Par
Enzo Legros
Publié le
23 août 2025 à 8h10
Dans les rues étroites du quartier Guilhemery à Toulouse, un bâtiment pour le moins intrigant n’échappe à aucun passant. Face aux yeux de ces derniers se dresse une façade toute vêtue de briques d’un rouge typique de l’architecture toulousaine. Ce dont les plus curieux ne peuvent pas se douter depuis le trottoir, c’est qu’il s’agit… d’une maison ! Et si cela ne se voit pas de l’extérieur, là est toute l’ambition de la bâtisse : être un cocon résistant à l’angoisse du vis-à-vis avec ses voisins. Sa propriétaire, l’architecte Anaïs Magnabal, a accepté de nous ouvrir les portes de chez elle. On vous emmène dans la jeune « maison COB ».
Une maison anti-vis-à-vis
Rue Antoine Courthieu, une résidence d’une dizaine d’étages surplombe une bonne partie du quartier. Juste en face, le domicile d’Anaïs Magnabal demeure depuis maintenant deux ans dans l’axe de vision d’un arsenal de fenêtres.
Depuis la cour de la maison, le vis-à-vis est omniprésent. (©Enzo Legros/Actu Toulouse)
Lorsque la propriétaire a acheté la parcelle en 2018, qui contenait deux maisons en ruine, elle n’a pas pu le louper. « Tout était abandonné depuis 10 ans, j’ai voulu repenser la maison en fonction de ce qu’il y avait à mon arrivée », explique l’architecte, à son compte depuis la construction de cette maison COB.
En 2018, les deux maisons de la parcelle rachetée par Anaïs Magnabal étaient en ruine. (©Alexandre Le Gratiet)
Lui vient alors une idée venue tout droit d’un voyage en Amérique du Sud. Là-bas, elle y a découvert le principe architectural de la « double peau ». Cette technique consiste à créer par-dessus les façades d’un bâtiment une deuxième couche, cachant les murs, et surtout, les fenêtres.
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Quand la brique rouge de Toulouse inspire l’innovation
Assistée par son père maçon, Anaïs Magnabal prend très vite la décision de lancer son projet personnel, construit à la main de A à Z. « Pour moi, il fallait que ça s’inscrive dans le cadre visuel du quartier, par respect à l’architecture », retrace celle qui enseigne en « école d’archi » dans la Ville Rose. Le choix de la réinterprétation de la brique rouge de Toulouse apparaît inévitable. En quelques semaines, la maison se transforme en un tableau ocre rouge, composé de 396 pièces de briques foraines.
396 pièces en brique rouge composent la façade de la maison COB. (©Enzo Legros/Actu Toulouse)
Depuis la rue, personne ne peut entrevoir l’intérieur des chambres, situées à l’étage. De l’intérieur, malgré les apparences, la lumière ne manque pas dans la maison exposée sud-est. « La double peau donne un teint rouge naturel », précise la propriétaire en pleine visite.
L’intérieur des chambres de la maison COB, à l’abri des regards. (©Alexandre Le Gratiet)
Un vide de 30 centimètres a été laissé entre les fenêtres et les briques foraines. « Avec les reflets des fenêtres, il n’y a plus du tout de vis-à-vis la journée et on peut laisser tout ouvert sans crainte », indique Anaïs Magnabal.
Une structure moderne et artistique
Le rez-de-chaussée aussi est invisible depuis la route, pour une bonne raison une nouvelle fois. Pour rentrer dans la maison, Anaïs descend tous les jours quelques marches. Le salon est légèrement plus bas que la rue. Seul le haut de la large baie vitrée de l’espace de vie est à hauteur de vue de l’extérieur. « J’ai installé du bambou dehors pour que le rez-de-chaussée soit aussi caché et donner un aspect de flottaison à la double peau », détaille l’architecte indépendante.
La baie vitrée du salon est masquée par un épais mur de bambou. (©Alexandre Le Gratiet)
La maison COB n’est pas uniquement une prouesse d’innovation. Sa créatrice a voulu en faire un lieu de vie réincarnant l’architecture de sa région. « Je voulais que la double peau se lise comme un tableau depuis la rue », raconte-elle en face de l’œuvre.
Un chez-soi bâti à la main
À l’intérieur, Anaïs Magnabal a implanté plusieurs clins d’œil dans cet espace de vie qui lui sert d’atelier d’architecture, collé à son domicile.
Le salon de la Maison COB, avec le clin d’œil à la façade en brique foraine. (©Alexandre Le Gratiet)
« Le bois du meuble de la télé vient d’un sapin mort qu’il y avait sur la parcelle, les escaliers sont fait à partir d’un chêne qui était tombé chez un membre de la famille », confie-t-elle. Jusqu’au dernier détail, l’architecte a confectionné le tout de ses propres mains. Aujourd’hui, elle loue les chambres de l’étage de la maison COB à des locataires, et travaille au rez-de-chaussée sur une thèse sur le concept de la double peau, reprenant son travail.
Elle envisage de déposer un statut de propriété intellectuelle sur sa construction, pour en faire sa marque de fabrique. En revanche, elle prévient, elle ne fera jamais des maison COB n’importe où. « Chaque projet doit rentrer dans le cadre qui l’entoure », rappelle la passionnée d’architecture.
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