Il ne suffit pas toujours d’avoir une bonne histoire pour faire un bon film. Mais c’est le cas du premier long métrage d’Enya Baroux (la fille du comédien et réalisateur Olivier Baroux), On ira, qui nous entraîne dans un quiproquo où se jouent et se déjouent les malaises liés à la mort. Un film familial qui émeut aux larmes.
Marie (Hélène Vincent), 80 ans, souhaite partir en Suisse pour obtenir le suicide assisté, après avoir appris que son cancer du sein a récidivé. Seul son auxiliaire à domicile, Rudy, est au courant de son plan. Plutôt que d’annoncer sa mort imminente à son fils, Bruno, et à sa petite-fille, Anna, elle invente un héritage à récupérer en Suisse, afin de les convaincre de partir tous ensemble en autocaravane (ou « camping-car », comme disent les Français).
On ira est un film sur la mort dans la dignité, mais aussi et surtout sur l’incommunicabilité au sein d’une famille. Durant ce voyage, qui est le dernier pour Marie, Rudy (qui conduit le véhicule) agit comme un traducteur, comme un liant, pour ces différents personnages qui ont tous des secrets et qui ne parviennent pas à se livrer tel qu’ils sont. Bruno, fils irresponsable et immature, se complaît dans ce rôle de l’enfant materné, tandis qu’Anna, en crise d’adolescence, montre une sagesse et une sensibilité plus aiguisée. Le film capte ainsi, avec beaucoup de justesse, le moment où les rôles familiaux se renversent et où les générations apprennent, bon gré mal gré, à se livrer avec sincérité.
Tous ces personnages ont une chose en commun, c’est qu’ils sont profondément attachants. Il faut dire que l’excellente direction d’acteurs y joue pour beaucoup. Au cœur du film, Hélène Vincent nous touche droit au cœur avec un jeu empreint d’une grande tendresse, mais aussi d’une détermination à accomplir ses dernières volontés (elle rappelle la douceur d’une Andrée Lachapelle). Quant à Pierre Lottin (Rudy), il incarne avec humour et bienveillance un homme simple, discret mais essentiel, qui permet à l’histoire de tenir debout.
La joie de vivre
Si le sujet du film est grave, le traitement ne l’est pas. La réalisatrice réussit à nous happer dès les premières images dans ce film joyeux et drôle. Elle campe les personnages rapidement, sans effort. On accepte d’emblée le pari et on la suit jusqu’à la fin, portée par un excellent rythme. L’émotion arrive au détour de scènes comiques, sans que ce soit appuyé. C’est une des forces de ce premier film d’Enya Baroux : faire rire de ce dont on a le plus peur et laisser surgir les larmes presque à notre insu.
La direction photo est très lumineuse, comme le film d’ailleurs. Des cadres dégagés, des plans forts (comme celui de Marie qui essaie sa dernière robe). Ces moments de complicité et de joie au sein de la famille donnent à ce road-movie une légèreté inattendue. La réalisatrice préfère la simplicité à l’esbroufe, et c’est ce qui rend le film d’autant plus touchant : une mise en scène qui ne cherche pas à briller, mais à faire confiance à ses personnages.
La réalisation opte pour un style assez convenu. On assume le pathos, avec la magnifique bande sonore originale conçue pour violoncelles par Dom La Nena. Une morale avec quelques leçons sur le sens de la vie, amenée par le culte de Bruno pour Mohamed Ali. Beaucoup de fils sont tenus jusqu’à la fin, ce qui est honorable. Or, On ira ne réinvente pas la roue — on pense notamment à Little Miss Sunshine et à d’autres films du même genre. Mais c’est simple, bien fait, bien amené. Et cela va droit à l’essentiel.
On ira
★★★ 1/2
Comédie dramatique écrite par Enya Baroux, Martin Darondeau et Philippe Barrière et réalisée par Enya Baroux. Avec Hélène Vincent, Pierre Lottin et David Ayala. France, 2025, 97 minutes. En salle.
À voir en vidéo