Benjamin d’Arcangues n’est « fâché avec personne ». « Frustré et déçu, oui. Surtout, on ne comprend pas le choix de Bayonne. » Le directeur du golf d’Arcangues s’y voyait déjà. Racheter les parts de la mairie bayonnaise, pour reprendre le parcours de Bassussary. « Un golf qui se vend, c’est extrêmement rare. Le Makila est à moins de deux kilomètres du nôtre. C’était une opportunité assez unique de créer un club basque avec un ancrage local fort. » Le dossier de candidature a été déposé dans les temps. Le cabinet EY, missionné par la mairie de Bayonne, a préféré celui de l’opérateur Ugolf.
Les élus bayonnais ont entériné la décision en conseil municipal, le 17 juillet. L’opérateur aux 64 golfs, une entité du groupe Duval, l’a emporté sur trois des quatre critères retenus : les modalités de financement, la qualité du projet d’exploitation et la valeur environnementale et sociale du projet. « L’avis d’EY sur ces critères est très discutable. Nos arguments n’ont pas été pris en compte. Alors que de simples intentions ont été retenues en faveur de Ugolf », estime Benjamin d’Arcangues.
« Artisan » contre « supermarché »
Sur le prix, les deux candidats sont arrivés à égalité. Ce quatrième critère représentait la moitié de la note finale. « Nous étions légèrement plus chers », relève Benjamin d’Arcangues. 2,41 contre 2,39 millions d’euros, mais Ugolf faisait miroiter la possibilité d’un bonus. Un prix unitaire de l’action gonflé, en cas, s’il parvient à racheter aussi les parts des actionnaires minoritaires. Le pari pourrait porter le prix d’achat des parts bayonnaises à 2,74 millions d’euros. Selon nos informations, Ugolf est en passe de le réussir.
Pour Benjamin d’Arcangues, la mairie de Bayonne a loupé le coche. Il place, dans la balance, sa structure familiale de 28 employés, enracinée au Pays basque par une cinquantaine de partenaires privés du cru. « D’un côté, des artisans. De l’autre, un supermarché du golf », résume le candidat malheureux. Avec son avocat, il met la dernière touche à une demande de recours gracieux adressée au maire de Bayonne. « Nous aimerions que le dossier soit réétudié. J’estime que le cabinet EY a joué un rôle beaucoup trop important, empêchant les élus de faire un choix libre et éclairé. Personne n’est venu nous voir sur place. La décision s’est fondée sur une analyse purement administrative et lointaine. Et derrière, c’est le territoire que l’on vend. 87 hectares de la commune de Bassussary. Cela me paraît antinomique avec la défense d’un territoire et de valeurs locales. »
Le golf de Bassussary s’étend sur 87 hectares.
Emilie Drouinaud/ « Sud Ouest »
Benjamin d’Arcangues imaginait une synergie sur le modèle d’Emak Hor. Comme les clubs de rugby des deux villes, les golfs d’Arcangues et Bassussary auraient fusionné leurs écoles, partagé leurs matériels et leurs savoir-faire, notamment en matière d’agronomie, en conservant les emplois. « On prévoyait que les membres d’un golf puissent facilement jouer dans l’autre avec un green fee (droit de jouer, NDLR) très faible. » L’idée séduisait aussi la commune de Bassussary. « Nous aurions préféré un acteur local. Arcangues travaille déjà avec nous, il y avait une opportunité de mutualisation. Nous l’avons fait savoir à Bayonne, mais nous ne détenons que 5 % des parts », explique Michel Lahorgue. Le maire souligne néanmoins que toute la procédure s’est déroulée dans les règles. « Il y avait des choses intéressantes à faire avec Arcangues. Nous les ferons différemment avec Ugolf. »
Ugolf « plus étayé »
Le maire de Bayonne « assume ». « Les deux propositions étaient viables, explique Jean-René Etchegaray. Pour le reste, nous nous sommes référés à la qualité des dossiers rendus et des exposés des motifs. Ceux de Ugolf étaient bien plus étayés sur le projet d’exploitation, l’école de golf, l’ouverture au public ou la reprise du personnel, par exemple. »
Pour trancher, l’analyse d’EY était indispensable. Par le passé, la mairie a déjà fait appel à son expertise pour jeter les bases de sa collaboration avec l’Aviron Bayonnais. « Nous n’étions nullement contraints de lancer un appel à manifestation d’intérêt (AMI). Une vente de gré à gré était tout à fait possible. Mais j’estime qu’aujourd’hui, plus que jamais, il faut de la transparence et des éléments objectifs », explique Jean-René Etchegaray. Des critères précis. Parmi lesquels le localisme n’a aucune place. « Le problème de la commande publique, c’est qu’il n’existe pas de privilège local. » Il précise, par ailleurs, que la décision finale revenait aux élus. Ils ont voté en faveur de Ugolf à l’unanimité, avec deux abstentions. Le maire de Bayonne « étudiera et répondra » au recours d’Arcangues. Mais rien ne semble pouvoir arrêter la signature de l’acte de vente, prévue à l’automne.
« Le golf est déjà à maturité. Nous comptons simplement l’ouvrir un peu plus, en attirant de nouveaux golfeurs, sans en faire un entre-soi golfique »
Ugolf a conscience d’arriver en terrain miné. « Il faudra d’abord rassurer tout le monde, estime Éric Zonta, directeur pour le Sud-Ouest. Le projet est de s’implanter et de devenir un acteur du Pays basque. » Le groupe compte déjà six golfs en Gironde, cinq autour de Toulouse et un à Pau. Un parcours sur la Côte basque manquait. Qu’importe si le Makila n’a dégagé que 100 000 euros d’excédent en 2024. « Nous avons tout fait pour saisir cette opportunité, explique Éric Zonta. Bassussary doit devenir un golf de destination pour nos membres. Il est déjà à maturité. Nous comptons simplement l’ouvrir un peu plus, en attirant de nouveaux golfeurs, sans en faire un entre-soi golfique. » La continuité, dans un premier temps. Puis les investissements. À moyen terme, Ugolf envisage de moderniser le club-house, l’accueil, la boutique, le restaurant, le practice et le système d’arrosage. « Un porte-drapeau de notre groupe au Pays basque », résume Éric Zonta. Cela vaut bien quelques millions.
Pourquoi Bayonne possédait un golf
La municipalité a investi dans le golf du Makila en 2004. « Nous ressentions déjà la raréfaction des terres et la pression immobilière », se souvient Jean-René Etchegaray, à l’époque adjoint à l’urbanisme. « 87 hectares de verdure étaient à vendre aux portes de Bayonne. On ne se voyait pas les laisser passer. » La municipalité a investi par le biais d’une Société d’économie mixte. Elle a acquis 58 % du capital, associée à Bassussary (5 %), sept autres communes (une action) et 18 actionnaires privés (36 %). En 2025, protéger le foncier n’avait plus lieu d’être. « La loi Climat et résilience, avec le Zéro artificialisation nette, à laquelle s’ajoute notre Schéma de cohérence territoriale (Scot) qui acte son application, font que ces terres sont désormais sauvegardées », estime Jean-René Etchegaray. Dans un contexte budgétaire tendu, le maire a pris la décision de vendre. « Nous sommes attendus sur bien d’autres choses que la gestion d’un golf. »