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Comment le MotoGP veut très vite se passer des énergies fossiles

Publié aujourd’hui à 10h31Un pilote de MotoGP penché lors d’un virage sur une piste de course, vêtu d’une combinaison de course noire et rouge, sur une moto bleue.

Les teams Yamaha actifs dans la catégorie MotoGP trouvent depuis 2024 leur écocarburant auprès de TotalEnergies. Chaque équipe a son propre fournisseur.

Yamaha Racing

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Le MotoGP, c’est le summum de la vitesse, du bruit et de la combustion d’essence sur deux-roues. Ou du moins ça l’était jusqu’il y a environ une année, lorsque les organisateurs de ce championnat mondial ont lancé le programme «Racing for the Future».

Sous cette appellation se trouve la volonté de moderniser les règlements régissant les courses des différentes catégories, afin de baisser le prix du ticket d’entrée pour les différents teams et constructeurs, mais aussi de rendre la compétition plus durable.

Cela passe par la création d’une nouvelle catégorie, le MotoE, où s’affrontent des machines mues par la puissance des électrons et disposant de batteries en guise de réservoir d’énergie. La nouveauté est arrivée en 2019, dans une Coupe mondiale où tous les concurrents reçoivent les mêmes prototypes. La Coupe est devenue un véritable championnat du monde en 2022, et, en 2023, le constructeur italien Ducati a pris le relais du premier fournisseur, la petite entreprise italienne Energica.

Le MotoE se dispute les mêmes week-ends que le MotoGP, et sur les mêmes circuits. Les courses sont cependant nettement plus courtes… l’autonomie des motos étant moindre. Leur vitesse maximale est un peu moins impressionnante, flirtant avec les 280 km/h.

Le soussigné a pu essayer, sur le circuit tchèque de Brno, à bord d’une moto juste transformée pour accueillir un passager. L’accélération et le freinage sont tout de même à couper le souffle, tout comme la maniabilité en virage. Ces machines électriques ont remplacé les prototypes de MotoGP qui étaient jusqu’à il y a peu mis à disposition pour ces tours de circuit, sur réservation et après visite médicale. On peut faire cette expérience même à des endroits où aucune course MotoE n’est au programme.

Deux motocyclistes en tenue noire prennent un virage serré sur un circuit de course, avec des tribunes et des drapeaux en arrière-plan.

Nous avons pu tester en République tchèque: les particuliers peuvent booker un tour de piste comme passager sur la selle d’une moto électrique de compétition. Décoiffant!

DR

Les organisateurs du championnat mondial et de ses quatre catégories de course mettent à disposition tout ce qu’il faut, équipement, visite médicale et pilote compris. L’examen par un médecin, les explications et les habits de motos se trouvent dans un camion d’hospitalité parqué dans le paddock, et qui appartient… à Philip Morris International (PMI)!

Le camion ne porte aucun logo du cigarettier ni ne promeut aucun de ses produits. PMI est l’un des plus anciens partenaires et sponsors des Grands Prix Moto, mais sa présence s’est faite beaucoup plus discrète, pour diverses raisons (lire ci-dessous).

Les carburants «durables» en MotoGP

Il reste que, sur la voie du sport moto plus durable, la traction électrique représente plus une filière alternative qu’un mouvement de fond. Celui-ci passe plutôt par la voie des carburants dits sustainable (durables, en français). Toutes les machines du MotoGP, du Moto2 et du Moto3 doivent déjà, depuis l’an dernier, utiliser 40% de ce type d’essence dans leurs réservoirs. D’ici à 2027, ce sera 100%!

«Le MotoGP est un puissant vecteur de changement montrant des voies innovantes pour nous déplacer de manière plus durable au quotidien à travers le monde, explique Carlos Ezpeleta, Chief Sporting Officer de la Dorna, la société organisatrice. Mais il n’est pas réaliste, globalement, de penser utiliser à court terme des motos électriques pour ces déplacements, il manque tout simplement l’infrastructure, et l’autonomie n’est pas encore suffisante, entre autres. C’est pourquoi nous introduisons des carburants durables, qui demandent très peu de changements techniques, mais peuvent faire une grande différence au niveau de la durabilité.»

En Moto2 et Moto3, le fournisseur unique de ces nouveaux carburants est le géant malaisien des hydrocarbures, Petronas. Dans la catégorie reine (MotoGP), chaque team a son propre fournisseur, mais les règles sont identiques. Les deux équipes Yamaha existantes ont signé avec la multinationale française TotalEnergies.

Celle-ci explique par la voix de son porte-parole, Pol-Rémy Barjavel, que l’origine du carburant fourni est de la biomasse «avancée», autrement dit qui n’entre pas en compétition avec les cultures pour l’alimentation humaine. «Les sources peuvent varier: marcs et lie-de-vin, déchets de l’industrie papetière ou sucrière, huiles de cuisson usagées…»

Pas l’écocarburant qu’on trouve à la pompe

Il ne s’agit cependant pas de l’essence bio que l’on trouve dans certaines stations-services. «Les moteurs du MotoGP ont des besoins particuliers, par exemple leurs régimes de rotation très élevés, à prendre en compte lors de la conception des carburants», complète Pol-Rémy Barjavel. L’indice d’octane de l’essence fournie est ainsi par exemple nettement supérieur aux 95% habituels. TotalEnergies a profité ici de l’expérience engrangée en Endurance automobile.

Contactés dans le cadre de cet article, ni Ducati, ni son fournisseur Shell n’ont apporté de réponse allant plus loin que l’information basique: 40% maintenant, 100% en 2027. Le secret de la compétition est, il est vrai, encore bien présent dans la discipline.

Trois hommes discutent sur scène lors d’un événement intitulé ’Racing for the Future’, avec un public attentif.

Carlos Ezpeleta (au centre avec le micro), Chief Sporting Officer de la Dorna, la société organisatrice du MotoGP, explique les défis à relever pour passer à 100% d’écocarburant dans les courses du championnat d’ici à 2027.

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Maintenant, faut-il croire Carlos Ezpeleta lorsqu’il affirme que le MotoGP a un rôle pionnier et est à même de déclencher des changements de société en montrant l’exemple? «C’est moins évident aujourd’hui, on ne peut plus dire comme avant, on gagne le dimanche et on vend le lundi, estime Jean-Claude Schertenleib, journaliste sportif suisse qui a longtemps commenté les Grands Prix. Mais il y a toujours l’aspect innovant, avec des technologies que l’on finit souvent par retrouver sur des motos vendues dans le commerce. Et le MotoGP a encore une très, très forte présence médiatique et publicitaire de par le monde. En cela, il peut initier des changements, les encourager, par sa simple image.»

Philip Morris continue à utiliser le MotoGP pour faire sa com

Le partenariat entre le cigarettier Phillip Morris (PMI) et les sports motorisés date de plusieurs dizaines d’années. Mais il est devenu beaucoup plus discret à partir du moment où les publicités pour les produits du tabac ont été interdites dans certains pays et dans certains championnats. On ne trouve plus ni le nom de l’entreprise ni la moindre réclame pour ses produits dans l’enceinte publique des Grands Prix Moto.

Il faut se rendre dans le Village VIP, privatisé et pas donné, pour tomber sur un «Lounge IQOS», du nom du nouveau produit avec du tabac, de la nicotine, mais sans fumée. Aujourd’hui, le virage opéré est radical, l’entreprise passant de la cigarette à de nouveaux produits qui chauffent le tabac sans le brûler, beaucoup moins nocifs selon le fabricant. Mais ils tombent toujours sous le coup d’interdiction publicitaire.

«Il y a environ 1 milliard de fumeurs dans le monde, pour un peu plus de 22 millions de consommateurs qui sont passés aux produits sans fumée, estime Yann Marois, vice-président de PMI responsable des ventes mondiales, rencontré au Grand Prix de la République tchèque. Il sera donc difficile à court terme de les faire tous se passer de cigarettes, mais on peut réduire fortement les effets néfastes si on arrive à les convaincre qu’il y a une alternative.»

«L’IQOS n’est pas un produit inoffensif, contre Julie Martin, experte en prévention du tabagisme à Unisanté. Tout d’abord, il y a tout de même de la nicotine, une substance au potentiel addictif très élevé. Et ensuite, la fumée du tabac chauffé expose aux mêmes substances toxiques que les cigarettes conventionnelles (goudrons, monoxyde de carbone, composés organiques volatils, composés cancérigènes, etc.). Et on ne peut pas faire confiance aux études financées par l’industrie du tabac.»

Phillip Morris précise par le biais d’un porte-parole que «le nombre d’études indépendantes consacrées aux produits du tabac chauffé, en particulier aux produits sans combustion, a connu une hausse significative au fil du temps», et que ces études «viennent souvent corroborer les principales conclusions de nos propres travaux de recherche, qui démontrent que notre produit du tabac chauffé, même s’il n’est pas sans risque, réduit en moyenne de 95% les composants nocifs par rapport à la cigarette.»

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