Par

Emilien Jacques

Publié le

22 août 2025 à 17h14

En 2022, Victor Castanet, journaliste indépendant, publiait le livre Les Fossoyeurs, dans lequel il décrivait les maltraitances que subissent les personnes âgées au sein des établissements du groupe d’Ehpad Orpea, mettant la lumière sur des dérives qui, bien souvent, sont les conséquences d’une optimisation des coûts et d’une course aux profits. À cette époque, l’AQVAD 276, qui fait le lien entre les établissements abusifs et les familles des résidents parfois mal informés, était en veille à cause des problèmes de santé de son président, Jean-Marie Le Fortier. Aujourd’hui, il est de retour aux affaires et l’association reprend du service.

Améliorer la qualité de vie

La voix des personnes âgées vivant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est rarement entendue. Isolés ou esseulés par manque de famille, ou parce que cette dernière porte peu d’attention ou n’est pas suffisamment informée, les résidents sont souvent impuissants face aux dysfonctionnements dont ils sont victimes dans certaines structures.

Pour tenter d’améliorer leur qualité de vie lorsqu’elle est remise en question, l’AQVAD 276 a été créée en 2024 et intervient, depuis, dans les établissements des départements de l’Eure et de la Seine-Maritime. Les adhérents de l’association ne sont pas les résidents eux-mêmes mais un membre de la famille ou un ami qui va les représenter.

« L’association permet aux enfants, parents ou amis qui cotisent pour un résident dans un Ehpad de nous solliciter pour intervenir dans l’établissement concerné », explique le président Jean-Marie Le Fortier. « Nous nous occupons de la qualité de vie au quotidien, mais pas des questions de santé, nous n’avons pas les compétences pour cela », précise-t-il.

Le collectif va se pencher sur les soins corporels apportés aux aînés, leur nourriture, leur linge, les pertes d’objets (dentiers, lunettes…), et même les factures. Ils constatent trop souvent des anomalies portant atteinte au bien-être des résidents, et vont défendre leur cause auprès des directions, qui se montrent alors bien peu coopératives.

Un caillou dans la chaussure des Ehpad

« Pendant 15 ans j’ai assisté aux Conseils de Vie Sociale en tant que président ». Jean-Marie Le Fortier parle là de réunions organisées trois fois par an par les Ehpad, en présence des résidents, du personnel de l’établissement et de la direction. Des Conseils de Vie Sociale qui sont censés permettre aux résidents de faire part des problèmes rencontrés au quotidien.

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Mais, seuls face à la direction et sans représentants, leur parole manque de poids et est souvent ignorée selon l’AQVAD. C’est pourquoi il était primordial pour l’association d’assister à ces conseils. Cependant les temps ont changé et le traitement des personnes âgées au sein des Ehpad est de plus en plus opaque.

Ils n’ont pas d’intérêt à nous recevoir car ils ont des choses à cacher.

Jean-Marie Le Fortier, président de l’AQVAD 276

« On a du mal à se rendre dans les Conseils de Vie Social car c’est plus facile pour les établissements de gérer les problèmes eux-mêmes », selon Eric Billard, secrétaire de l’AQVD, qui fait comprendre que les membres de l’association ne sont plus les bienvenus. « Ils ne souhaitent pas nous voir, ils préfèrent nous fermer les portes », affirment Jean-Marie Le Fortier. Pour lui, la raison est évidente : « Ils n’ont pas d’intérêt à nous recevoir car ils ont des choses à cacher », en déduit le président.

De graves négligences

Aujourd’hui, l’objectif de l’AQVAD est d’attirer l’attention sur ce qui se passe à l’intérieur des Ehpad. Car selon eux, les choses vont en s’aggravant, et certains exemples cités par l’association tiennent clairement de la maltraitance : « Il y a des résidents à qui ont fait prendre une douche une fois par an », affirme Jean-Marie Le Fortier. « On s’aperçoit qu’il y a une trop longue période de jeûne entre le soir et le matin. La réglementation qui interdit plus de 9h entre les repas n’est pas toujours respectée », rapporte-t-il encore. Et concernant les incontinences : « On nous dit qu’il y a trois, quatre protections par jour, c’est faux. Il n’y a que deux protections dans certains établissements ».

Des situations graves, parfois rapportées à l’Agence Régionale de la Santé (ARS) qui procède alors à des contrôles dans les établissements mis en cause. Mais la loi exige qu’ils soient prévenus en amont de la visite de l’inspecteur de l’ARS. « Quand l’inspecteur de l’ARS arrive sur place, comme par hasard tout est nettoyé, tous les problèmes sont réglés », déplore Yves Boursier, vice-président de l’AQVAD.

Un manque de moyens ?

Au sein des Ehpad , le constat des mauvais traitements va souvent de pair avec celui du manque de personnel. Les établissements n’auraient-ils pas les moyens d’embaucher assez d’agents pour assurer la bonne qualité de vie de leurs résidents ? « Pour les établissements les moins chers, c’est environ 2700 euros par mois par résidents », dit Jean-Marie Le Fortier. « Un résident ne coûte pas plus de 7 euros de nourriture par jour. Il y a les moyens », conclut-il. Eric Billard continue : « Nous pensons qu’il y a une suradministration, mais les gens sur le terrain ne sont pas assez nombreux », assure le secrétaire.

L’AQVAD est engagé dans un combat difficile et de longue haleine, mais sait qu’elle n’est pas seule : « Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer, il y a d’autres associations », confirme Yves Boursier.

Et comme les autres associations, l’AQVAD appelle toutes les familles, amis, ou aidants de résidents à prendre contact. « Nous serons à vos côtés pour traiter toutes les questions relatives à la vie sociale, au fonctionnement de l’établissement, à la qualité des prestations, et prendre soin de nos résidents des Ehpad dans le 27 et le 76 », assure Jean-Marie Le Fortier, avant de s’interroger : « Nous allons tous avoir 80 ans, est-ce que nous aurons la possibilité de rester chez nous ? Pas sûr. »

AQVAD 276, 143 rue Louis Pasteur, 76160 Darnétal Tél : 06.47.96.61.76 Mail : [email protected]

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