversement de ton qui serait difficile à expliquer au peuple russe », juge ainsi CNN dans un article d’analyse. En mai dernier déjà, rappelle la chaîne de télévision américaine, « c’est Zelensky qui s’est rendu en Turquie pour les premiers pourparlers directs entre les deux parties à la mi-mai, seulement pour que Poutine envoie une délégation dirigée par un auteur de manuels historiques ». Cette fois, le président ukrainien a proposé la Suisse, l’Autriche ou la Turquie pour une éventuelle rencontre. Il a en revanche écarté la Hongrie, jugée trop proche du Kremlin.
Autre point de blocage pour Moscou : le refus répété de Volodymyr Zelensky de mettre sur la table de négociation les exigences directes de la Russie, qui pourraient être l’un des seuls facteurs à motiver une rencontre. Parmi elles, la question de l’abandon de territoires ukrainiens comme le Donetsk, exigé par Vladimir Poutine en rançon pour arrêter la guerre. Face à ce refus, Vladimir Poutine « ne risquera pas une ’embuscade’ en s’asseyant avec Volodymyr Zelensky pour trouver toutes ses demandes rejetées » estime encore CNN.
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La chaîne progressiste américaine rappelle par ailleurs que « Poutine n’a aucune raison d’acquiescer à ce stade » : « N’ayant fait aucune concession, il a été récompensé par un grand sommet en Alaska, l’abandon d’une demande de Donald Trump de signer un cessez-le-feu avant des pourparlers de paix, et l’effondrement de tous les ultimatums de sanctions à ce jour ».
Deux semaines pour y voir plus clair
À ce stade, même les moins mesurés commencent à tempérer leur enthousiasme. Très satisfait de sa rencontre avec Vladimir Poutine le 15 août, Donald Trump a reconnu jeudi qu’il n’en saurait davantage sur les chances de paix que « dans les deux prochaines semaines ». « Après cela, nous devrons peut-être adopter une approche différente », a-t-il estimé sans plus de détail.
Le président américain a déjà mis en garde les deux chefs d’Etat. Si une telle rencontre se poursuit, « j’espère que le président Poutine sera bon, et s’il ne l’est pas, ce sera une situation difficile », a déclaré Donald Trump mardi. « Et j’espère que le président Zelensky fera ce qu’il doit faire. Il doit également faire preuve d’une certaine flexibilité », a ajouté le locataire de la Maison-Blanche. Car comme le souligne l’autre chaîne américaine ABC, « le simple fait de réunir les deux présidents dans une pièce serait une réussite majeure, mais – avec des centaines de milliers de morts et l’avenir des deux pays en jeu – cela pourrait ne pas produire un résultat positif ».