En règle générale, un vaccin contre le cancer agit selon le même principe qu’un vaccin traditionnel. © Adobe Stock
Le cancer du pancréas reste l’un des cancers les plus redoutés. En France, environ 5 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Le taux de survie à cinq ans est inférieur à 10 % selon l’INCa (Institut national du cancer). Le cancer colorectal, plus fréquent avec près de 45 000 nouveaux cas chaque année, est mieux pris en charge mais demeure une cause majeure de mortalité.
Ces cancers partagent un point commun. La présence fréquente de mutations du gène KRAS, impliqué dans la croissance et la survie des cellules tumorales. Ces mutations rendent les cellules cancéreuses résistantes aux chimiothérapies classiques, ce qui explique la difficulté à améliorer le pronostic.
Face à ce constat, la recherche explore des stratégies innovantes, et le vaccin expérimental ELI-002 2P semble représenter une lueur d’espoir pour les patients à risque de rechute après chirurgie.
ELI-002 2P : comment fonctionne ce vaccin ?
Contrairement aux vaccins traditionnels, l’ELI-002 2P n’est pas destiné à prévenir la maladie avant son apparition. Il est conçu pour stimuler le système immunitaire pour qu’il attaque les cellules cancéreuses déjà présentes, notamment celles qui échappent aux traitements.
Il cible les mutations G12D et G12R du gène KRAS, présentes dans environ 90 % des cancers du pancréas et 50 % des cancers colorectaux. Le vaccin utilise une technologie amphiphile, qui dirige les antigènes directement vers les ganglions lymphatiques, où les cellules immunitaires se forment et se multiplient.
En pratique, cela signifie que le système immunitaire apprend à reconnaître et à détruire les cellules tumorales spécifiques porteuses de ces mutations, réduisant le risque de récidive. L’un des grands avantages de ce vaccin est qu’il est “prêt à l’emploi” et standardisé, contrairement aux thérapies personnalisées à ARN messager qui nécessitent une production sur mesure pour chaque patient. Cela pourrait permettre un accès plus large, plus rapide et moins coûteux.
Les résultats de l’essai clinique de phase 1
L’essai AMPLIFY-201, publié dans Nature Medicine, a inclus 25 patients ayant subi une chirurgie pour un cancer du pancréas ou du côlon, présentant des traces d’ADN tumoral circulant, indicatif d’un risque de rechute.
Après un suivi moyen de 20 mois, les chercheurs ont observé :
- Réponse immunitaire : 68 % des patients ont développé une réponse immunitaire spécifique aux cellules tumorales porteuses de KRAS.
- Survie sans rechute : pour les patients ayant une réponse immunitaire forte, la survie médiane sans récidive n’a pas été atteinte, tandis que les patients avec réponse plus faible avaient une survie médiane de 3 mois.
- Survie globale : la survie médiane globale était de 28,9 mois, supérieure aux données historiques pour ces cancers.
- Disparition complète des biomarqueurs tumoraux : 24 % des patients ont vu leurs biomarqueurs tumoraux disparaître complètement, ce qui est un indicateur très positif d’efficacité.
Ces résultats sont particulièrement encourageants, car ils montrent que le vaccin peut induire des réponses immunitaires durables et réduire le risque de rechute chez des patients à haut risque.
Vaccin expérimental : quelles suites pour cette révolution? Pourquoi ce vaccin est-il une révolution potentielle ?
Plusieurs points font de l’ELI-002 2P un candidat prometteur :
- Accessibilité et rapidité : la production standardisée facilite la distribution et réduit les coûts par rapport aux vaccins personnalisés.
- Ciblage précis : en attaquant les mutations KRAS, le vaccin agit directement sur les cellules tumorales responsables de la progression et de la résistance.
- Durabilité de la réponse : les données montrent que la réponse immunitaire peut se maintenir dans le temps, un facteur clé pour prévenir les rechutes.
Comme le souligne le Dr. William Tap, chercheur principal de l’essai, « ce vaccin pourrait transformer la prise en charge post-chirurgicale des cancers du pancréas et du côlon, où les options restent très limitées ».
Les perspectives : la phase 2 et au-delà
Un essai clinique de phase 2 est actuellement en cours, visant à confirmer ces résultats sur un plus grand nombre de patients et à comparer l’efficacité du vaccin par rapport à l’absence de traitement. Les premiers résultats sont attendus en 2026.
Parallèlement, une version améliorée, l’ELI-002 7P, qui cible un plus large éventail de mutations KRAS, est en développement. Si ces essais confirment l’efficacité observée en phase 1, le vaccin pourrait devenir un outil majeur dans la prévention des récidives de cancers du pancréas et du côlon, apportant un vrai changement dans le pronostic de ces maladies.
À SAVOIR
Le ctDNA (ADN tumoral circulant) permet de détecter très tôt les traces de cancer dans le sang après une chirurgie, même si l’imagerie est normale. Dans l’essai ELI-002 2P, il a aidé à identifier les patients à risque de rechute et à cibler le vaccin là où il serait le plus efficace.
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