Nous sommes le 23 août 2015, sur le circuit de Spa-Francorchamps. La fin du Grand Prix de Belgique approche. Mercedes se dirige vers un doublé facile, Lewis Hamilton menant l’épreuve depuis le départ et Nico Rosberg assurant la deuxième place à distance raisonnable.
Pour la troisième position en revanche, la lutte semble devoir s’engager entre Sebastian Vettel et Romain Grosjean. L’Allemand a chaussé les pneus mediums lors de son unique arrêt, au 14e tour, alors que le pilote Lotus les a depuis la 21e boucle, moment de son second passage au stand. Sur un tracé de vitesse, le bloc Mercedes client de la monoplace d’Enstone est un atout qui compense les faiblesses du châssis, et le Français, grâce à ses enveloppes moins usées, revient progressivement sur la Ferrari.
La suite, c’est Matthew Carter qui la racontait, dans le podcast Missed Apex, en 2017 : « [Mercedes] ne voulait pas particulièrement que Sebastian Vettel soit sur le podium à Spa, et ils voyaient que Romain, avec des pneus plus neufs, revenait. Donc ils lui ont donné un mode moteur différent ».
Au championnat, Sebastian Vettel est alors la dernière menace pour la marque à l’Étoile puisqu’il figure au troisième rang du classement pilotes, avec 42 points de retard sur Lewis Hamilton et 21 sur Nico Rosberg. Surtout, il sort d’une victoire au Grand Prix de Hongrie, qui a précédé la trêve estivale.
Sebastian Vettel pris en chasse par Romain Grosjean.
Photo de: Sam Bloxham / Motorsport Images
À Spa, l’analyse des chronos tour par tour permet rapidement de constater une hausse soudaine et nette des performances de la Lotus E23 à partir de la 31e boucle, de l’ordre de trois à huit dixièmes, alors que la Ferrari stagne voire ralentit légèrement. Progressivement, Romain Grosjean revient dans la zone DRS et constitue une menace réelle.
Dans le 42e tour, le pneu arrière droit de Vettel, contraint à un pilotage d’attaque sur des gommes très usées, délamine à l’entrée de la ligne droite des Combes, offrant sur un plateau le podium à Romain Grosjean et entraînant l’abandon du quadruple champion du monde.
« Romain est venu à la fin de cette course et a dit que la voiture ne s’était jamais comportée de la façon dont elle l’avait fait lors des derniers tours de course », expliquait Matthew Carter. « C’est logique : dès l’instant où la voiture va plus vite, votre aéro fonctionne mieux, vos pneus fonctionnent mieux, vous n’avez pas à freiner aussi tôt. Chaque partie de la voiture fonctionnait mieux car il avait ce mode. »
Un mode moteur que Lotus n’a « jamais revu »
Romain Grosjean après sa troisième place au GP de Belgique 2015.
Photo de: Steven Tee / Motorsport Images
Sans surprise selon Matthew Carter, le motoriste allemand ne s’est pas étendu sur ce prétendu tour de passe-passe : « Mercedes ne nous a jamais dit de quoi il s’agissait. Ils nous ont dit qu’il n’y avait pas de différence du tout. Romain me disait : ‘Pas possible, la voiture était différente’. »
« Lors des courses qui ont suivi Spa, je n’arrêtais pas de demander à Mercedes : ‘C’était quoi ce mode moteur, est-ce qu’on peut l’avoir ?’. Et ils répondaient : ‘Non, c’était spécifique à Spa, spécifique à X, Y ou Z’. Nous ne l’avons jamais revu. »
« Donc, qu’avaient-ils en réserve ? Je ne sais pas. Je suis sûr qu’ils peuvent dire qu’ils ne voulaient pas dégrader la fiabilité du moteur ou mettre trop de pression sur le moteur… Mais il y a souvent [eu] des discussions sur le mode qualifications que Mercedes a en Q3. Nous accédions rarement à la Q3, mais de façon occasionnelle, quand nous l’atteignions, nous avions de nouveau accès à un réglage supplémentaire […] qui plaçait le moteur sur un mode différent. »
Ce podium fut, pour Lotus, le seul de la saison 2015 et le dernier de l’histoire de la structure. Rachetée par Renault à la toute fin de l’année, elle fut ensuite équipée de blocs turbo hybrides au Losange dès 2016 avant de devenir Alpine en 2021. Romain Grosjean, lui, a rejoint Haas en 2016, écurie où il a terminé sa carrière fin 2020 à la suite de son accident du Grand Prix de Bahreïn. Le Français n’a jamais eu l’occasion de remonter sur un podium en discipline reine, ni de réaliser à ce jour un test promis par… Mercedes !
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